Inutile d'espérer lire un quelconque regret dans le regard de Mario Theissen. Cet homme-là est un fonceur, un décideur, un patron qui sait ce qu'il veut et qui cultive le dicton «qui veut la fin veut les moyens».

Inutile d'espérer lire un quelconque regret dans le regard de Mario Theissen. Cet homme-là est un fonceur, un décideur, un patron qui sait ce qu'il veut et qui cultive le dicton «qui veut la fin veut les moyens».

Mario Theissen emmènera l'écurie BMW Sauber vers la victoire, quel qu'en soit le prix. Les remords, ce n'est pas son rayon, surtout lorsque les chiffres lui donnent raison. Car entre Jacques Villeneuve et Robert Kubica, le duel semble clairement pencher en faveur de ce dernier: après 12 Grands Prix 2006, de Bahrein à Hockenheim, le Québécois a marqué 7 points. En l'espace de cinq courses, de Budapest à Suzuka, le Polonais en a marqué 6, dont un podium pour sa troisième participation, à Monza.

La recrue contre le vétéran

Le verdict est sans appel: Robert Kubica est une excellente recrue, et constitue, à 21 ans seulement, l'avenir de l'écurie alors que Jacques Villeneuve et ses 11 saisons de F1 symbolisaient le passé.

Dans l'esprit de Mario Theissen, c'est aussi simple que cela. «Nous avons une philosophie claire dans l'écurie, explique l'Allemand. N'avoir que de jeunes pilotes sans expérience constituerait un risque. Après tout, les pilotes doivent régler les voitures, ce sont eux qui guident nos ingénieurs. Il faut un minimum d'expérience. D'un autre côté, nous ne visons pas le titre mondial avant deux ou trois ans, nous sommes donc idéalement placés pour en profiter et engager un très jeune pilote que l'on forme. Nous n'aurions pas pu, par exemple, embaucher Kimi Raikkonen. Lui, il veut devenir champion la saison prochaine. Il se serait ennuyé avec nous, et nous avec lui.»

L'avenir de la F1

À côté de Robert Kubica, repéré la saison dernière à Macao, l'écurie compte aussi sur Sebastian Vettel, son troisième pilote, qui, à 19 ans seulement, est parfois décrit comme le futur Michael Schumacher. «On sait que Sebastian a un potentiel extraordinaire, poursuit Mario Theissen. Mais il est très jeune, et cet environnement de la F1 est nouveau pour lui. Alors, on le soigne, on s'occupe beaucoup de lui. Avec Robert et Sebastian, nous avons deux pilotes qui représentent l'avenir de la F1 et de BMW.»

Le patron allemand se refuse, après coup, à comparer les capacités de Jacques Villeneuve et de Robert Kubica, qui se sont succédés derrière le même volant. «Les comparer serait absurde, ajoute-t-il. Jacques a fait du bon travail, mais les deux pilotes sont tellement différents, et les situations tellement distinctes qu'on ne peut mesurer l'un par rapport à l'autre.»

Le remplacement d'un pilote expérimenté par un débutant comportait tout de même certains risques. «Robert a été parfait et son installation dans l'écurie s'est avérée un succès total, se réjouit Theissen. Mais il est vrai que cela aurait aussi bien pu être l'inverse. Nous aurions pu nous tromper.»

Pourquoi avoir attendu?

Mais si l'on se fie à la stratégie de BMW- celle de compter sur un pilote expérimenté et un jeune loup-, pourquoi ne pas avoir tout de suite donné sa chance à Robert Kubica? Pourquoi avoir attendu l'été pour écarter Jacques Villeneuve en prétextant son accident du Grand Prix d'Allemagne? «Nous n'étions tout simplement pas prêts avant, de justifier Mario Theissen. Au début de la saison, ni Robert Kubica ni Sebastian Vettel ne comptaient parmi nos plans. Nous devions faire avec ce que nous avions.»

Mario Theissen n'a jamais aimé travailler avec Jacques Villeneuve. Imposé par le contrat signé plus tôt avec Peter Sauber, le Québécois était sur un siège éjectable, dont le Munichois a fait fonctionner le mécanisme dès que «sa» relève fut prête.

Aussi talentueux qu'il ait été, Jacques Villeneuve n'avait aucune chance de rester dans une écurie dont le patron avait d'autres ambitions.

Le Québécois n'a aucun regret à avoir.