Rarement championnat du monde aura été aussi tendu. Après 16 Grands Prix disputés sur 18, Michael Schumacher et Fernando Alonso se retrouvent à égalité parfaite de points- 116 chacun.

Rarement championnat du monde aura été aussi tendu. Après 16 Grands Prix disputés sur 18, Michael Schumacher et Fernando Alonso se retrouvent à égalité parfaite de points- 116 chacun.

Du côté du Championnat du monde des constructeurs, peu populaire mais fondamental pour les écuries, leur réputation et surtout les primes offertes par Bernie Ecclestone, Renault compte un point d'avance sur Ferrari. L'équivalent d'une huitième place, une poussière de championnat.

Les compteurs sont donc remis à zéro, et le titre va se courir sur deux Grands Prix. On peut parier qu'ils seront intenses, et que le moindre détail va compter, comme la météo- et le temps est pluvieux sur le Japon cette semaine, quoique une amélioration soit attendue-, le choix des pneus, l'équilibre de la monoplace, la stratégie et la motivation de l'équipe. Pour gagner, il va falloir réunir un cocktail mêlant savamment tous ces ingrédients.

Chez Ferrari, on craint plutôt la météo- les pneus Bridgestone ayant largement démontré leurs limites sous la pluie, en Hongrie et en Chine. Mais chez Renault, le point faible serait plutôt situé au coeur de l'équipe elle-même. La faute à Fernando Alonso.

Le jeune hidalgo, en effet, aurait beaucoup de mal à se qualifier pour le prix Nobel de la sympathie, si ce dernier existait un jour. Hautain, dédaigneux, voir arrogant, Fernando Alonso traite souvent ses mécaniciens et ses ingénieurs avec un royal dédain. C'est sa quatrième saison au sein de l'écurie Renault, mais il s'y conduit toujours comme un mercenaire, payé- plutôt bien- pour faire son travail, point à la ligne.

Tandis que Michael Schumacher, chez Ferrari, connaît «ses» hommes par leur prénom, joue au foot avec eux pendant les journées d'essais et leur offre des petits cadeaux lors de mariages ou de naissances, Fernando Alonso n'a cure de la vie et de la santé des gens qui préparent sa voiture. Il arrive, enfile son casque, grimpe dans son cockpit et pilote.

De ses fans, il ne se soucie guère davantage: l'an dernier, à Barcelone, 80 enfants des écoles environnantes avaient été honorés d'un billet spécial leur permettant de se tenir sur un balcon dominant le paddock du circuit catalan, le vendredi du Grand Prix d'Espagne. Fernando Alonso, c'est leur idole. L'un d'eux l'avait vu entrer dans le camion technique de l'écurie Renault, sans doute pour un briefing. Tous l'attendirent patiemment- plus d'une heure- pour le voir en sortir. Lorsque leur champion apparut, ils se mirent à scander son nom à tue-tête, 80 gosiers chantant une ode à Fernando pour qu'il leur adresse un signe. Rien. Alonso s'est éloigné sans même tourner la tête. Et les gosses de n'en être pas encore remis.

Ignoble? Evidemment, mais l'Espagnol sait faire pire: l'an dernier, alors qu'il avait décroché le titre de champion du monde, et que Carlos Ghosn, le patron de Renault, venait de lui offrir sa voiture en guise de cadeau, l'Espagnol annonçait avant la fin de l'année qu'il avait signé pour McLaren en 2007. En F1, on ne peut pas faire mieux pour casser l'ambiance et le moral d'une équipe.

Du coup, Fernando Alonso ne doit pas s'étonner que son écurie n'ait pas de raison particulière de tout faire pour lui offrir un deuxième titre. Le championnat des constructeurs, Renault le veut.

Celui des conducteurs, certains, au sein de la formation au losange, n'en souhaitent carrément pas, histoire de ne pas voir le numéro «1» auquel ils auraient contribué orner une McLaren l'an prochain.

Hier, arrivé à Suzuka après trois jours de vacances à Shanghaï, l'Espagnol s'en est ému: «Il y a eu des moments, cette saison, où je me suis senti bien seul, s'est-il lamenté. En Chine, quand je perdais quatre secondes au tour, ou à Indianapolis, quand on était hors du coup. Les deux fois, je pense que l'écurie aurait dû me soutenir davantage. Bien sûr, pour eux, c'est le championnat des constructeurs qui compte avant tout.»

L'an prochain, Renault continuera avec Giancarlo Fisichella. Peut-être pas le plus rapide, mais le plus fidèle de ses pilotes. Du coup, Alonso a le sentiment que les dirigeants de l'équipe protègent l'Italien à ses dépens: «En Chine, quand Giancarlo m'a passé, c'était dur à admettre, regrettait encore l'Espagnol. C'est un peu comme lorsque vous disputez le Tour de France, que vous avez une crevaison, et que vos rivaux vous passent sans attendre. Et j'ai ensuite dû me battre contre Giancarlo, je l'ai passé, il m'a repassé, je l'ai repris. Ce sont des manoeuvres risquées, et je ne comprends pas pourquoi l'équipe l'a laissé faire.»

Du point de vue de l'Espagnol, Giancarlo Fisichella aurait dû bloquer Michael Schumacher pour le protéger. Ce n'était manifestement pas l'avis de Renault.

Critiquer la tactique de son écurie ne constitue peut-être pas la meilleure manière de la motiver à gagner un championnat.

Deux facteurs s'opposent ainsi sur la trajectoire de Fernando Alonso: d'un côté, sa Renault R26 et ses pneus Michelin sont au sommet de leur forme. De l'autre, l'ambiance semble défavorable pour celui que certains décrivent comme un «traître».

Pour l'Espagnol, il va s'agir de profiter de l'un sans souffrir de l'autre. Pas facile d'être champion quand on a tiré contre son camp.