Encore quelques semaines avant la présentation des voitures qui disputeront le Championnat du monde 2023 et leur retour en piste, mais la F1 occupe déjà l’actualité grâce à un projet de nouvelle équipe qui est loin de faire l’unanimité.

L’annonce récente d’un projet d’équipe de F1 piloté par l’Américain Michael Andretti, avec le soutien de General Motors, n’a pas soulevé l’enthousiasme auquel plusieurs se seraient attendus.

En fait, à l’exception du président de la Fédération internationale de l’automobile (FIA), Mohammed Ben Soulayem, de nombreux intervenants du milieu de la F1 ont exprimé leurs réserves, voire leur scepticisme, quant aux chances du projet de se réaliser. Andretti est pourtant issu de l’une des familles « royales » du sport automobile – son père Mario a été champion du monde de F1 en 1978 – et il dirige une entreprise engagée dans pas moins de sept séries de compétitions, en Formule E et en série IndyCar notamment.

Aujourd’hui âgé de 60 ans, Michael Andretti n’a pas obtenu les mêmes succès que son père au volant, malgré 42 victoires et un titre en série CART. Il s’est toutefois brillamment repris à la direction d’Andretti Autosport, une organisation dont il a dirigé la croissance et qu’il estime aujourd’hui prête à se joindre au grand cirque de la F1.

PHOTO PAUL SANCYA, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Michael Andretti au Grand Prix de Detroit d’IndyCar en 2021

Après avoir tenté sans succès d’acquérir l’équipe Sauber – qui a plutôt été reprise par Audi –, Andretti a indiqué vouloir obtenir l’une des deux places encore disponibles en F1 (le plateau est limité à 12 équipes).

On lui a toutefois vite fait savoir qu’il devrait obtenir l’appui d’un constructeur, ce qui explique son association avec General Motors à travers la marque Cadillac.

C’est dans ce contexte que Ben Soulayem a salué sur son compte Twitter l’arrivée éventuelle du géant américain, une bonne nouvelle au moment où la F1 est en pleine expansion aux États-Unis, avec pas moins de trois épreuves prévues en 2023. Le geste a toutefois été fort mal accueilli par plusieurs figures clés de la F1 qui y ont vu une ingérence de la FIA dans un dossier où elle ne joue habituellement qu’un rôle secondaire.

C’est la FOM (Formula One Management, propriété de Liberty Media) qui gère la F1 en partenariat avec les équipes. La FIA, qui loue ses droits, n’est là que pour arbitrer les conflits. Depuis son élection, en décembre 2021, Ben Soulayem s’est montré plus actif que ses prédécesseurs, plus volubile aussi. Ses interventions ont vite mis au jour les luttes de pouvoir et le fragile équilibre qui entoure le contrôle de la F1.

Bien malgré eux, Andretti et Cadillac se sont retrouvés au cœur de ces conflits et de nombreux intervenants n’ont pas manqué de souligner les « faiblesses » de leur candidature.

Plusieurs doutent qu’une équipe Andretti-Cadillac ait les reins assez solides pour être compétitive en F1.

On s’interroge aussi sur l’intention de baser l’équipe aux États-Unis, avec seulement un « satellite » en Europe, alors que toutes les équipes ont leur base sur le Vieux Continent, la plupart au Royaume-Uni.

Et il faut rappeler que Cadillac ne serait d’abord qu’un commanditaire, les voitures étant propulsées par des moteurs Renault, une façon avantageuse d’obtenir beaucoup de visibilité sans avoir à investir des centaines de millions en développement, comme le font Ferrari ou Mercedes, par exemple.

Les opposants

L’argent est d’ailleurs l’argument majeur de nombreux opposants au projet d’Andretti. Toute nouvelle équipe doit actuellement verser une somme anti-dilution de 200 millions afin de dédommager les autres équipes pour leurs pertes de revenus. Certains jugent cette somme largement insuffisante et voudraient la porter à au moins 600 millions.

En entrevue avec Forbes, Michael Andretti a dénoncé l’avidité des équipes : « Ils disent que leurs revenus vont diminuer, que nous allons accaparer tous les commanditaires américains. En fait, ils ne pensent qu’à eux-mêmes et pas à ce qui est le mieux pour la F1. »

Dans un récent point de presse, Toto Wolff, directeur de l’équipe Mercedes, a estimé positive l’implication éventuelle de General Motors, mais il a aussi rappelé que la F1 était de plus en plus prospère et qu’une nouvelle équipe devait assurer la croissance nécessaire à ce que toutes les autres équipes se retrouvent en meilleure position.

Dans ce contexte, la candidature Andretti-Cadillac risque de ne pas être la seule et la concurrence s’annonce vive avec l’arrivée déjà prévue d’Audi, mais aussi celle de Porsche.

Et on parle de plus en plus des projets de Ford, un autre constructeur américain, qui a, lui, un solide pedigree en F1.

De toute évidence, Andretti ne réussira pas à court-circuiter le long processus de sélection et à débarquer en F1 dès 2024, comme il en avait exprimé le vœu. Il reste à voir s’il aura la patience, et les arguments, pour atteindre son objectif.

Chaises musicales au sommet

Plus que les changements de pilotes, ce sont les mouvements des directeurs d’équipe qui ont retenu l’attention pendant l’intersaison. Pas moins de quatre équipes ont de nouveaux patrons, le départ le plus spectaculaire ayant certes été celui de Mattia Binotto de Ferrari, visiblement forcé à démissionner, et le transfert de Frédéric Vasseur de Sauber-Alfa Romeo à la Scuderia. Le Français a une longue expérience en sport automobile – il a notamment dirigé Lewis Hamilton et Nico Rosberg en F2, avant d’être le directeur de l’équipe Renault – et semble mieux armé que son prédécesseur pour mettre un peu d’ordre dans la gestion d’une équipe souvent brouillonne. C’est Andreas Seidl qui a pris sa place chez Sauber afin de préparer l’arrivée d’Audi en 2026, laissant la direction de McLaren à son bras droit, Andrea Stella, un ancien de Ferrari. Dernier mouvement de ce jeu de chaises musicales, après le « congédiement » de Jost Capito, c’est James Vowles qui devient patron de l’équipe Williams. Il était un proche collaborateur de Toto Wolff chez Mercedes. Si on ajoute les arrivées d’Otmar Szafnauer (Alpine) et de Mike Krach (Aston Martin) au début de 2022, ce sont plus de la moitié des équipes qui ont changé de patron en moins d’un an !

Michel Marois, La Presse