Dans les paddocks de la Formule 1, Jacques Villeneuve a laissé le souvenir d’un pilote doué, doté d’un fort caractère et bien décidé à mener sa vie comme il l’entendait.

En décidant de s’engager auprès de la nouvelle équipe BAR en 1999, un an après son titre mondial, alors que des équipes de pointe étaient prêtes à l’embaucher, Villeneuve a sabordé ses meilleures chances de répéter son exploit.

Le réputé journaliste britannique David Tremayne couvre la F1 depuis les années 1970 et il a suivi toute la carrière de Villeneuve, après avoir aussi suivi celle de son père Gilles.

« Jacques n’avait pas impressionné avant d’arriver en ChampCar, mais il s’est vite adapté à ces voitures plus puissantes et a obtenu du succès, a-t-il rappelé, en entrevue en marge du Grand Prix du Canada. Quand il est arrivé en F1, il a eu la chance d’avoir une excellente voiture. Ce n’est pas un crime, d’autres champions ont aussi profité du fait d’avoir la meilleure voiture du plateau, et Jacques a su se montrer digne d’un tel avantage. Il était très confiant en ses moyens et avait aussi la confiance de ses patrons, Frank Williams et Patrick Head.

« Il a bien failli remporter son premier Grand Prix [en Australie en 1996] et a beaucoup appris lors de sa première saison. En 1997, il était prêt à se battre pour le titre et a su l’emporter, même s’il a été chanceux de terminer le dernier Grand Prix avec une voiture très abîmée après le choc avec la Ferrari de [Michael] Schumacher. On m’a dit que la batterie ne tenait littéralement qu’à un fil. »

PHOTO VANDERLEI ALMEIDA, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Jacques Villeneuve au volant de sa Williams-Renault en 1997

Sur le plan personnel, Tremayne souligne : « Les relations de Jacques avec les journalistes n’étaient pas faciles, c’est vrai. En 1996, après sa première victoire, je m’attendais à ce qu’il la dédie à son père, mais il ne l’a pas fait. Plus tard, il m’a expliqué qu’il devait être lui-même, pas juste le fils de Gilles, mais cette attitude ne l’a pas servi auprès des médias. »

Jacques a terminé sa carrière avec plus de victoires que son père et il a été champion du monde, mais c’est de Gilles que les amateurs se souviennent. Pour moi, Gilles reste l’un des trois plus grands pilotes de l’histoire de la F1 et il aurait sûrement été champion, n’eût été sa disparition à Zolder.

David Tremayne, réputé journaliste britannique

Le jugement des pilotes

Plusieurs anciens rivaux de Villeneuve sont, comme lui, toujours actifs dans les paddocks à titre de commentateurs pour la télé. En juin, en coulisses du Grand Prix du Canada, ils ont évoqué quelques souvenirs.

David Coulthard, qui était sur le podium à Jerez avec lui, a souligné : « À ses débuts en F1, Jacques était vraiment impressionnant, comme il l’a démontré dans sa bataille avec Schumacher. Il était aussi très bien encadré chez Williams et je crois qu’il n’a jamais retrouvé un tel confort par la suite, ce qui explique qu’il n’ait plus connu de succès. »

Martin Brundle, qui n’a côtoyé Villeneuve en piste que pendant une saison, en 1996, a rappelé : « Peu de pilotes ont connu de meilleurs débuts en F1, même avec la meilleure voiture. En Australie, à son premier Grand Prix, il était tout de suite le plus rapide et aurait gagné facilement, n’eût été un problème mécanique. Dommage qu’il ait gâché la suite de sa carrière... »

Conflit avec son coéquipier

Jenson Button entretient de bonnes relations avec Villeneuve aujourd’hui, mais c’était moins vrai en 2003 quand il est devenu son coéquipier chez BAR, à un moment où le statut du Canadien dans l’équipe était moins solide.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Le pilote Jenson Button, coéquipier de Jacques Villeneuve chez BAR, au Grand Prix du Canada de 2003

« Lors de notre première conférence de presse, en Australie, quand on lui a demandé ce qu’il pensait de son nouveau coéquipier, il a répondu : “Il est inexpérimenté et a l’air d’un membre de boys band”, s’est souvenu Button. Cette hostilité m’a surpris. Par la suite, il m’a complètement ignoré, ne me parlait pas, évitait même de me regarder... »

En course, Villeneuve est entré aux puits un tour plus tard que prévu, juste devant son coéquipier, qui a dû attendre son tour derrière lui et a perdu là plusieurs secondes. Il a assuré qu’il s’agissait d’un problème de communication, mais Button et les dirigeants de l’équipe en doutent : « Pourquoi a-t-il fait ça ? Il voulait me battre, c’est certain, mais il s’agissait d’une manœuvre incompréhensible et très décevante de la part d’un pilote de sa qualité. »

Et en tant qu’ancien champion du monde, il aurait dû comprendre l’importance d’avoir l’équipe de son côté.

Jenson Button, pilote et coéquipier de Jacques Villeneuve

Sûr de lui, fort en gueule, Jacques Villeneuve n’a jamais hésité à dire ce qu’il pensait, et ce n’est pas toujours une qualité en F1. En 2006, après un grave accident au Grand Prix d’Allemagne, sa carrière au plus haut niveau de la course automobile a pris fin.

Au journaliste Gerald Donaldson, il a alors déclaré : « F... tout ça [la F1], c’est le moment de passer au reste de ma vie ! »