L’histoire d’amour entre Valérie Limoges et la course automobile dure depuis 27 ans. Les voitures, c’est sa passion, son passe-temps et son travail. Coup d’œil sur le parcours de la pilote de 39 ans.

Si elle maintient le rythme dans la dernière fin de semaine de courses, à la fin de septembre, Valérie Limoges pourrait devenir la première femme couronnée championne de la série de courses monotype canadienne, qui a vu le jour en 2015.

Au moment de s’entretenir avec La Presse par Zoom, jeudi dernier, la pilote est à Toronto pour le boulot. Travailleuse autonome, elle se fait embaucher par différents constructeurs pour, notamment, tester des véhicules.

On l’aura compris : la Longueuilloise est accro à tout ce qui roule. « C’est pas mal tout ce que je sais faire et tout ce que je connais ! », s’exclame-t-elle.

C’est son père, amateur de courses, qui l’a initiée au monde de l’automobile.

« Quand j’ai eu à peu près 12 ans, mon père m’a amenée dans un [centre de] go-kart intérieur. C’était la fin de l’été. Évidemment, j’avais bien aimé ça, donc on en a fait tout l’hiver. On faisait des courses chaque semaine. Moi, j’allais m’entraîner presque chaque jour. »

À Noël 1998, son père lui achète son premier kart de compétition, qu’elle utilise dès l’été suivant. C’est là le début d’une grande histoire d’amour avec le sport...

PHOTO OLIVIER DELORME, FOURNIE PAR L’ÉQUIPE NISSAN GABRIEL/TOTAL QUARTZ

Valérie Limoges

Jusqu’aux États-Unis

Au début des années 2000, Valérie Limoges est une des rares filles à faire du karting. Mais elle s’entend très bien avec ses collègues masculins. « Après les courses, on allait jouer à la cachette dans le bois derrière la piste de course. Ce sont tous devenus des amis. »

Il n’est toutefois plus question d’amitié quand elle s’installe dans son châssis. Elle remporte les Championnats québécois en classe Shifter, contre des garçons uniquement. Elle course au Canada, aux États-Unis et même en Europe.

Au bout de cinq ans, elle passe en Formule 1600, « comme des mini [bolides] de Formule 1, mais sans aileron avec des roues découvertes à l’avant et à l’arrière ».

Seul bémol : en course automobile, « plus on monte, plus ça coûte cher ». Limoges ne participe donc pas à toutes les courses de la saison. En 2004, elle devient pilote au sein du championnat nord-américain de Formule Renault 2000. Même si elle est soutenue par des commanditaires, elle doit encore passer son tour pour plusieurs courses.

Même avant que j’arrête le karting, j’étais déjà soutenue par des équipes qui me donnaient des karts ou des moteurs. Ça n’a jamais coûté le plein prix, parce que sinon, je ne me serais jamais rendue où je suis. On parle de plusieurs millions de dollars.

Valérie Limoges

Ce sont d’ailleurs les coûts qui la forcent à quitter la Formule Renault après deux ans pour piloter dans une série touring.

Au Grand Prix de Trois-Rivières, un incident en qualifications l’oblige à partir de l’arrière. Elle pilote brillamment, remonte la pente et termine la course en cinquième place. Sa performance ne passe pas inaperçue : des équipes américaines la remarquent.

« Une semaine ou deux après, j’ai reçu un courriel, mais je n’y croyais pas trop, raconte-t-elle. Je me suis tellement fait faire de promesses dans ma vie... »

Une équipe soutenue par le constructeur Ford lui propose d’essayer sa voiture, ce qu’elle accepte. Puis, on lui offre un contrat de trois ans en Grand-Am Cup.

« C’est une série américaine, donc il y a plus de budget, explique-t-elle. J’allais aussi avoir un salaire. C’était pas mal le top de ma carrière. »

Au sud de la frontière, Limoges performe bien : elle est la première femme à obtenir une position de tête dans cette série. Elle gagne un salaire respectable. On lui paie son condo, ses déplacements et on lui fournit un véhicule Ford. « Je n’étais pas vieille, donc moi, je me trouvais millionnaire ! Même si je ne l’étais pas ! »

L’athlète d’alors 22 ans croit bien passer plusieurs années chez les Américains, mais elle voit ses plans chamboulés par la récession de 2008. Plusieurs commanditaires se retirent et son contrat n’est pas renouvelé.

Coupe Nissan

De retour au Québec, Limoges travaille dans le milieu de l’automobile de 2008 à 2014, mais elle course peu. En 2015, son ancien commanditaire, HGrégoire, lui propose de se joindre à son équipe au sein de la nouvelle Coupe Nissan Micra – aujourd’hui la Coupe Nissan Sentra.

PHOTO OLIVIER DELORME, FOURNIE PAR L’ÉQUIPE NISSAN GABRIEL/TOTAL QUARTZ

La pilote Valérie Limoges en action

Sur ce circuit, toutes les voitures sont identiques ; c’est donc le talent du pilote qui est au premier plan, et non le budget. Chaque été, de mai à septembre, les équipes prennent part à six week-ends de deux courses en Ontario et au Québec.

En 2019, Valérie Limoges est la première femme canadienne à remporter le Grand Prix de Trois-Rivières. À la fin de la saison, elle reçoit le prix Gilles-Villeneuve, qui récompense la combativité et l’excellence d’un pilote tout au long de l’année.

« J’aime beaucoup dire quelque chose comme : il n’y a jamais une fille qui a fait ça ! », s’exclame-t-elle sans prétention.

À 39 ans, elle pourrait briser une barrière de plus si elle performe bien dans les deux dernières courses de la saison. Ce championnat, c’est un peu ce qu’elle attend pour tirer sa révérence... ou non.

« J’aimerais finir ça sur une bonne note. Si ça va bien et que je peux gagner le championnat cette année, je pourrais arrêter et ce serait le moment parfait. Mais je suis sûre que je vais me dire : ah non, il faut que je le fasse une autre fois ! »