À peine rentré du Bahreïn, où il a assisté à la première rencontre de l’Association des promoteurs (FOPA) en personne depuis février 2019, le promoteur du Grand Prix de Formule 1 du Canada François Dumontier a accepté de discuter avec La Presse Canadienne des défis qui pointent à l’horizon dans la série reine du sport automobile pour 2022.

La Presse Canadienne (LPC) : D’abord, la question qui brûle les lèvres : est-ce que l’invasion de l’Ukraine par la Russie aura des conséquences sur le calendrier de la F1 en 2022 ?

François Dumontier (FD) : « La F1 prend cette situation-là très au sérieux. Évidemment, ils n’ont pas dévoilé tous leurs plans pour chacune des courses, mais une décision a déjà été prise avec la résiliation de l’entente avec le Grand Prix de la Russie. Ils (les dirigeants de la F1) restent à l’affût des derniers développements, et je pense qu’ils vont ajuster le tir en début de saison, en fonction de la progression du conflit. Oui, certains pays sont plus près de cette zone de conflit, mais aucune décision formelle n’a encore été prise dans ce dossier. »

LPC : La pandémie de COVID-19 n’a pas dit son dernier mot et une hausse marquée des cas est observable présentement en Europe. Est-ce préoccupant pour la F1 ?

FD : « J’ai souvent dit aux gens qu’on rencontrait depuis deux ans, dont certains dirigeants de la LNH, qu’ils devraient prendre exemple sur la F1 (pour lutter contre la COVID-19). La F1 a réussi à tenir, en 2020 et 2021, deux championnats du monde très respectables en nombre de courses. La F1 et la FIA demeurent à l’affût de la situation sanitaire, et si elles doivent prendre des mesures, elles le feront. Je sais qu’elles ont déjà quelques pays de remplacement, qu’on a vus aussi en 2020 et 2021, et chacun des promoteurs suit la situation de près dans son pays respectif. Et comme on l’a déjà vu, ce qui se produit en Europe arrive souvent en Amérique du Nord quelques semaines plus tard. Donc c’est sûr, la pandémie et les variants, on aura toujours une inquiétude par rapport à ça. »

LPC : Le contexte géopolitique mondial et la pandémie de COVID-19 pourraient-ils encourager Liberty Media, propriétaire de la F1, à relocaliser plusieurs courses sur le territoire américain au cours des prochaines années ?

FD : « C’est vrai et faux à la fois. Oui, Liberty Media a déclaré dès qu’elle a pris possession de la F1 en 2017 que sa priorité était de compter plus de courses en Amérique. Le Grand Prix des États-Unis à Austin, au Texas, était déjà là, comme le nôtre aussi, et cette année on ajoute Miami. Mais en même temps, le Qatar s’ajoutera au calendrier en 2023. Le championnat du monde de F1 doit demeurer un championnat du monde ; il doit y avoir des courses un peu partout sur la planète. Et la F1 ne fera pas exprès d’aller dans des zones de conflit “armé”. De plus (si tout se déroule bien), il y aura pour la première fois 23 courses. »

LPC : Le format sprint, qui a fait son entrée en 2021, est-il là pour rester ?

FD : « Comme en 2021, il n’y aura que trois courses disputées avec la formule sprint en 2022 — le Brésil, l’Italie et l’Autriche —, parce que les équipes n’étaient pas prêtes à son expansion. Mais je pense qu’on va en voir un peu plus en 2023. Nous, au Grand Prix du Canada, on en discute, car il faut se rappeler qu’à l’origine on devait faire partie des premières courses à présenter le format sprint. Sauf que la pandémie a frappé et qu’on a dû carrément annuler la course. Il n’est donc pas exclu qu’on puisse avoir le format sprint à Montréal en 2023. »

LPC : Comment vont les ventes de billets pour le Grand Prix du Canada, qui se déroulera du 17 au 19 juin 2022 ?

FD : « La demande est très forte, et là nous évaluons la possibilité d’ajouter des tribunes, parce que ce qu’on a déjà tout vendu ce qu’on avait. Le printemps s’en vient très vite, donc on va bientôt commencer à monter les tribunes. […] Je crois que notre évènement a beaucoup manqué aux gens, surtout après avoir été annulé deux années de suite. »

LPC : L’inflation galopante actuelle au Québec et au Canada aura-t-elle un impact sur les coûts d’opération du Grand Prix du Canada ?

FD : « Ça nous touche, oui et non. C’est-à-dire que nous disposons de contrats valides à long terme avec nos fournisseurs, mais on vit ce que beaucoup d’autres entreprises vivent : une pénurie de main-d’œuvre. C’est là qu’on observe un impact. Personnellement, j’ai été très chanceux, car mon équipe permanente est intacte, et j’ai retrouvé une bonne partie de mon équipe contractuelle. On observe un manque de main-d’œuvre surtout chez nos fournisseurs, par exemple pour monter des tentes. Nous sommes conscients de ces problèmes-là, et nous essayons de limiter les impacts que ça pourrait avoir sur notre organisation. Mais on devrait être correct. »

LPC : Faudra-t-il donc envisager des hausses de coûts aux concessions alimentaires, par exemple ?

FD : « Tout ce que je peux dire, c’est qu’on va essayer de minimiser ça. On va essayer de garder des tarifs raisonnables, qui ressembleront à ceux qu’on avait (en 2019), avec peut-être une petite hausse. Mais notre but n’est pas de refiler cette hausse des coûts aux clients. »

LPC : L’année 2022 pourrait-elle permettre une sortie de crise pour la F1, en général, et le Grand Prix du Canada, en particulier ?

FD : « C’est sûr. Je suis très heureux, car les deux dernières années ont été très difficiles pour tout le monde. Maintenant que nous sommes de retour, on sent une espèce de sortie de crise. Le Grand Prix du Canada offre une belle vitrine pour Montréal, le Québec et le Canada, et c’est souvent l’évènement qui lance l’été dans la métropole. Si on peut contribuer à la reprise économique et touristique à Montréal, alors on le fera. »