À 4 ans, il se baladait sur un petit motocross. À 6 ans, il a commencé le karting. Aujourd’hui âgé de 9 ans, il disputera la saison estivale en Italie avec le grand fabricant de karts CRG. Bienvenue dans la vie d’Ilie Tristan Crisan, où absolument tout se déroule très rapidement.

« J’aime beaucoup la vitesse. »

À 9 ans, on ne se pose pas de grandes questions. Ilie adore la course. Son idole est Lewis Hamilton. Et il veut faire carrière en Formule 1.

Le garçon de Salaberry-de-Valleyfield, trilingue – il parle français, anglais et roumain –, n’a donc pas hésité lorsqu’on lui a fait part de l’occasion qui se présentait à lui.

Se joindre à l’équipe officielle de karting CRG pour une saison complète de courses, après avoir dominé – six victoires en autant de départs dans sa catégorie – le championnat cadet de la Coupe de Montréal de karting en 2020, c’était bien attirant. Pour ses parents également, qui l’accompagneront évidemment en Europe, bien qu’ils aient été un peu étonnés.

« En Europe, c’est la vraie concurrence. On pensait que ce serait dans deux, trois ans, quand il aurait 11 ou 12 ans, fait remarquer sa mère, Inesa Gradinaru, originaire de Moldavie. Mais c’est une belle surprise. »

Il n’y avait pas, dans la famille d’Ilie, de prédispositions aux aptitudes pour le pilotage. De l’intérêt pour l’environnement du sport motorisé, par contre, oui.

« Nous sommes très amoureux de la mécanique, des voitures, de la vitesse », souligne Mme Gradinaru, à propos de son mari et elle.

C’est la meilleure – et seule – explication qu’elle puisse donner pour tenter de comprendre la source du talent de son fils, qui se démarque nettement chez les 8-11 ans.

PHOTO FOURNIE PAR TAG MOTORSPORT

Ilie Tristan Crisan

« C’est pourquoi nous avons décidé d’aller vers ça et de voir si ça marche ou non avec le temps », observe-t-elle simplement.

Dans l’espoir d’une carrière ? « Oui, bien sûr. C’est beaucoup de temps, d’argent et d’énergie investis par toute la famille. Donc, oui, on espère. Mais sinon, on aura essayé. »

Le commentaire semble détaché. Sans pression.

« Le jeune a du talent »

Néanmoins, à 9 ans, tout cela peut sembler bien précoce. C’est compréhensible, mais c’est également mal connaître l’environnement du sport automobile, dans lequel la jeune élite passe très fréquemment par le karting en bas âge afin d’atteindre les sommets en monoplace.

Par exemple, le pilote de F1 Max Verstappen a commencé le karting à 4 ans. Sa première course, il l’a faite à 7 ans, une attente due à la réglementation, a-t-il déjà raconté. Lewis Hamilton et Nico Rosberg ont aussi gravi les échelons après avoir débuté en kart.

Ilie Tristan Crisan a passé la dernière saison au sein de l’équipe Tag Motorsport – CRG Canada. Ses parents, qui s’occupaient de tout jusque-là, ont ressenti le besoin de fournir à Ilie un meilleur encadrement. Ils ont donc demandé à Alex Tagliani de prendre leur fils sous son aile.

Le jeune a du talent. Il a zéro peur de la vitesse, il a un très bon coup de volant. Et il s’adapte très vite à un kart, il n’est pas du tout affecté par les changements de catégorie. L’an passé, il a fait le saut d’une à une autre comme si de rien n’était.

Alex Tagliani

Le coach et mentor enchaîne en relativisant ses compliments.

« Mais c’est le début de sa carrière. Le jeune est en plein développement. »

Plus tard dans la conversation, le pilote de 47 ans ajoutera un autre commentaire positif… doublé d’autres mises en garde.

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Alex Tagliani donne ses derniers conseils au jeune pilote Ilie Tristan Crisan avant le début d’une course.

« Ce qu’Ilie a, c’est qu’il n’aime pas perdre. Il n’aime pas finir deuxième. Il s’amuse et rit avec tout le monde, mais quand il met son casque, il n’a plus d’amis.

« C’est une qualité, mais il doit faire attention parce que plus tu avances en carrière, ce n’est pas comme dans Talladega Nights : “You’re either first or you’re last.” You could be second. Tu peux être troisième, quatrième. Des championnats, des années, ça se bâtit sur plusieurs sortes de résultats et non seulement des premières places. Donc, il va devoir faire attention à ça. Et je pense que ce qui est le plus dur pour un jeune, c’est qu’il doit aussi comprendre que son développement n’a rien à voir avec le nombre de trophées de plastique qu’il va gagner. »

Tous les talents autres que celui du pilotage pur comptent aussi dans la trajectoire d’une carrière : une bonne connaissance des aspects techniques, mécaniques, la gestion du matériel, l’approche, la préparation aux entraînements, le savoir-être avec l’entourage, les équipiers.

Mais tout cela s’apprend. N’oublions pas que le garçon n’a que 9 ans…

Entre de bonnes mains

À compter du mois de juin, en Italie – il ratera un peu d’école, mais restera en lien avec elle à distance –, Ilie courra en catégorie 60 MINI et sera épaulé par Giancarlo Tinini, propriétaire du fabricant de karts CRG.

« Il a eu une grosse influence sur la carrière de Max Verstappen. Tu as le meilleur des meilleurs. M. Tinini, c’est tout un coach, lance Alex Tagliani. C’est le parrain du karting. »

Façon de parler, bien sûr.

Tagliani n’aurait envoyé son jeune en Europe avec personne d’autre que Tinini, qu’il a appelé pour lui dire qu’il avait un jeune désireux de courir dans l’équipe.

« Je sais qu’il va être entre de bonnes mains », affirme Tag.

Cela dit, le pilote québécois aurait préféré envoyer son apprenti en Italie pour faire des tests d’abord, « derrière des portes fermées ». Voire le garder avec lui une saison supplémentaire.

« J’aurais aimé l’avoir un an de plus pour amener son niveau technique un peu plus haut. Pour faire en sorte que quand il s’en va là, il épate la galerie et que les gens fassent : “Wow !” Là, il est un peu raw », image le pilote en série canadienne NASCAR Pinty’s.

Sauf qu’une occasion s’est présentée. Il y avait de la place dans l’équipe officielle et la famille a décidé de plonger. Ce qu’il ne lui reproche pas. Il comprend.

« Quand tu mets toutes les pièces de puzzle ensemble, c’est sûr que c’est hyper attrayant pour eux parce qu’en Europe, ils vont pouvoir se comparer avec la crème de la crème, reconnaît Tagliani. Et je vois un peu l’engouement qu’Ilie doit avoir de pouvoir aller là-bas. Ça doit être vraiment excitant pour lui. »

Le vétéran souffle le chaud et le froid. Notamment en disant que « tout ce qu’il peut apprendre, il est mieux de l’apprendre tout de suite parce que s’il ne l’apprend pas tout de suite, il ne l’apprendra jamais ».

Simplement, quand on se présente devant quelqu’un comme Giancarlo Tinini, il est préférable d’être fin prêt.

Pour le futur du kid, tu dois avoir ce monsieur-là à tes côtés. Si tu as la chance de courir pour lui, tu es mieux d’y aller tout de suite. Mais si tu manques ta shot, tu n’en auras pas deux. Donc, je pense que c’est un couteau à double tranchant.

Alex Tagliani

Mais au bout du compte, Alex Tagliani semble confiant. Parce que le bon vendeur qu’il est a préparé le terrain.

« J’ai dit à M. Tinini qu’il était très bon, qu’il avait du talent, un gros potentiel. Je l’ai tellement vendu qu’ils vont le prendre en charge et ils vont tout faire pour qu’il roule en avant. »

À LIRE DEMAIN : L’initiation (inusitée) au karting d’Alex Tagliani