Le rendez-vous (téléphonique, n’ayez crainte) avec Alex Tagliani était pour 10 h 30. Repoussé à 11 h 30. Puis à 13 h. À 13 h, petit pépin. On rappelle à 14 h 30, puis à 15 h 30. Texto. Réponse au texto. « Dans deux minutes. »

Avant de se parler à 16 h. Une entrevue généreuse, même si, de son propre aveu, « Tag » devait encore donner suite à quatre fameux messages textes « rappelle-moi ».

« Conférence téléphonique avec un partenaire, avec le NASCAR, un gars est venu chercher un colis, conférence téléphonique avec un fournisseur pour un projet à venir. Je me suis dit, si je ne le rappelle pas, il va se demander quel genre de personne je suis », lance-t-il en riant.

La dernière fois qu’on avait pris des nouvelles de Tag, il avait les deux mains dans des centaines de projets en même temps, des commanditaires aux idées en développement, en passant par les courses parfois, quand le temps le permettait. Même en quarantaine, rien n’y change. Sauf que cette fois, Tagliani a fait de la distanciation sociale et de l’aplanissement de la courbe des combats personnels.

Il ne se gêne pas pour passer ses messages sur les réseaux sociaux. Et de vive voix.

« J’ai hâte de revenir à la vie normale. Des fois, je pogne les nerfs d’entendre que des gens prennent encore ça à la légère et font des regroupements. Est-ce que le monde écoute les nouvelles ? Est-ce qu’ils entendent comment le monde souffre et comment ça va affecter plein de gens ? »

Tag rappelle la simple situation de l’influenza, dans sa forme traditionnelle, qui se transmet d’une personne à l’autre souvent par manque d’égards.

« Tu te regardes dans le miroir, tu as la face pleine. Tu es au courant. On se le donne quand même. Et là, on sait qu’on l’a ! Imagine quand tu ne sais pas que tu l’as. »

« L’hygiène et le port du masque, c’est une question de respect. J’espère que dans un futur rapproché, les gens vont essayer de ne pas contaminer amis et collègues. »

Quand je vois des gens affectés financièrement, ou malades, des gens qui meurent et on ne peut pas aller les voir. Tu dois compatir avec ceux qui vivent ça. Savoir ça, et ne pas agir…

Alex Tagliani

« Je suis une batterie Energizer. Je voudrais sortir, mais je reste chez moi. Je le fais par respect pour les autres. Ceux qui ne le font pas méritent une claque. C’est dégueulasse. La seule façon d’arrêter la propagation est d’être hygiénique et de respecter les autres. On a un gros travail à faire comme population pour s’en sortir, mais aussi le jour où on va s’en être sortis. »

Quarantaine et NASCAR

Tagliani, papa et mari comblé, admet que la période de quarantaine remet les choses en perspective. Il trace un parallèle avec un voyage fait en Australie, une visite d’un mois chez les parents de sa conjointe. Ces derniers, pas particulièrement fortunés, n’offraient pas les aménagements les plus luxueux durant le voyage. Tag se rappelle un lit qu’il peut difficilement qualifier de « double », d’un petit matelas pour sa fille, de peu d’opulence et d’effervescence. Et pourtant.

« Quand je stresse avec mes affaires, que je travaille comme un forcené, ma femme me dit que je dois apprendre à me relaxer et à être équilibré. Quand [le voyage en Australie] s’est terminé, on se demandait si on avait besoin de tout ce qu’on a chez nous. »

Pourquoi on a toujours besoin de courir après notre queue pour en avoir plus ? Il faut toujours qu’on se remette les pieds à terre avec des expériences uniques [comme on le vit en ce moment].

Alex Tagliani

Côté course, Tag se réjouit de n’avoir pas eu à se séparer de ses principaux commanditaires, St-Hubert, Rona, Viagra et Chevrolet 440, qui veulent encore être associés au NASCAR canadien quand l’action reprendra.

À ce sujet, les dirigeants de la Série canadienne NASCAR Pinty’s ont confirmé vendredi dernier que la première épreuve de la saison, prévue le 17 mai à MoSport, en Ontario, était remise. Toutefois, le pilote a toujours bon espoir que le championnat aura lieu, d’abord parce que la situation canadienne semble (on insiste sur le mot « semble », puisque personne ici n’est spécialiste) plus en contrôle que chez les Américains.

PHOTO OLIVIER CROTEAU, ARCHIVES LA PRESSE

Alex Tagliani lors de sa victoire en série NASCAR Pinty’s au Grand Prix de Trois-Rivières, en août 2017

« On est chanceux de ne pas être dans la situation américaine. Notre série aura moins d’obstacles. Il n’y a aucune envie d’annuler la saison. Si on est capables d’arrêter l’hémorragie, faisons-le rapidement. Si on continue à mettre du monde dans le trouble, ça fait juste faire encore plus mal à l’économie. Je pense au Grand Prix de Trois-Rivières, qui amène beaucoup d’argent à l’économie de la ville. Leur dire que leur course en août est annulée, ce serait terrible. »

Tag se permet d’ailleurs un élan d’optimisme pour le Grand Prix de Formule 1 du Canada, qu’il pourrait facilement voir reprogrammé plus tard dans un championnat réduit.

« Si les 500 milles d’Indianapolis ont annoncé qu’ils déplaceraient leur course en août, je pense que le Grand Prix du Canada est capable d’être déplacé aussi. »

Puis, le rappel d’usage : plus les gens font des sacrifices, plus ça va aider à retrouver la normalité.

Parlant de normalité, Tagliani doit raccrocher. Un fournisseur l’attend pour discuter d’un autre mégaprojet de centre d’amusement de karting électrique à Montréal. Le pilote aux 1000 projets nous en dira plus, mais plus tard. En attendant, il propose un lien, qui dit tout sans rien dire : tagekarting.com.

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