«Ne pas avoir la F1 en France, c'était une hérésie», souligne le pilote français d'IndyCar Sébastien Bourdais : le Grand Prix de France de Formule 1 fait son retour, après dix ans, cette fin de semaine au circuit Paul-Ricard, à 40 km de Marseille, près du village du Castellet, en Provence.

La catégorie reine du sport automobile retrouve ainsi un de ses bastions historiques, la France, à l'heure où, paradoxalement, la F1 lorgne vers de nouveaux horizons, les États-Unis et l'Asie, à l'initiative de ses nouveaux propriétaires américains.

Jack Brabham, Jim Clark, Dan Gurney, Jacky Ickx, Jackie Stewart, Mario Andretti, Niki Lauda, Nigel Mansell, Michael Schumacher, Fernando Alonso et Felipe Massa, dernier vainqueur de l'épreuve en 2008: autant de noms prestigieux qui figurent à son palmarès.

Si le premier GP de France a eu lieu en 1906 au Mans, le premier à s'être déroulé en Formule 1 l'a été en 1950 lors de la saison inaugurale de la discipline.

Un GP sans adresse fixe

Il fut remporté sur le circuit de Reims-Gueux par le légendaire Argentin Juan Manuel Fangio au volant d'une Alfa Romeo.

Le GP de France de F1 a ensuite connu une existence faite de pérégrinations et de renouveaux successifs à Rouen-les-Essarts, Le Mans, Charade, Dijon-Prenois, Le Castellet et Magny-Cours.

C'est Alain Prost, alors chez Ferrari, qui a gagné en juillet 1990 la dernière édition courue au Paul-Ricard, qui en a accueilli 14 en tout.

Les amateurs canadiens de F1 se souviendront que Gilles Villeneuve y a couru en 1978 et en 1980.

Le circuit appartient aujourd'hui à Slavica Radic, l'ex-femme de Bernie Ecclestone, l'ancien grand argentier de la F1, qui a récupéré plus d'un milliard d'euros dans le cadre de son divorce.

Renaissance

Mais ce retour du GP de France dans le Sud-Est tient surtout à la volonté de l'ancien ministre Christian Estrosi, responsable de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur jusqu'en mai 2017.

«Nous sommes vraiment attendus sur cette renaissance du GP de France, son absence du calendrier était une humiliation et une aberration», affirme Estrosi, redevenu maire de Nice.

«Nous n'avons pas le droit à l'erreur, c'est l'image de la France qui est en jeu et sa crédibilité à mettre sur pied de grands événements internationaux», assure l'ancien pilote moto.

En 10 ans, la F1 a perdu des plumes en France

Pendant dix ans, et même s'ils pouvaient faire le déplacement à Silverstone, Spa, Barcelone, Monza ou Monaco, les fans français ont évidemment souffert d'être privés d'une course à la maison.

La F1 a elle pâti dans l'Hexagone de sa diffusion en crypté sur Canal+ depuis 2012, qui a réduit son exposition auprès du grand public. Comme trois autres rendez-vous cette saison (Monaco, Italie et Belgique), la course sera retransmise en clair sur TF1, suivant la volonté de la F1 de convertir les jeunes générations.

Les organisateurs, qui ont préféré jouer la prudence pour cette première année, attendent 65 000 spectateurs dimanche, quand la préfecture attend elle 150 000 personnes dans le Var entre jeudi et dimanche.

Les infrastructures de transports et d'accès au circuit, identifiées comme un point faible, ont été renforcées.

De nouveaux parcs de stationnement, d'une capacité de 25 000 places, seront distants de 800 mètres au maximum de la piste, grâce notamment à deux nouvelles passerelles piétonnes.

Durant le Grand Prix, Marseille accueillera un festival consacré à la F1 avec notamment une parade vendredi.

«Expérience fantastique»

Avec Esteban Ocon (Force India), Pierre Gasly (Toro Rosso) et Romain Grosjean (Haas), les promoteurs ont la chance de pouvoir compter sur trois pilotes tricolores en mesure de rentrer dans les points, à défaut de viser la victoire.

Le dernier succès d'un Français dans la catégorie reine du sport automobile remonte à 1996 lors du triomphe inattendu d'Olivier Panis au GP de Monaco.

«Cela fait des années que je rêve de courir devant mon public et maintenant je vais enfin vivre l'expérience fantastique d'un Grand Prix à domicile», souligne Ocon.

«C'est absolument incroyable que ma première saison complète de Formule 1 coïncide avec le retour d'un Grand Prix de France au calendrier pour la première fois en dix ans», se réjouit Gasly.

«Ce sera un moment de fierté, d'émotion, et on va ressentir un peu de pression supplémentaire.»

Circuit redessiné, de l'espace pour doubler

Le Circuit Paul Ricard a redessiné certains virages, plus rapides, pour favoriser le spectacle.

«Il y a tout ce qu'il faut pour que ce soit un beau retour, assure le pilote français de Force India, Esteban Ocon. En piste, il y a des opportunités pour doubler et c'est un très, très bel endroit.»

Pour son premier GP depuis 1990, le Paul-Ricard a choisi le tracé le plus long (5,8 km) avec «trois lignes droites, où les voitures vont pouvoir atteindre 340 km/h à 350 km/h, avant deux gros freinages», explique le directeur général du circuit, Stéphane Clair.

La piste --connue pour ses grands dégagements colorés-- a été entièrement refaite et les virages les plus lents ont été «accélérés». Les «S» de la Verrerie, premier virage après le départ, et celui du Pont, le dernier, ont été élargis pour favoriser la vitesse.

L'entrée du virage du Camp est aussi plus ouverte «pour que deux voitures puissent se dépasser sans s'accrocher», détaille Clair. Une chicane a été ajoutée au milieu de la célèbre ligne droite du Mistral. «Un endroit sympa pour tenter des dépassements», s'enthousiasme le Français Romain Grosjean.

Juste après, les F1 auront une seconde chance de doubler dans la courbe de Signes, «où ça passe à fond (345 km/h, ndlr) et ça pourra même passer à deux de front», ajoute le pilote de l'écurie Haas. C'est un peu la dernière car, «une fois atteint le double droite du Beausset, ce sera dur jusqu'à la ligne de départ», conclut Grosjean.

Les bolides pourront franchir le Beausset à 171 km/h, mais ensuite s'enchaînent les courbes: le virage de Bendor, le Garlaban, le Lac et le virage du Pont, qui débouche sur la ligne droite devant les stands et la tribune principale.

En tout 65 000 places

Le circuit comptera 51 236 places assises, 65 000 places en tout.

Pour répondre aux exigences de la F1, la tribune la plus prestigieuse, la seule permanente, le long de la ligne de départ, a été rénovée.

Quatre tribunes éphémères ont été montées, notamment au virage du Camp, le plus à l'ouest avec celui de la Sainte-Baume, mais aussi devant la Chicane, au virage du Pont et au Beausset.

Un nouveau centre de presse a également été édifié.

Pour le retour de la F1 en France, «il y aura du combat, salive l'ancien pilote Yannick Dalmas. Avec des voitures puissantes, on va prendre beaucoup de plaisir sur ce circuit.»