Boucler un tour sur trois roues, gérer des pannes en tout genre, s'habituer au trafic grâce au simulateur : frustré par ses échecs successifs, Toyota a tenté de parer à l'imprévisible pour enfin remporter les 24 Heures du Mans, samedi et dimanche.

«On a été un peu martyrisés ici ces dernières années», rappelle le Suisse Sébastien Buemi, pilote, avec l'Espagnol Fernando Alonso et le Japonais Kazuki Nakajima, de la Toyota N8, qui partira en pole position à 9 h, heure de Montréal.

«Martyrisé» est un doux euphémisme ! En 2016, la Toyota N5, pilotée par Nakajima alors en tête de la course, s'est arrêtée dans les trois dernières minutes et a vu la victoire s'envoler.

Un cruel résumé de l'expérience du constructeur japonais au Mans, lui qui n'a jamais gagné en dix-neuf participations et connu frustration sur frustration depuis son retour en endurance en 2012. «En termes de performance, au cours des quatre dernières éditions, nous étions pourtant en position de gagner trois fois», affirme le directeur technique Pascal Vasselon.

En l'absence de constructeurs concurrents dans la catégorie reine (LMP1) cette année, après les défections d'Audi et de Porsche, Toyota n'a donc pas axé sa préparation sur la performance mais sur la fiabilité et la gestion des risques.

«S'habituer à l'inattendu»

«Nous nous sommes dit: «donnons plus de temps à la gestion des problèmes. Créons en et voyons comment l'équipe peut réagir et comment s'habituer à l'inattendu»», raconte Vasselon.

Mais comment anticiper l'imprévisible? «Lors de presque toutes nos séance de tests, nous avons déclenché un problème que l'équipe a dû résoudre», explique-t-il.

L'objectif: donner la confiance nécessaire aux pilotes pour ramener coûte que coûte la voiture au stand et aux mécaniciens et ingénieurs pour faire les bons choix afin de la remettre en état. Car un problème survenu tôt et géré la tête froide peut n'avoir aucun (ou peu) impact sur le résultat d'une course de 24 heures.«Depuis l'année dernière, nous avons ajouté des risques de panne que l'on n'a pas connus mais la liste n'est pas exhaustive, reconnaît tout de même Vasselon. Nous savons qu'il y a toujours des risques qui ne sont pas couverts.»

«Vous pouvez appeler cela de la paranoïa, les ingénieurs appellent cela l'analyse de risque...», sourit le directeur technique.

«Une chance sur deux d'avoir un accident»

Moment fort de cette préparation façon crash test, le pilote Kamui Kobayashi a bouclé un tour sur trois roues : «On était tous là pour le regarder faire», glisse malicieusement Alonso, star médiatique de cette 86e édition, pour sa première participation.

L'Espagnol, champion du monde de F1 en 2005 et 2006, veut faire un pas de plus vers la Triple couronne du sport automobile (GP de Monaco, qu'il a remporté en 2006 et 2007, 500 Milles d'Indianapolis et 24 Heures du Mans).

Les qualifications mercredi et jeudi ont confirmé le statut de favorite de son équipe, qui a terminé aux deux premières places avec respectivement quatre et deux secondes d'avance sur la première des huit LMP1 non-hybrides.

Avec soixante équipages au départ, les Toyota devront aussi gérer un important trafic, un paramètre également pris en compte dans leur préparation.

«Au Mans, une voiture a une chance sur deux d'avoir un accident. Peut-être pas un gros crash mais un contact», souligne Vasselon. Les conditions d'un trafic dense ont donc été reproduites au simulateur.

«C'est un peu plus facile que ce à quoi je m'attendais, notamment pour la gestion du trafic, car grâce aux longues lignes droites, il est plus simple de dépasser qu'à Spa-Francorchamps» (théâtre de la première manche de la saison début mai) », tempère toutefois la «recrue» Alonso.

Toyota gagnera-t-elle enfin ou sera-t-elle encore cette année sa meilleure ennemie ? Verdict dimanche à 15h00.