Après 170 chroniques Rétroviseur, c'est la première fois que je vous présente une voiture du millésime 1976. Serait-ce un hasard ou plutôt le fait que l'automobile venait d'entrer dans une ère morose, marquée par le resserrement des normes antipollution et l'adoption de règlements imposant des pare-chocs?

Après 170 chroniques Rétroviseur, c'est la première fois que je vous présente une voiture du millésime 1976. Serait-ce un hasard ou plutôt le fait que l'automobile venait d'entrer dans une ère morose, marquée par le resserrement des normes antipollution et l'adoption de règlements imposant des pare-chocs?

Ne sachant trop comment se conformer à ces diktats, les constructeurs automobiles ont improvisé des dispositifs bricolés à la hâte qui se traduisent, dans le cas des moteurs, par une détérioration sensible des performances et de la fiabilité et, dans le cas des pare-chocs, par la naissance d'horribles appendices greffés sur des châssis et des carrosseries qui n'avaient pas été conçus pour cela. Il faudra attendre 10 ans, jusqu'en 1985, pour que l'industrie automobile se sorte du pétrin.

Il est donc assez rare de trouver des voitures intéressantes datant de cette période. Une des exceptions: cette Lancia Scorpion 1976, une voiture très peu connue chez nous, mais qui mérite qu'on s'y attarde. Elle appartient à Tino Blasioli, que j'ai rencontré au Vintage Festival, à Lime Rock au Connecticut, en septembre dernier lors du Concours d'élégance qui réunissait plusieurs centaines de voitures sport. « Je suis né en Italie. J'ai grandi avec ces voitures, puis j'ai commencé à travailler dans ce domaine. À mon arrivée en Amérique, j'ai travaillé chez Fiat/Lancia et, plusieurs années après le retrait de Fiat du marché américain, je m'ennuyais des voitures italiennes. C'est là que j'ai commencé à chercher une voiture de collection. Je suis tombé en premier sur une Fiat Spider 1978 dans un état lamentable dont la restauration a nécessité quatre ans de travaux parfois pénibles. J'avais à peine terminé que j'ai trouvé une Fiat Bertone X1/9 1986, que j'ai ressuscitée en deux ans. Finalement, après beaucoup de recherches, j'ai découvert celle que je convoitais depuis longtemps, la Lancia Scorpion. La voici, après deux ans de restauration. » Fierté ne serait pas suffisant pour décrire l'expression sur le visage de Tino. Émotion serait plus exact. Et nostalgie aussi, sans doute celle de son enfance dans un pays lointain, un sentiment qui motive souvent les collectionneurs, qui retrouvent dans l'objet collectionné une partie de leur passé.

« Ces voitures apportent de la joie à ma vie et à ceux qui s'y reconnaissent. Lorsque je les expose, il arrive souvent que les gens me remercient de les avoir conservées, comme s'il s'agissait d'une icône religieuse... » Sentimental, ce Tino.

Et la Scorpion dans tout ça, c'est quoi? Rappelons que la marque Lancia, née en 1907, a été créée par Vincenzo Lancia (1881-1937). Elle appartient aujourd'hui au groupe Fiat. Lancia a connu ses heures de gloire dans les années 20 (carrosserie monocoque, suspension avant indépendante, moteur V4) et s'est distinguée en Formule 1. Dans les années 60 et 70, Lancia secoue le monde du rallye international, notamment avec l'imbattable Stratos qui fait la loi pendant une dizaine d'années.

C'est en 1975, au Salon de Genève, que le groupe Fiat dévoile la Lancia Montecarlo, un coupé biplace carrossé par Pininfarina, dont l'architecture à moteur central arrière est dérivée de celle de la petite Fiat X1/9. Surnommée « la petite Ferrari » à cause de sa ressemblance avec certains modèles de Maranello, la Montecarlo devient la Scorpion en Amérique puisque le nom Montecarlo appartient déjà à Chevrolet. En outre, pour se conformer aux normes américaines, la Scorpion adopte le moteur de 1,8 litre (le 2 litres européen n'étant pas conforme) et les gros pare-chocs.

Moteur central, boîte 5 vitesses, direction à crémaillère, freins à disque, empattement court, poids plume, la Lancia Scorpion est agile à souhait, mais sa carrière ne dure que deux ans, victime d'une distribution commerciale boiteuse et d'un marché qui n'apprécie pas ce type de voiture.

Division de luxe du groupe Fiat, Lancia a perdu sa superbe d'antan qui lui a valu de placer six modèles (plus que toute autre marque) dans la liste des 100 voitures les plus marquantes du 20e siècle. La marque italienne s'efforce aujourd'hui de se refaire une beauté, à l'instar de Cadillac, de Lincoln et de quelques autres marques autrefois prestigieuses. Souhaitons-lui de réussir. Ça ferait sûrement plaisir à Tino.

DANS LE RÉTROVISEUR DE LA LANCIA SCORPION 1976

Empattement / longueur / largeur / hauteur (cm): 230 / 396 / 170 / 119

Poids : 1034 kg

Moteur : 4 cyl.1,8 L,2 ACT,81 ch. à 5900 tr/min,89 lb-pi à 3200 tr/min

Transmission : manuelle 5 vitesses

Suspensions : indépendantes

Freins : disques

Pneus : 165HR13

0 à 100 km/h : 11,5 secondes

Vitesse de pointe : 177 km/h

Production (1976-1977) : 1801 unités

Prix (1976) : 9943$

Valeur estimée (2006) : environ 8000 $

LA MÊME ANNÉE (1976) :

- Montréal présente les 21e Jeux olympiques d'été.

- La gymnaste roumaine Nadia Comaneci fait sensation avec sept notes parfaites de 10.

- Au Québec, élection du gouvernement de René Lévesque (parti Québécois) avec 71 députés sur 110.

- Aux États-Unis, élection du président Jimmy Carter.

- Début de la guerre civile au Liban.

- Mise en service par Air France et British Airways du Concorde,premier avion civil supersonique.

- Au cinéma, Vol au-dessus d'un nid de coucou, mettant en vedette Jack Nicholson, remporte tous les honneurs.