Jouer au hockey dans la NCAA. C’est le grand rêve de bien des adolescents – et de leurs parents. Si j’avais reçu 50 $ chaque fois que j’ai entendu un parent exprimer ce souhait, j’aurais pu offrir des études à Harvard à tous mes héritiers ainsi qu’à leur future progéniture, sans réhypothéquer trois fois la maison.

Les universités américaines, il faut le reconnaître, sont attrayantes. Pas juste pour les hockeyeurs. Pour les futurs ingénieurs, médecins et financiers aussi. Treize des vingt-cinq meilleures universités au monde sont situées aux États-Unis, conclut la firme Quacquarelli Symonds dans son plus récent classement annuel des établissements d’enseignement supérieur.

Chaque année, cet engouement pour les universités américaines est au cœur des tractations lors de la séance de repêchage de la LHJMQ. Ce sera certainement encore le cas samedi, à Sherbrooke. Qui partira aux États-Unis ? Qui restera ici ? Qui bluffe, pour augmenter ses chances d’être recruté par l’équipe de son choix ? C’est tellement ancré dans les mœurs de la ligue que les jeunes hockeyeurs intrigués par une carrière universitaire aux États-Unis ont même un surnom.

Les « récalcitrants ».

Parenthèse linguistique : le mot est mal choisi. Un récalcitrant, c’est une personne qui résiste avec entêtement. Or, ces ados de 15 ans ne résistent pas à la LHJMQ. Ils expriment simplement un intérêt pour jouer au hockey et étudier aux États-Unis. Fin de la parenthèse.

Des exemples de « récalcitrants » ?

Il y en a des dizaines.

James Malatesta, joueur par excellence de la dernière Coupe Memorial avec les Remparts de Québec, était considéré comme l’un d’entre eux l’année de son repêchage, en 2019. Même chose pour son coéquipier Zachary Bolduc, qui a séjourné brièvement aux États-Unis l’automne suivant. Les deux ont finalement choisi la LHJMQ.

PHOTO DARRYL DYCK, LA PRESSE CANADIENNE

James Malatesta, des Remparts de Québec, vient de remporter le titre du joueur par excellence lors du tournoi de la Coupe Memorial.

Le premier choix du repêchage de 2020, Tristan Luneau, s’était engagé auprès de l’Université du Wisconsin. Il a changé d’idée et a poursuivi sa carrière avec les Olympiques de Gatineau. Avant eux, Jonathan Drouin et Anthony Duclair ont flirté avec l’idée d’aller étudier à Boston. Eux aussi sont restés de ce côté-ci de la frontière.

La réalité, c’est que l’exode des hockeyeurs québécois existe. Mais c’est une option très nichée, et beaucoup plus populaire chez les anglophones que les francophones.

Des chiffres ?

L’hiver dernier, 45 Québécois ont évolué pour une des 62 équipes de la première division masculine. Par Québécois, j’entends un joueur qui a grandi ici, qu’il soit né dans la province ou non. Vous trouvez que 45, c’est un gros chiffre ? Sachez qu’il y avait plus de Québécois dans la Ligue nationale de hockey, pour 30 équipes de moins. Autre facteur à considérer : ces 45 joueurs sont répartis dans 8 cohortes d’âge différentes.

Dans les faits, bien peu d’espoirs québécois de premier plan préfèrent la NCAA à la LHJMQ. Même que parmi le contingent de la saison dernière, seulement 11 joueurs étaient encore en âge d’évoluer dans la LHJMQ. Les autres étaient tous âgés de plus de 20 ans.

En âge de jouer dans la LHJMQ

  • Matt Choupani (2002 / Northeastern)
  • Philippe Jacques (2002 / R.I.T.)
  • Xavier Lapointe (2002 / R.I.T.)
  • Matthew Lombardi (2002 / Vermont)
  • Lucas Mercuri (2002 / UMass)
  • Nick Rhéaume (2002 / UMass-Lowell)
  • Félix Trudeau (2002 / Maine)
  • Jacob Guévin (2003 / Nebraska)
  • Charles-Alexis Legault (2004 / Quinnipiac)
  • Guillaume Richard (2003 / Providence)
  • Michael Mastrodomenico (2004 / Notre Dame)

Le portrait de l’exode est incomplet. Des dizaines d’autres jeunes Québécois passent leurs hivers dans l’Ouest canadien, dans le nord de l’Ontario ou dans le nord-est des États-Unis, dans l’espoir de se faire remarquer par une université américaine. Des fois, pas souvent, ça fonctionne rapidement. Alexi Van Houtte-Cachero (2003), Dylan Hryckowian (2004) et Michael LaStarza (2004) sont attendus dans la NCAA l’automne prochain. Généralement, c’est plus long.

Yaniv Perets, qui vient de gagner le championnat national avec Quinnipiac, a passé quatre saisons dans des ligues juniors en Ontario, en Colombie-Britannique et dans la région de Boston avant d’entrer à l’université. Son parcours est nettement plus représentatif de ceux des joueurs québécois que celui de l’ancien attaquant du Canadien Louis Leblanc, admis à Harvard à 18 ans.

La NCAA est donc un rêve possible. Mais le chemin pour s’y rendre est plus long, plus sinueux et plus contingenté qu’on peut le croire. Ça explique en partie pourquoi la LHJMQ reste l’option la plus populaire auprès des joueurs québécois, et ce, par une très grande marge.

Du Québec à la NCAA à la LNH

Parmi la soixantaine de Québécois dans la LNH cette saison, huit sont passés par la NCAA.

  • Thomas Bordeleau*, Sharks de San Jose
  • Alex Chiasson, Red Wings de Detroit
  • Jérémy Davies, Sabres de Buffalo
  • Vincent Desharnais, Oilers d’Edmonton
  • A. J. Greer, Bruins de Boston
  • Alex Killorn, Lightning de Tampa Bay
  • Devon Levi, Sabres de Buffalo
  • Michael Matheson, Canadien de Montréal

* Bordeleau représente les États-Unis sur la scène internationale, mais il a joué plusieurs saisons dans le hockey mineur québécois