C’est l’histoire d’un médecin qui s’acharne pour sauver un patient.

« Oublie ça. C’est peine perdue », lui disent ses collègues. Mais le médecin est déterminé. Il s’entête. Il trouvera la solution. Il transfère son patient en salle d’opération. Scalpel, s’il vous plaît. Incision. Et…

Merde.

C’est la catastrophe.

Le patient est inopérable.

Que faire, maintenant ? C’est un peu la situation devant laquelle le commissaire Gary Bettman se retrouve, aujourd’hui, avec les Coyotes de l’Arizona. Le club a perdu lundi son référendum pour construire un nouvel aréna en banlieue de Phoenix. Jusqu’à nouvel ordre, il est condamné à jouer dans un aréna universitaire de 5000 sièges. C’est vraiment une situation de dernier recours. Les soins palliatifs du hockey professionnel.

PHOTO ROSS D. FRANKLIN, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le Mullett Arena de Tempe, en Arizona

La logique voudrait que Gary Bettman tire la plogue et transfère la franchise dans un autre marché. Sauf que jusqu’ici, le commissaire s’est toujours battu pour maintenir les Coyotes en vie. « Je n’envisage pas de scénario dans lequel les Coyotes ne joueront pas au Mullett Arena [de Tempe] la saison prochaine », a d’ailleurs déclaré mardi l’adjoint de M. Bettman, Bill Daly.

Rendu là, ce n’est plus de la pitié.

C’est de l’acharnement.

Les Coyotes ont tout essayé, depuis 25 ans, pour trouver un amphithéâtre décent dans la vallée de Phoenix. Ils se sont d’abord installés au centre-ville de Phoenix, dans un aréna de basketball. Le problème ? La configuration des sièges. Des spectateurs ne voyaient pas toute l’action d’un côté de la patinoire. C’est plus qu’un menu détail.

Après quelques années, les Coyotes ont déménagé dans un aréna de hockey flambant neuf. Ici, pas de vue obstruée. La configuration était parfaite. Super ?

Hmmm. Pas vraiment.

C’est que cet aréna était situé à Glendale. C’est où, Glendale ? Loin de Phoenix. C’est comme si le Canadien jouait ses parties à L’Île-Perrot, entre Montréal et Vaudreuil. Je n’ai rien contre L’Île-Perrot. C’est bucolique. Très belle place pour pêcher l’achigan à petite bouche, le samedi matin. Maintenant, est-ce que c’est l’endroit idéal où installer une équipe de la LNH ? Non. Eh bien, Glendale non plus.

Le pire dans l’histoire ? Ce ne sont pas les Coyotes qui ont quitté Glendale. C’est Glendale qui a chassé l’équipe. La ville était convaincue qu’elle pouvait rentabiliser davantage l’aréna en y présentant des spectacles. Il y a aussi eu des factures impayées qui ont fait passer les Coyotes pour de mauvais payeurs. C’est facile de trouver un nouveau loyer avec une telle réputation.

Les Coyotes ont trouvé un bon Samaritain. L’Université d’État de l’Arizona à Tempe a accepté de partager son aréna de 5000 sièges avec eux, « en attendant ». Et attendant quoi ? En attendant que les Coyotes trouvent un domicile fixe.

L’idée, c’était de construire un gros DIX30 avec un aréna de hockey, en plein cœur de Tempe, une banlieue universitaire de Phoenix. Le maire était pour. Les conseillers municipaux étaient pour. La communauté des affaires était pour. Le référendum pour l’approbation du projet s’annonçait aussi simple que l’élection d’un président d’assemblée dans une rencontre syndicale. Sauf que non. Les citoyens ont refusé le projet, à 57 %. Les Coyotes sont donc de retour aux soins palliatifs.

Ce fiasco est embarrassant.

Embarrassant pour les Coyotes. Comment convaincront-ils les meilleurs joueurs autonomes d’évoluer devant 5000 spectateurs par match, sans savoir s’ils devront déménager leur famille l’année prochaine, ou la suivante ?

L’incertitude fait fuir le talent. Souvenez-vous des trois dernières saisons des Expos à Montréal.

Embarrassant pour l’Association des joueurs. La différence entre 5000 et 18 000 spectateurs ? Plus d’un million de dollars par match. C’est beaucoup d’argent. Dans un système de partage des revenus, ce sont des dizaines de millions de dollars dont les joueurs sont privés.

Embarrassant pour la Ligue nationale de hockey. Avec si peu de revenus de billetterie, les Coyotes peinent à atteindre le plancher salarial. Comment y parviennent-ils ? En acceptant les pires contrats des autres formations. Combien d’autres ligues tolèrent une telle situation ? J’attends vos suggestions.

Enfin, c’est embarrassant pour Gary Bettman. Ce ne sont plus les Coyotes qui suscitent la pitié. C’est lui. Son acharnement pour conserver la franchise dans la vallée de Phoenix est incompréhensible. C’est vrai, Phoenix est un gros marché télévisuel. Le 11e en importance aux États-Unis, selon la firme Nielsen. Encore faut-il qu’un nombre critique de téléspectateurs s’intéresse réellement au hockey. Sans compter que deux destinations potentielles où les Coyotes pourraient être relocalisés, Atlanta et Houston, sont de plus gros marchés télévisuels que Phoenix.

C’est franchement désolant que Gary Bettman n’ait pas montré un centième du même acharnement pour garder les Nordiques à Québec ou y transférer une équipe…