Ligue des Pamplemousses, vendredi dernier. Red Sox de Boston 6, Braves d’Atlanta 6. Fin de neuvième manche. Buts remplis. Trois balles, deux prises, deux retraits. Lancer décisif. La foule est debout. La tension est à son comble. Puis l’arbitre quitte sa position, derrière le marbre, et pointe le frappeur.

Toi, tu es retiré !

Pourtant, il n’y a pas eu de balle frappée. Pas d’élan. Pas même de lancer.

Que s’est-il produit ?

Cal Conley, des Braves, a mis plus de 12 secondes à s’installer dans la boîte des frappeurs. Il a ainsi contrevenu au nouveau règlement du baseball majeur visant à réduire les temps morts.

· Les lanceurs ont désormais 15 secondes pour effectuer un lancer, ou 20 secondes s’il y a un coureur sur les sentiers ;

· Le frappeur doit être dans sa boîte huit secondes avant la fin de la minuterie ;

· Si le lanceur est fautif, c’est une balle automatique ;

· Si le frappeur est trop lent, c’est une prise automatique.

Puisqu’il n’y a pas de manches supplémentaires au camp d’entraînement, l’erreur de Conley a mis fin au match. Les spectateurs, incrédules, ont généreusement hué l’arbitre.

Ce nouveau règlement divise les amateurs. Les puristes font valoir que le baseball défie les règles du temps depuis 150 ans et que c’est très bien comme ça. D’accord. Sauf que lorsque nos grands-parents et nos arrière-grands-parents assistaient à un match de baseball, en 1923, les parties ne duraient pas trois heures. Elles se concluaient généralement en moins de deux heures.

Qu’est-il arrivé ? Pourquoi les parties sont-elles 50 % plus longues aujourd’hui qu’il y a 100 ans ?

De nouvelles tactiques, comme la multiplication des releveurs, ont ralenti le rythme du jeu. Mais le vrai coupable, c’est le tataouinage.

Le lanceur refuse le premier signal de son receveur. Le deuxième, aussi. Il retire son pied de la plaque, enlève son gant, saisit le sac de résine, se frotte les mains, replace sa casquette, remet son gant, retourne au monticule. Le frappeur sort de sa boîte, met du sable sur le manche de son bâton, ajuste son protège-coude, embrasse sa chaîne en or et murmure une prière avant de s’installer. Répétez ces gestes 40, 50, 60 fois dans une soirée et vous venez d’étirer inutilement la partie de 30 minutes.

Dans la dernière décennie, c’était devenu insupportable. On a même eu droit à des parties de plus de quatre heures – sans manche supplémentaire. La minuterie s’imposait. J’ai regardé quelques manches ce week-end. Ça ne dénature pas le jeu. Ce n’est pas plus dérangeant que les limites de temps au football, avant la mise en jeu du ballon, ou au basketball, avant un lancer. Surtout, c’est une mesure efficace. Les parties de vendredi à dimanche ont duré en moyenne 2 heures et 38 minutes. Ce sont 23 minutes de moins que les rencontres du camp d’entraînement de 2022, a noté le réseau ESPN.

Les joueurs ? Ils s’adapteront. Comme ils l’ont fait récemment avec les défenses spéciales, ou le coureur désigné qui amorce les manches supplémentaires au deuxième coussin. Il y en a même qui perçoivent déjà les avantages de la minuterie. C’est le cas de l’as des Mets de New York, Max Scherzer.

« Maintenant, c’est le lanceur qui a le plus de pouvoir », a-t-il commenté, dimanche, après une première sortie minutée.

« Je peux être prêt avant même que le frappeur ne soit vraiment dans sa boîte. Je dois attendre huit secondes avant de lancer, mais dès que le frappeur lève ses yeux, je peux y aller. J’en ai parlé avec l’arbitre au marbre pour m’assurer que ce soit autorisé, et c’est le cas. »

À l’inverse, les frappeurs devront se défaire de leurs tics, a expliqué le cogneur des Mets Pete Alonso à la presse locale. « Je suis en train de m’adapter. Je veux être capable d’établir une routine. L’affaire avec les baseballeurs, c’est qu’une routine devient parfois un rituel ou une superstition. »

Je veux développer une routine dans laquelle j’aurai du temps et des repères.

Pete Alonso, des Mets de New York

Et les blessures ? Si les joueurs ont moins de temps pour récupérer entre deux lancers, sont-ils plus à risque ? Non, soutient l’ancien directeur général des Red Sox de Boston Theo Epstein, qui conseille aujourd’hui le baseball majeur. En entrevue à MLB Network, il a dévoilé les données amassées pendant 8000 parties minutées des ligues mineures.

« Les lanceurs sont en fait restés légèrement plus en santé avec la minuterie que sans. Non, vous ne pouvez plus prendre 30 secondes entre chaque lancer pour maximiser votre récupération. Mais peut-être que vous ne lancerez plus à un effort maximal chaque fois, comme on le voit depuis quelques années. »

La capacité d’attention des spectateurs diminue. Notre rythme de vie est plus effréné qu’en 1973. Le baseball doit être de son temps. Alors n’en déplaise aux puristes, oui, longue vie à la minuterie !