(Philadelphie) L’hiver dernier, Jeff Gorton et Kent Hughes étaient les vendeurs les plus populaires du marché des transactions.

Vous désiriez un compteur ? Un quart-arrière offensif ? Un attaquant défensif ? Un joueur de soutien ? Le Canadien avait tout ça en boutique. Il fallait juste être prêt à payer le plein prix – et même un peu plus.

Cette saison ? Les ventes sont plus difficiles. Ça fait plus de six mois que le Canadien n’a pas échangé un joueur de sa formation régulière. Il y a un peu de malchance là-dedans. Neuf titulaires du club sont blessés. Difficile de les échanger. Les clubs de tête sont aussi coincés sous le plafond salarial.

Mais il y a plus.

Le Tricolore est en train de subir les conséquences d’une déflation. D’une correction des prix du marché, à l’avantage des clubs acheteurs.

L’explication est simple. Jamais, dans l’histoire de la Ligue nationale de hockey, on n’a vu autant d’équipes en reconstruction en même temps. Selon Action Network, 10 % des parties de la LNH sont maintenant considérées comme « asymétriques » (mismatched) par les maisons de paris sportifs1. C’est cinq fois plus qu’avant la pandémie ! Cette disparité est particulièrement frappante dans l’Association de l’Ouest, où six clubs sont déjà largués de la course aux séries. Plus le Canadien, dans l’Est. Plus les Blue Jackets de Columbus, qui en arrachent. Plus les Flyers de Philadelphie, qui se cherchent. La cave du classement est pleine, n’en rajoutez plus.

Résultat : il y a trop de vendeurs.

Et qu’arrive-t-il lorsque l’offre est trop grande ? Pensez à une journée de canicule. Vous achetez des citrons, les pressez et vendez votre limonade devant l’entrée du garage. Au départ, vous demandez 3 $ pour un verre. Les affaires sont bonnes. Puis un voisin vous imite. Puis un autre. Et encore un autre. Bientôt, les ventes sont divisées entre neuf voisins. L’un d’entre eux réduit son prix de moitié. Que ferez-vous ?

Voilà pourquoi le Canadien se retrouve avec un surplus de citrons. Et non, petits comiques, cela n’est pas une métaphore sur la qualité des joueurs.

Cette dynamique avantage bien sûr les acheteurs. Les Sharks demandent trop cher pour Timo Meier ? Pas grave. On ira voir les Canucks, pour Brock Boeser. Ou les Blues, pour Ivan Barbashev. Ou les Flyers, pour James van Riemsdyk. Ou le Canadien, pour Josh Anderson. Ou les Ducks, pour Adam Henrique. Ou les Blackhawks, pour Patrick Kane, Max Domi, Sam Lafferty, Andreas Athanasiou, Jason Dickinson, alouette.

Les rabais sont alléchants.

Surtout pour les attaquants.

Les Rangers ont obtenu Vladimir Tarasenko contre Samuel Blais, Hunter Skinner et des choix. Une aubaine. Les Maple Leafs ont cédé quatre choix pour acquérir Ryan O’Reilly et Noel Acciari. Mais dans ce bouquet, aucune sélection ne risque d’être parmi les 25 premières au repêchage. Après ce rang, les chances de trouver un contributeur régulier ne sont que de 30 %2.

Bo Horvat ? Vous êtes nombreux à penser que les Islanders ont payé trop cher pour ses services. Pas moi. Horvat a marqué 35 buts cette saison. C’est plus que Leon Draisaitl, Kirill Kaprizov, Alex Ovechkin et Auston Matthews. En plus, il n’a que 27 ans. En retour, les Islanders ont cédé un choix de premier tour (protégé), Anthony Beauvillier et l’espoir Aatu Räty, qui est projeté comme un joueur de soutien.

Ces trois transactions récentes n’aident en rien la cause du Canadien.

Points pour 60 minutes de jeu cette saison

  • Bo Horvat* : 3,18
  • Vladimir Tarasenko* : 2,61
  • Jonathan Drouin : 2,14
  • Mike Hoffman : 2,12
  • Ryan O’Reilly* : 1,55
  • Evgenii Dadonov : 1,56
  • Christian Dvorak : 1,55
  • Josh Anderson : 1,46
  • Noel Acciari* : 1,37
  • Joel Armia : 1,21

* Avant leur transfert

Oui, des attaquants du Canadien produisent davantage qu’O’Reilly et Acciari. Sauf qu’O’Reilly, malgré une très mauvaise saison, reste l’un des meilleurs centres de la LNH aux mises en jeu (55 %). Il a aussi terminé quatrième, l’année dernière, pour le trophée Frank-Selke, remis au meilleur attaquant défensif. Acciari ? L’algorithme du site Evolving Hockey le place dans le 89e percentile pour la qualité de son jeu défensif.

Le Canadien va probablement échanger un ou deux attaquants dans la prochaine semaine. Attendez-vous toutefois à un retour modeste.

Pour les défenseurs, c’est le calme plat depuis plusieurs semaines. Là encore, l’offre est grande. Les risques d’une surenchère sont donc faibles. Je serais étonné que les clubs se battent pour les services de Joel Edmundson. D’abord, il est souvent blessé. Ensuite, parmi tous les défenseurs de la LNH ayant disputé plus de 500 minutes à forces égales cette saison, il est celui qui présente la pire moyenne de buts accordés (4,35 pour 60 minutes de jeu).

Buts accordés pour 60 minutes de jeu

Défenseurs, à 5 contre 5

  • Joel Edmundson, Canadien : 4,35
  • John Klingberg, Ducks : 3,96
  • Oliver Ekman-Larsson, Canucks : 3,90
  • Torey Krug, Blues : 3,87
  • Seth Jones, Blackhawks : 3,87

Note : minimum de 500 minutes à 5 contre 5

Le Canadien possède une belle banque de jeunes défenseurs. Là, il y a de la valeur. Kent Hughes pourrait piger dedans pour obtenir du renfort à l’attaque. Il l’a d’ailleurs fait, l’été dernier, en se départant d’Alexander Romanov pour acquérir Kirby Dach. Sauf que ce type de transaction se conclut plus souvent autour du repêchage qu’à la date limite des transactions. Par ailleurs, je ne suis pas convaincu que le temps des auditions soit tout à fait terminé. Romanov avait disputé 137 parties à Montréal. C’était un bon échantillon pour se faire une tête sur son avenir. Aucun jeune défenseur de l’édition actuelle n’a encore atteint la moitié de ce nombre.

Les gardiens ? Kent Hughes a indiqué plus tôt cet hiver qu’il n’échangerait pas Samuel Montembeault. Jake Allen (,894/5 buts sauvés) a un historique de second efficace au sein d’un club gagnant. Il pourrait être une bonne police d’assurance avec un club d’élite. Par contre, son nouveau contrat de 3,85 millions pour deux saisons entrera en vigueur l’automne prochain. Ce serait cher payé pour un substitut. Un pensez-y-bien.

Le Canadien fera probablement quelques transactions d’ici vendredi prochain. Mais aussi bien vous prévenir : si vous vous attendez à une récolte aussi spectaculaire que l’hiver dernier, vous risquez d’être déçu.

1 Une partie asymétrique implique une équipe présentant une cote d’au moins - 300. C’est-à-dire qu’elle a 75 % ou plus de chances de remporter une partie.

Lisez l’article suivant (en anglais) pour plus de détails sur le sujet 2 Lisez une chronique sur la valeur des choix au repêchage