Dans la vidéo, Tom Brady sourit légèrement : cette fois, assure-t-il, sa décision est prise « pour de bon ». Le plus grand quart-arrière de l’histoire se retire du football à l’âge de 45 ans.

Quarante-cinq ans, c’est fou quand on y pense ! Il faut un talent énorme et une discipline de vie remarquable pour durer si longtemps dans un sport violent comme le football, où le quart-arrière est la cible de ses rivaux à tous les jeux ou presque.

Mais il faut surtout de la passion, une passion dévorante pour le sport et la victoire. Au printemps dernier, Brady a été happé par cette passion après s’être retiré une première fois. Un mois plus tard, il annonçait son retour.

Ce ne fut pas la proverbiale « saison de trop », même si certains matchs ont suscité des doutes. Les statistiques de Brady ont encore été impressionnantes. Mais on a moins senti cette aura fabuleuse qui l’a toujours caractérisé, cette certitude qu’avec lui aux commandes, le match n’était jamais terminé, malgré un retard au quatrième quart.

Même si ses Buccaneers de Tampa Bay ont sèchement perdu au premier tour éliminatoire, Tom Brady a eu raison de disputer cette ultime campagne. Il s’est ainsi rendu au bout de son aventure sans éprouver de regret.

Accrocher ses crampons n’est certes pas une décision facile, car plusieurs équipes l’auraient embauché avec joie s’il était demeuré au jeu. Les Raiders de Las Vegas, selon la rumeur, le convoitaient particulièrement.

Avec ses sept conquêtes du Super Bowl, Brady est le plus grand joueur de l’histoire du football américain. Si tous les amateurs ont leur « moment Brady » préféré, deux de ses triomphes ressortent du lot.

D’abord, celui du 5 février 2017. Au milieu du troisième quart, ses Patriots de la Nouvelle-Angleterre perdent 28-3 contre les Falcons d’Atlanta. C’est alors que Brady saisit le moment.

Avec un panache exceptionnel, il orchestre la remontée des siens, qui remportent le Super Bowl 34-28 en prolongation. Une performance époustouflante qui, sur le plan du leadership pur, ne sera peut-être jamais égalée dans la NFL.

Les pauvres Falcons ont été victimes d’une avalanche contre laquelle ils étaient impuissants. « Je n’ai jamais paniqué, mes coéquipiers non plus », expliquera simplement Brady après le match.

Quatre ans plus tard, cette fois dans l’uniforme des Buccaneers, Brady conduit les siens à une victoire à sens unique contre les Chiefs de Kansas City.

PHOTO DAVID J. PHILLIP, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Tom Brady a remporté le Super Bowl avec les Buccaneers de Tampa Bay en février 2021.

Ce ne fut pas le meilleur Super Bowl, mais l’affrontement a permis de répondre à une question : oui, Brady pouvait gagner sans Bill Belichick, le redoutable entraîneur-chef qui l’a dirigé durant 20 saisons.

Brady a montré du cran en changeant d’équipe à l’âge de 43 ans, en acceptant de travailler avec un nouvel entraîneur-chef, alors qu’il aurait pu se retirer avec les honneurs. Il était manifestement en mission, comme s’il avait voulu s’affranchir du spectre de Belichick. Pari réussi, c’est le moins qu’on puisse dire.

Au-delà de tous ses exploits, l’histoire des ballons dégonflés, qui lui a valu quatre matchs de suspension en 2016, fait aussi partie du palmarès de Brady.

Les Patriots ont été reconnus coupables d’avoir mis en jeu dans un match éliminatoire des ballons ne respectant pas le seuil minimal de pression afin de fournir un avantage concurrentiel à leur quart-arrière, qui les préférait ainsi. Brady a toujours nié sa responsabilité, mais a fini par abandonner ses recours judiciaires et accepter la suspension.

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Dimanche dernier, les deux finales d’association ont été amorcées par des quarts-arrières dans la vingtaine. Il y avait là un puissant symbole, celui d’un changement de génération majeur, confirmé par la retraite de Brady trois jours plus tard.

Au cours des 15 dernières années, en plus de Brady, des quarts-arrières légendaires nous ont fait vibrer : Peyton Manning, son frère Eli (deux titres du Super Bowl lui aussi, ne l’oublions pas), Ben Roethlisberger, Drew Brees, Aaron Rodgers…

De tous ces champions, seul Rodgers est encore actif. L’avenir – et une bonne partie du présent ! – appartient à Patrick Mahomes, des Chiefs de Kansas City (déjà une conquête du Super Bowl, peut-être une deuxième le 12 février prochain) ; Jalen Hurts, des Eagles de Philadelphie ; Joe Burrow, des Bengals de Cincinnati ; Justin Herbert, des Chargers de Los Angeles ; Trevor Lawrence, des Jaguars de Jacksonville, sorti de sa coquille dans la dernière ligne droite du calendrier…

Et, qui sait, Brock Purdy, des 49ers de San Francisco, prouvera peut-être la saison prochaine qu’il peut s’imposer à long terme.

Tout dernier choix du dernier repêchage, Purdy a étonné en prenant avec succès la relève de ses coéquipiers blessés durant l’automne. Dommage qu’il ait lui-même été touché à un coude au début du match de dimanche dernier contre les Eagles de Philadelphie. J’aurais aimé voir comment il se serait débrouillé dans un match si crucial.

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Brady prend sa retraite comme joueur, mais demeurera actif dans le monde du football. L’an dernier, il a signé un contrat de 10 ans avec le réseau Fox pour une somme évaluée, selon des médias américains, à 375 millions US ! Il sera notamment analyste des matchs à la télé.

Il est aussi un entrepreneur actif avec, entre autres, sa collection de vêtements. Mais, comme bien d’autres, il a eu moins de succès avec les cryptomonnaies.

Brady nous aura divertis pendant plus de 20 ans et cela mérite beaucoup de respect.

Ses énormes réussites rappellent aussi à quel point le repêchage des joueurs est une entreprise délicate. En 2000, il a été choisi au… sixième tour, 199e au total ! Dans mon esprit, cela demeure un des faits les plus abracadabrants dans l’histoire du sport contemporain.