L’aréna municipal est devenu votre résidence principale ? Votre maison, un pied-à-terre entre deux entraînements de votre enfant ? Alors, vous savez déjà que nos structures de hockey sont perfectibles.

Nos élus pensent la même chose. C’est pourquoi le gouvernement Legault a lancé un grand chantier, en décembre 2021 : améliorer le hockey québécois. Il a réuni 15 de nos meilleures têtes de hockey. Des personnes de terrain, avec de très grandes qualités. Marc Denis. Danièle Sauvageau. Caroline Ouellette. Dany Dubé. Ce comité a proposé des dizaines de solutions, surtout axées sur le plaisir de jouer. Le rapport final, déposé en avril 2022, a suscité l’espoir et l’enthousiasme.

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Les membres du comité, avec le premier ministre François Legault et la ministre Isabelle Charest, en décembre 2021

Alors, c’est pour quand, ces grands changements ?

Oups. Attendez.

Il y a une fissure dans la lame du patin.

Le comité a travaillé très fort. Il a établi les problèmes, étudié les meilleures pratiques d’ailleurs et proposé des recommandations. Mission accomplie. Maintenant, c’est le temps de poser des actions concrètes. Or, c’est plus compliqué que prévu. L’écart entre le rêve et la réalité paraît aussi grand que celui entre le junior majeur et la Ligue nationale.

Certains enjeux sont circonstanciels. Les élections générales, l’automne dernier, ont ralenti les travaux du gouvernement. Il y a aussi eu du roulement parmi le personnel politique. Pas juste au ministère des Sports. Partout. La machine vient tout juste de repartir.

Mais d’autres enjeux sont plus inquiétants. Le scandale à Hockey Canada, survenu après le dépôt du rapport, a causé des torts importants. Les gouvernements et les commanditaires ont révisé leurs engagements financiers dans le hockey. Ils sont sur les freins. En parallèle, Hockey Québec n’a pas augmenté ses cotisations annuelles – en pleine période d’inflation. Conséquence : il manque d’argent un peu partout dans le réseau.

Huit mois après le dépôt du rapport, voici l’état des lieux sur les principales recommandations.

Créer une ligue universitaire

C’est le projet le plus avancé. Trois universités ont maintenant des équipes masculines de deuxième division, qui s’affrontent entre elles. Quatre autres universités envisagent de rejoindre la nouvelle ligue d’ici 2024-2025, me dit-on.

Et le projet d’une première division toute québécoise ? C’est plus compliqué. Le Québec ne compte que trois formations de D1 qui, faute d’adversaires ici, jouent en Ontario. Pourquoi les autres universités restent-elles sur les lignes de côté ? Parce qu’une équipe de D1 coûte cher. Entre 700 000 $ et 1 million par saison. Le gouvernement est « ouvert » à l’idée d’une aide financière, m’a confirmé la ministre des Sports, Isabelle Charest, « mais il y a un travail plus fin à faire sur la faisabilité d’un programme comme celui-là ».

Éliminer les statistiques chez les moins de 13 ans

Le comité recommande de prioriser le plaisir du jeu chez les enfants. Comment ? En réduisant les attentes des parents. Fini, les classements et les statistiques chez les moins de 13 ans. Fini, le M13 AAA relève. Fini, le M12 scolaire. Mais à court terme, rien de tout cela ne disparaîtra.

Pourquoi ?

« Nous avons la volonté de suivre les recommandations du comité, explique le directeur général de Hockey Québec, Jocelyn Thibault. Nous voulons désélitiser le hockey chez les moins de 13 ans. Mais chaque fois que la fédération essaie d’arriver avec des idées progressistes, elle se fait concurrencer par des entrepreneurs privés. Ces gens ciblent les parents qui souhaitent inscrire leur enfant dans l’élite. »

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Jocelyn Thibault, directeur général de Hockey Québec

« Pensez à l’implantation de la demi-glace chez les plus jeunes. Dans tous les pays, tout le monde s’entend pour dire que c’est excellent pour le développement. Mais ici, ce fut difficile à imposer. Plein de parents disaient : si mon jeune fait ça, il ne jouera pas dans la LNH. Alors ils ont lancé plein de ligues et de programmes privés, qui compétitionnent avec nos programmes éducatifs. »

« Oui, on veut désélitiser le hockey avant 13 ans. Mais on aura de la compétition. Il faut trouver comment déployer les recommandations. »

Empêcher le surclassement des joueurs exceptionnels

Hockey Québec a serré la vis cet hiver. « De façon générale, nous sommes contre le surclassement, explique Jocelyn Thibault. On en veut le moins possible. De mémoire, je ne suis pas certain qu’il y ait eu un seul joueur surclassé cette année. »

Permettre la permutation des joueurs et des équipes pendant la saison

« Ça existe déjà, fait valoir Jocelyn Thibault. C’est dans nos règlements. Des régions et des associations peuvent réviser la classification des équipes. J’en ai vu passer récemment. Il ne faut pas avoir peur de s’en servir. »

Créer des programmes non compétitifs, selon un horaire hebdomadaire stable

Il y a des initiatives à gauche et à droite. « Ça se fait à petite échelle, indique Jocelyn Thibault. Est-ce que ça pourrait être mieux ? Tout à fait. Il faut réussir à s’adapter à la nouvelle réalité des familles. Notre réflexion est entamée. Au hockey féminin, où il y a moins de joueuses, les distances à parcourir sont plus grandes. Peut-être qu’on pourrait valoriser les programmes doubles ou la formule vitrine [showcase]»

Inclure l’apprentissage du patin à l’école primaire

Une idée formidable – mais très complexe. Qui donnera les cours ? Où ? Quand ? Comment trouver des patins pour tous les enfants ? Isabelle Charest, qui a passé le mandat précédent comme ministre déléguée à l’Éducation, est consciente du casse-tête logistique.

« Le gouvernement ne dira pas : tous les élèves auront 20 heures de hockey dans leur cursus. Ce n’est pas à nous de décider la structure du cours. On travaille pour que les jeunes aient le plus d’opportunités d’essayer différentes disciplines. »

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La ministre responsable des Sports, Isabelle Charest

Le hockey ne sera donc pas priorisé par rapport aux autres sports.

Notez que depuis l’année dernière, le gouvernement compense les centres de services scolaires qui partagent leurs infrastructures avec les municipalités. Prochaine étape : dédommager les villes qui prêtent leurs arénas aux écoles. Ça permettrait de réduire substantiellement le coût de location d’une glace. Le gouvernement investit 40 millions dans la création de centrales régionales d’équipements, où il est possible d’emprunter gratuitement du matériel sportif.

Créer un programme de construction de patinoires couvertes et réfrigérées

En campagne électorale, la CAQ s’est engagée à investir 1,5 milliard dans les infrastructures sportives, sur une période de 10 ans. « Les travaux du comité hockey m’ont servi à faire des pressions », indique Isabelle Charest. Oui, c’est un gros chiffre. Sauf que les besoins sont encore plus grands. Des dizaines de villes désirent rénover un aréna ou construire une piscine. « C’est sûr que l’argent n’ira pas [uniquement] dans la construction de glaces couvertes », précise la ministre.

Créer une direction spécifique au hockey féminin

« Si on peut avoir plus de ressources, plus de personnes qui s’occupent de hockey féminin, je suis d’accord, déclare Jocelyn Thibault. Mais quelque part, ça prendra du financement. On n’a pas voulu augmenter les cotisations cette année. On a agrandi notre organisation de l’intérieur. » Ici, la fédération pourrait être plus proactive. Le hockey féminin a bonne presse. Personne ne s’opposera à une faible hausse des cotisations pour soutenir sa croissance. Après, je suis d’accord avec Jocelyn Thibault : il n’est pas nécessaire de doubler toute la structure, comme d’assigner un responsable spécifique aux arbitres dans les ligues féminines.

Abolir les frais de certification pour les officiels

« On ne devrait pas payer pour travailler », déplore Jocelyn Thibault. Il parle ici des officiels qui, historiquement, payent des frais pour obtenir leur certification. Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, c’est contre-productif. Hockey Québec vient d’abolir les frais au niveau provincial pour les arbitres ayant travaillé un certain nombre de parties. « Il faut aller plus loin. Malheureusement, nous sommes limités dans la portée de nos actions. » Car des arbitres sont toujours tenus de payer des frais régionaux ou nationaux.

Un exemple parmi tant d’autres qui illustre bien la complexité de réformer le hockey québécois.