Le Canadien vient de battre coup sur coup deux puissances de la Ligue nationale, les Rangers de New York et les Jets de Winnipeg. Impressionnant. Mes félicitations, beau travail.

Voilà pour l’arbre. Maintenant, explorons la forêt. Le Tricolore est 26e au classement général. Avant-dernier de son association. Dernier de sa division. Il s’englue dans la phase la plus déprimante de sa reconstruction.

Laquelle ?

Celle où il devient plus difficile de liquider des vétérans contre des retours intéressants.

La saison dernière, le directeur général Kent Hughes a échangé Ben Chiarot, Tyler Toffoli, Brett Kulak et Artturi Lehkonen contre deux choix de premier tour, deux choix de deuxième tour et des espoirs, notamment Justin Barron. Il a refilé le contrat de Shea Weber aux Golden Knights de Vegas . Il s’est départi d’un défenseur malheureux, Jeff Petry. Il est aussi allé chercher un ancien troisième choix au total, Kirby Dach, contre un choix obtenu dans le transfert d’Alexander Romanov.

Les partisans exultaient.

Mais cet hiver, la récolte s’annonce moins foisonnante. Le repêchage est prometteur. Les clubs tiennent à leurs sélections. Seulement trois choix de premier tour ont changé de propriétaire. De plus, les vétérans du Canadien sont moins attrayants que ceux déjà échangés.

Sean Monahan se remet d’une énième blessure. Jake Allen connaît une saison difficile. Joel Edmundson aussi. Josh Anderson reste un mystère. Quant à Mike Hoffman, Evgenii Dadonov et Jonathan Drouin, je serais étonné que le Tricolore touche le gros lot – ou même un petit lot – en les échangeant.

Cette période maudite était prévisible. La direction du Canadien nous avait d’ailleurs prévenus, en septembre. Les séries ? Ce n’est pas notre objectif. Nous souhaitons plutôt développer nos joueurs. Personne n’a protesté. Pariez votre carte recrue de Maurice Richard que ce sera le même discours l’automne prochain. Et peut-être le suivant itou.

Puis un jour, il faudra trouver un « équilibre », pour reprendre un mot employé souvent par Kent Hughes, mercredi, dans son bilan de mi-saison. Un équilibre entre quoi et quoi ? Entre le développement et les résultats. Pour le moment, il n’y a pas d’urgence. Les partisans acceptent la reconstruction. Ils continuent de payer 600 $ deux billets dans les rouges contre les Panthers de la Floride, un jeudi soir. Mais pour combien d’années, encore ?

Mon collègue Richard Labbé a demandé à Kent Hughes d’évaluer à quel moment la fenêtre d’opportunité du Canadien s’ouvrirait. « De manière réaliste, a-t-il dit, ça prendra combien de temps avant que cette équipe soit prétendante ? »

Réponse : « Je ne pense pas que je peux vous donner une réponse. Des fois, on fait un échange et on va chercher un choix au repêchage. Ce choix sera un joueur de 18 ans. Peut-être n’est-il pas prêt à jouer dans la LNH. Il atteindra peut-être son potentiel dans quatre, cinq ans. Des fois, on peut échanger ce choix contre un Kirby Dach, qui est encore jeune, mais qui est [davantage] prêt à aider l’équipe. »

Kent Hughes a enchaîné avec quelques phrases sur ses jeunes défenseurs.

C’était quoi, la question initiale, déjà ?

Ah oui. Dans combien d’années l’équipe croit-elle pouvoir prétendre aux grands honneurs ? On ne connaît pas la réponse. Mais si le passé est garant de l’avenir, il faudra patienter encore quelques années.

L’hiver dernier, je vous ai expliqué qu’une reconstruction dans la LNH dure en moyenne six ans. Cette chronique fut accueillie avec grogne et (ou) déni. Monsieur le chroniqueur, m’avez-vous écrit en grand nombre, on va terminer au dernier rang, gagner à la loterie, et dans deux ans, gros max, on sera de retour en séries.

Le Canadien a terminé dernier. Il a aussi gagné la loterie du repêchage. Mais pour le bout sur la participation aux séries dès l’an prochain, je n’affiche pas votre confiance – à moins, bien sûr, que le Tricolore gagne encore à la loterie, que les recrues évitent la guigne de la deuxième saison et que des joueurs autonomes de qualité se joignent à une équipe en reconstruction.

Après avoir échangé ses vétérans, la saison dernière, le Canadien a connu une séquence difficile de neuf défaites consécutives. La perte de leadership fut soulignée.

Le même danger guette le club cet hiver.

Oui, on aime les jeunes joueurs. Oui, ce sont les meilleurs éléments de l’équipe. Sauf que ces jeunes ont aussi besoin de soutien. Surtout dans les léthargies. Pour pousser droit, il leur faut des tuteurs. Des coéquipiers aguerris, comme David Savard et Michael Matheson, qui contribuent à leur développement et leur progression. Des vétérans expérimentés, qui rendent la traversée du désert un peu plus supportable.

Kent Hughes a raison.

Ça prend un équilibre.