Il y a quelques années, La Presse a publié un reportage sur un projet de radio étudiante dans une classe de quatrième année à Montréal. Le président et directeur général de RNC Média, Mario Cecchini, a contacté notre journaliste la journée même. « J’aimerais explorer avec eux comment on peut les aider. » Deux mois plus tard, deux animateurs du 91,9 Sports se sont rendus à l’école pour donner des entrevues aux enfants.

Cette anecdote résume bien les forces de Mario Cecchini.

Curieux, efficace, impliqué, il est très bien branché dans la communauté des affaires. Tous les journalistes envient d’ailleurs son carnet de contacts. C’est pourquoi j’ai été étonné, peu avant Noël, lorsque les Alouettes de Montréal ont choisi de ne pas renouveler son mandat.

Mario Cecchini aura été président du club pendant seulement trois années – toutes marquées par la pandémie. C’est court. Surtout que les propriétaires et lui s’étaient entendus, en 2020, sur un plan de redressement de cinq ans. Je lui ai demandé s’il avait eu l’impression d’avoir eu sa chance. Sa réponse ne pouvait pas être plus franche.

« J’ai été retiré du match au deuxième quart – alors qu’on menait 10-7. Je ne comprends pas trop pourquoi. Je suis le premier à reconnaître qu’il y avait encore du chemin à faire, mais 2022 était notre première véritable année d’opérations [depuis la COVID-19]. On avait tous convenu que notre plan allait durer plusieurs années. Mais ce plan-là, il ne se fait pas en criant ciseaux. »

Si quelqu’un possède une baguette magique, tant mieux. Moi, je n’en ai pas.

Mario Cecchini

Mario Cecchini affirme que le propriétaire minoritaire des Alouettes, Gary Stern, était plus pressé que lui. Rien d’anormal. Mais la COVID-19 a ralenti l’exécution du plan.

La première année de son mandat, en 2020, fut perdue. « La saison a été annulée. C’était du jamais-vu dans l’histoire de la Ligue canadienne. On n’a pas eu de revenus pendant 18 mois. Tous nos employés ont dû retourner à la maison. Il y a eu des mises à pied temporaires. Ce fut tout un apprentissage. »

La deuxième année fut également compliquée. Encore là, en raison de facteurs incontrôlables. « On a appris officiellement le 14 juin qu’on commençait le 2 juillet. Et qu’on reprenait nos activités avec des restrictions et des protocoles [de la santé publique] que nous n’avions jamais connus. On s’est qualifiés pour les séries. »

Et 2022 ? « On l’oublie, mais jusqu’au 15 mars, tout le monde était encore à la maison. Ça a été rock’n’roll. Début avril, on a déménagé tous nos employés au Stade olympique. On devait construire un terrain de pratique, mais la COVID-19 a repoussé ce projet. On a finalement obtenu une victoire en séries, ici, à Montréal, ce qui n’était pas arrivé depuis 2014. »

Heureux de retrouver une certaine normalité, Mario Cecchini entrevoyait l’avenir avec optimisme.

« Vendre des billets, au Québec, c’est un grand défi présentement. Les comportements du consommateur ont changé de façon importante [pendant la pandémie]. Les acheteurs s’engagent moins à long terme. Malgré ça, on a quand même réussi à faire progresser notre nombre d’abonnements. »

Nous sommes l’une des deux seules équipes à avoir augmenté notre vente de billets payants la saison dernière. Nous avions des indicateurs au vert.

Mario Cecchini

Le 1er décembre, voyant approcher l’échéance de son contrat, Mario Cecchini a contacté les avocats de la succession de Sidney Spiegel, le propriétaire majoritaire qui est mort pendant la pandémie. « Je leur ai écrit que je voulais poursuivre mon mandat. J’avais quelques questions, notamment sur nos façons de fonctionner. Nous arrivions dans le crunch [de l’entre-saison]. Il fallait planifier notre budget. Nos rencontres étaient remises de jour en jour. »

C’est là que Mario Cecchini a commencé à se douter que quelque chose se tramait. « Le 19 décembre, un des avocats m’a informé qu’il n’était pas en mesure de renouveler mon contrat. »

C’est tout ?

Oui, c’est tout.

Depuis un mois, Mario Cecchini cherche à comprendre la décision.

Est-ce à cause de sa relation avec Gary Stern, qui possède 25 % des actions du club ?

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Gary Stern

« Ma relation avec lui était correcte. On n’avait pas toujours la même vision. C’est normal dans le milieu des affaires. Lorsqu’il a décidé de démissionner [de son poste d’administrateur] en août dernier, je sentais qu’il avait une certaine impatience. Il aurait peut-être souhaité que le plan quinquennal se fasse en un an. Mais ce n’est pas comme ça que ça fonctionne. J’avais aussi une bonne relation avec un des avocats de la succession. »

Quelques jours après avoir quitté les Alouettes, Mario Cecchini est tombé sur une entrevue de Gary Stern à TSN. Son ancien patron déclarait que la décision prise en décembre était d’un commun accord. C’est faux, précise Cecchini. « Mon départ n’était pas une décision mutuelle. Je lui donne toutefois le bénéfice du doute. Notre dernière conversation datait du mois de novembre. Peut-être avait-il été mal informé. »

Dans la même entrevue, Gary Stern a lâché une petite bombe. La possibilité que les propriétaires actuels vendent jusqu’à 90 % des actions de l’équipe, idéalement à des actionnaires locaux. Depuis qu’il a entendu cela, Mario Cecchini se demande si ce n’est pas ce qui a précipité son départ.

« Je spécule, me prévient-il. Mais peut-être que leur vision, c’est de ne pas avoir un président sous contrat, pour que le prochain propriétaire puisse choisir le prochain président. Ça se dit. Ça s’explique. Ils auraient pu me dire cela. Mais peut-être que ce n’est pas le cas non plus.

« Notre équipe de direction s’en allait dans la bonne direction, poursuit-il. J’aurais aimé continuer le plan. Quand je suis allé chez Corus, en 2006, ou chez RNC Média, plus tard, c’était pour redresser la compagnie. Les redressements, c’est un peu ma marque de commerce. Ce sont de grands défis. Et les Alouettes, c’était un défi comme celui-là. On y serait arrivés de belle façon. »

Mario Cecchini venait de prendre son élan. Il souhaitait porter le ballon jusqu’à la zone payante. Ça n’arrivera malheureusement pas.

Pas parce qu’il a échappé le ballon.

Parce que ses patrons le lui ont enlevé.