Sandro Grande aura été l’entraîneur-chef de l’équipe de réserve du CF Montréal pendant 15 heures. Quinze heures de trop. Jamais il n’aurait dû être nommé à ce poste.

Pourquoi ?

Parce qu’au lendemain de la tentative d’assassinat envers la première ministre Pauline Marois, en 2012, Grande a publié deux messages haineux et dégradants. Un sur Facebook, l’autre sur Twitter. Dans le premier, il a qualifié les souverainistes de « stupides » et de « hillbillies » (colons). Le second se lisait comme suit : « La seule erreur que le tireur a commise la nuit dernière, c’est de rater sa cible !!! Marois !!! La prochaine fois mon gars ! J’espère ! »

Grande s’était excusé publiquement pour le premier message, mais jamais pour le deuxième. Son argument : son compte Twitter avait été piraté. Possible ? Oui. Probable ? Non. La direction du CF Montréal a tenu à présenter ses excuses à Pauline Marois, mardi, ce qui sous-entend qu’elle croit que Grande était responsable dudit message.

Comment en est-on arrivé là ?

Comment les patrons du CF Montréal, pourtant des gens brillants et bien ancrés dans la communauté québécoise, ont-ils pu manquer autant de « sensibilité » et d’« empathie », pour citer le président Gabriel Gervais ?

Parce qu’ils ont été aveuglés. Aveuglés par le CV éblouissant de Grande. Aveuglés par les promesses de jours meilleurs pour le développement de leurs espoirs. Aveuglés par les bénéfices, qu’ils croyaient supérieurs aux dommages pour le club. « Sandro est le meilleur tacticien au Canada », m’a dit Gervais en marge de sa conférence de presse, mardi. C’est dire tout le bien que le CF Montréal pense de Grande.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Le président du CF Montréal, Gabriel Gervais

« Notre jugement a été altéré par notre volonté de donner à Sandro Grande une deuxième chance, a ajouté Gervais dans son allocution. Force est d’admettre aujourd’hui que ce fut une erreur. »

La direction du club était bien évidemment au courant des déclarations antérieures de Grande. Ce fut d’ailleurs soulevé dans son entretien d’embauche. L’équipe était aussi dans son droit de lui accorder une deuxième chance. Après tout, Grande n’est pas en prison. Il peut travailler. Il pourrait même se présenter comme candidat aux élections, s’il le désirait.

Or, obtenir une deuxième chance dans la sphère publique, ce n’est ni un droit acquis ni un automatisme. C’est un privilège. La personne fautive doit démontrer qu’elle a changé. Qu’elle s’est améliorée. Qu’elle a appris de ses erreurs.

Grande a convaincu la direction du CF Montréal. Mais des politiciens, des commanditaires et des partisans du club, eux, n’étaient pas prêts à lui pardonner. Même 10 ans après les faits, plusieurs fidèles du club se sont sentis visés, blessés ou outrés par les propos de Grande. Je les comprends. Les propos écrits sur son compte Twitter étaient franchement troublants. Bien des partisans n’ont pas cru ses excuses. Du moins, ils les ont jugées insuffisantes. Il faut dire que Grande ne s’est pas aidé, en ne nommant ni Pauline Marois ni les souverainistes dans son communiqué, lundi.

Des amateurs ont exprimé leur désaccord. Bruyamment. C’est leur droit. Ils ont fait pression sur le club et ses commanditaires. C’est aussi leur droit. Ce sont eux qui ont convaincu Gervais d’infirmer sa décision initiale.

On s’attendait à avoir des gens mécontents, mais pas de l’ampleur qui s’est matérialisée [lundi] soir.

Gabriel Gervais, président du CF Montréal

Le club s’attendait à une vague. Peut-être à un ressac. Mais pas au tsunami qui l’a englouti. Il devra en tirer des leçons. Il est anormal que personne, dans le comité de sélection, n’ait prévu des conséquences aussi graves sur l’image de marque de l’équipe. Cette nomination aurait dû faire l’objet de vives critiques à l’interne. Ou, du moins, à des discussions plus musclées que celles ayant mené à une décision « unanime » du comité « d’aller de l’avant » avec Grande, comme l’a précisé Gervais.

Cela dit, je dois souligner le leadership démontré par Gervais dans la gestion de cette crise. Oui, c’est lui qui a allumé le feu. Il assume d’ailleurs « 100 % » de la responsabilité de cette controverse. Sauf qu’il ne s’est pas entêté. Sa pensée a évolué. Il a reconnu son erreur, et l’a réparée en moins d’une journée. Ce n’est pas dans les us et coutumes de la maison, mettons.

En faisant ce geste, Gervais réussira-t-il à limiter les dommages ?

Peut-être que oui. Peut-être que non. Mais ce dont je suis convaincu, c’est que les bénéfices de congédier Grande étaient devenus plus grands que son apport potentiel à l’équipe.