Comme nomination venue du champ gauche, celle-là a fait époque : Martin St-Louis derrière le banc du Canadien !

J’ai failli m’étouffer avec mon café en apprenant, en février dernier, que l’ancien joueur étoile débarquait à Montréal après le congédiement de Dominique Ducharme.

J’ai plongé sur l’internet pour savoir quelle équipe il dirigeait jusque-là, une information que je croyais avoir loupée. Eh bien non, je n’avais rien manqué ! Pour la simple raison que St-Louis n’avait jamais occupé pareilles responsabilités… mais qu’il en avait toujours éprouvé l’envie. Pardonnez-moi, mais comme curriculum vitæ, c’est plutôt mince.

Ce n’est pas tout : je n’avais pas souvenir d’avoir lu ou entendu des commentaires significatifs de St-Louis durant sa carrière de joueur. Dans le milieu, il n’était certes pas reconnu comme un grand communicateur.

Ce gars-là, j’en étais alors persuadé, avait peu de chances de réussite.

Ce sentiment m’a habité à peine 24 heures. Car le lendemain, en l’écoutant répondre avec aplomb, humour et sincérité aux questions des journalistes lors de sa première conférence de presse à titre de coach, j’ai découvert – comme beaucoup de gens – sa riche personnalité.

Lorsqu’un collègue a poliment évoqué son manque d’expérience en disant qu’il n’avait dirigé des équipes qu’à un niveau « très, très junior », St-Louis a rétorqué avec le sourire : « T’es gentil, il me semble que c’était pee-wee… »

Pas question pour lui de tourner autour du pot. Sa franchise m’a impressionné.

On connaît la suite. St-Louis a redonné aux joueurs du Canadien le plaisir de jouer après des semaines de petite misère. Les hockeyeurs sont comme tout le monde : s’ils ne sont pas heureux au boulot, si l’environnement n’est pas agréable, ils ont des ennuis à offrir des performances au sommet de leur potentiel.

St-Louis a aussi eu l’immense mérite de libérer Cole Caufield, qui donnait peu à peu l’impression d’un jeune surévalué. Il a retrouvé sa confiance en lui et s’est mis à marquer des buts. Pour le CH, ce fut une transformation majeure. Aujourd’hui, on se demande combien de millions Caufield empochera la saison prochaine. Il y a moins d’un an, on se demandait plutôt s’il marquerait un jour 30 buts dans une saison.

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Aujourd’hui, St-Louis est devenu le visage du Canadien. Vous me direz que c’est le propre d’un entraîneur-chef. Peut-être. Mais encore faut-il analyser comment le principal intéressé remplit ce rôle.

La différence avec ses prédécesseurs des dernières années est simple : St-Louis ne semble pas constamment sur la défensive, comme s’il craignait que ses propos se retournent contre lui.

Il parle avec sa tête et son cœur. Cela durera-t-il ? Je l’ignore. Mais autant le savourer quand ça passe. Michel Therrien, Claude Julien et Dominique Ducharme avaient tous des qualités. Mais sauf de rares exceptions, on les sentait sur la réserve dans leurs interactions publiques.

St-Louis dit parfois des choses qui tranchent avec le discours traditionnel. Ainsi, à l’approche du premier match de la saison en octobre dernier, il a révélé son message aux joueurs : « Amuse-toi. La Ligue nationale, des fois, je trouve qu’on la prend tellement trop au sérieux. C’est juste une game. Alors amuse-toi… »

Imaginez-vous un autre coach recrue du CH dire une chose pareille ? Cela aurait provoqué un tollé. Mais St-Louis, qui est devenu un attaquant dominant dans la LNH même si sa taille a longtemps fait douter les recruteurs, dégage une autorité qui lui permet de livrer le fond de sa pensée.

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Parfois, quand je lis des commentaires de St-Louis, je me dis que le jour n’est pas loin où une maison d’édition lui demandera d’écrire un livre sur la gestion. En septembre dernier, dans une entrevue à mon collègue Alexandre Pratt, il a déclaré : « Les réponses sont partout. Il faut juste les trouver. Tu les trouves plus facilement en groupe que tout seul. »

Voilà une approche valide dans tous les domaines. Écouter, confronter ses idées à celles des autres, accepter la remise en cause, voilà des clés du succès en affaires et dans la vie. St-Louis l’a bien compris.

Ce qui m’impressionne le plus chez lui, c’est son assurance (à ne pas confondre avec l’arrogance, parce que St-Louis me semble un homme confiant, mais humble).

Il faut en effet beaucoup, beaucoup d’assurance pour s’installer derrière le banc d’une équipe de la Ligue nationale sans se sentir comme un usurpateur malgré une expérience minimaliste de coaching. C’est encore plus vrai quand, comme lui, on le fait dans sa ville d’origine où le hockey est roi.

St-Louis est une recrue derrière le banc. Il vit de nouvelles situations tous les jours et, contrairement aux autres entraîneurs de la LNH, il ne peut se rabattre sur son vécu dans des circuits inférieurs pour composer avec les difficultés.

C’est peut-être pourquoi il est ouvert aux suggestions des autres tout en sachant qu’en analyse finale, les décisions sont les siennes. Cela dit, il commettra inévitablement des erreurs et perdra de nouveau patience en point de presse comme ce fut le cas après le revers des siens le 14 décembre à Ottawa.

La deuxième moitié de saison s’annonce difficile pour le Canadien. Les meilleures équipes augmenteront le tempo d’un cran et les clubs moins aguerris, comme le sien, traverseront des moments éprouvants.

Mais la passion de St-Louis, son respect des joueurs et sa connaissance approfondie du hockey lui permettront de s’en tirer honorablement. Au fil des années, il trouvera ces « réponses », dont il parle si souvent. Le voir grandir avec son équipe s’annonce intéressant. Le coach du Canadien est clairement ma découverte de l’année 2022.