Lionel Messi sautait de joie, en faisant des moulinets avec ses bras. Le capitaine de la sélection argentine s’est rué sur le gardien Emiliano Martinez, le visage enfoui dans la pelouse, pour l’embrasser. Je me suis dit que ce gars-là devait être aussi ravi que son équipe soit qualifiée pour la demi-finale du Mondial que soulagé de ne pas avoir disputé son dernier match en Coupe du monde.

#MauditSoccerPlate, ironisent parfois les amateurs de football – oui, celui qui se joue avec un ballon et le pied – sur les réseaux sociaux. Une façon comme une autre de se moquer de ceux qui prétendent que le plus beau sport du monde est ennuyeux. On leur souhaite d’avoir vu les deux quarts de finale du Mondial, vendredi. Deux matchs avec des buts d’anthologie, qui vont marquer l’histoire de la Coupe du monde. Et pas seulement celle du Qatar.

Le duel entre l’Argentine et les Pays-Bas (victoire de l’Argentine 2-2, 4-3 en tirs de barrage) a conclu une journée folle qui a vu le Brésil, grand favori de la compétition, subir une défaite crève-cœur aux tirs de barrage (1-1, 4-2 aux tirs de barrage), après une égalisation de la Croatie en toute fin de prolongation. Les Brésiliens s’étaient eux-mêmes inscrits au pointage en première période de prolongation avec un magnifique but de Neymar, au terme d’un une-deux archétypal.

Ça semblait plié, comme on dit à Belo Horizonte, quand les défenseurs auriverdes se sont emmêlés dans leurs pinceaux à quelques minutes de la fin, laissant fin seul sur le flanc gauche Mislav Osic, qui a centré pour Bruno Petkovic à la 117e minute.

Les Croates, comme les lendemains dans les films de James Bond, ne meurent jamais.

Ils étaient surprenants de dynamisme, après un match de huitième de finale qui s’était aussi rendu aux tirs de barrage (face au Japon), grâce à un efficace mélange de jeunesse et d’expérience. Luka Modric, 37 ans, semblait avoir pris un sérum de jouvence tellement il survolait le milieu de terrain. Dejan Lovren a retrouvé le niveau de son époque Liverpool aux côtés de Joko Gvardiol, l’une des jeunes sensations du tournoi.

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Neymar en pleurs, après la défaite du Brésil aux dépens de la Croatie

Dominik Livakovic a joué le match de sa vie, bloquant dix tirs brésiliens cadrés, avant même les tirs de barrage. Les Croates ne lâchent jamais. Ils ne sont pas vice-champions du monde pour rien. Ils souhaitent cette fois se rendre jusqu’au bout, et pourquoi pas, prendre leur revanche sur les Français.

Le génie de Messi

Sur leur chemin, ils vont rencontrer des Argentins qui croient plus que jamais que c’est leur année (surtout depuis l’élimination de leurs rivaux brésiliens). Ce qui ne tue pas rend plus fort, veut l’adage. La défaite en lever de rideau du Mondial de l’Argentine face à l’Arabie saoudite lui a donné quelques frayeurs, mais jamais autant que ce quart de finale contre les Pays-Bas. Les Argentins ont pris les devants sur les Néerlandais après un début de match plutôt stérile, sans fluidité, marqué par un jeu physique et fermé. Les Oranje, condensés au milieu de terrain, ont bloqué l’axe.

Lionel Messi a tenté péniblement de se démarquer pendant la première demi-heure. Mais il n’a eu besoin que de quelques centimètres, gracieuseté d’une feinte devant Nathan Ake – l’ombre de son ombre –, pour offrir une passe divine, entre les jambes du défenseur néerlandais, et un premier but international à Nahuel Molina, à la 35e minute. Un éclair de génie.

Les Néerlandais accusaient un retard pour la première fois dans le tournoi. À la mi-temps, le sélectionneur Louis van Gaal a fait deux changements, plus offensifs, et les Bataves ont davantage testé la défense argentine. Mais Denzel Dumfries, jusqu’ici impeccable dans le tournoi, a accroché Marcos Acuña dans la surface et Messi a doublé l’avance de l’Argentine du point de penalty.

Les Néerlandais, frustrés, ont commencé à perdre patience et les esprits se sont échauffés. On se serait cru en Copa America… Les Oranje n’ont pas pour autant baissé les bras.

Sur un simple centre dans la surface, Wout Weghorst a marqué à la 83e d’une reprise de la tête, provoquant une fin extrêmement tendue, pendant laquelle les Néerlandais ont eu plus d’occasions de buts que pendant tout le match.

Les Argentins ont fini par être rattrapés par leur manque de discipline, avec une très mauvaise faute à la lisière de la surface, à la toute dernière minute des arrêts de jeu. Et c’est là que les Néerlandais ont eu à leur tour un coup de génie : un coup franc incroyablement audacieux, une combinaison au sol qui a pris de court toute l’équipe argentine – et sans doute la plupart des spectateurs, partout dans le monde. Weghorst, encore lui, a fait 2-2.

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Wout Weghorst (à droite), des Pays-Bas, au moment de marquer le but égalisateur

Le genre d’exercice exécuté à l’entraînement qu’on ne voit pratiquement jamais en match, a fortiori à la dernière seconde d’un match d’élimination directe en Coupe du monde…

La prolongation s’est amorcée de manière beaucoup plus posée que la fin du temps réglementaire… jusqu’à ce que les Argentins se mettent à leur tour à attaquer avec l’énergie du désespoir, dans les dix dernières minutes. Virgil van Dijk a bloqué un tir à bout portant de Lautaro Martinez qui aurait pu faire taire ses détracteurs. Puis la frappe franche d’Enzo Fernandez s’est écrasée sur le poteau à la 120e et dernière minute.

Emiliano Martinez, spécialiste en intimidation de tireurs de penalty, a fait le reste, frustrant Van Dijk et Steven Berghuis. L’Argentine n’allait pas échapper le match une deuxième fois. Lautaro Martinez a marqué le dernier des cinq tirs. Cette équipe sauvée des eaux, plus convaincue que jamais, en mission pour la nation et pour son Messi, sera difficile à battre.