(Doha) En déposant mes requêtes de billets, l’été dernier, il y a un match que je désirais voir plus que les autres. Celui entre l’Angleterre et le pays de Galles. Un derby britannique. Un duel fraternel entre une nation de 57 millions d’habitants et sa voisine de 3 millions d’âmes. Les Trois Lions contre un petit minou.

J’anticipais déjà l’affiche. Un match déterminant entre David et Goliath. Imaginez une victoire des Gallois. La dernière fois, c’était dans un tournoi entre les nations du Royaume-Uni, en 1984. Wham ! cartonnait. Lady Diana était enceinte. Aucun joueur actuel des deux équipes n’était encore né.

J’étais super excité – jusqu’à ce que le tournoi commence. Plus la Coupe du monde progressait, plus je regrettais d’avoir préféré cet affrontement à celui opposant les Iraniens aux Américains. Lorsque les Gallois se sont alignés pour leur hymne, chanté fièrement et à tue-tête par leurs quelques milliers de partisans, ils savaient que leur mission était presque impossible. Pour passer au tour suivant, ça leur prenait au minimum une victoire, combinée à une nulle entre les Iraniens et les Américains. Sinon, un gain par trois buts ou plus. Aussi bien tenter de rentrer un tifo arc-en-ciel dans le stade.

Le miracle de Doha n’a pas eu lieu. Même pas proche. Oh, c’est vrai qu’à la mi-temps, les Gallois n’étaient pas largués. C’était 0-0. La demie la plus plaaaaaaate du tournoi. Sauf que les Rouges ne touchaient jamais au ballon en territoire adverse.

Au retour de la pause, les Trois Lions se sont mis à rugir. À la 50e minute, Marcus Rashford a tiré un coup franc directement au filet. Un laser, contre lequel Danny Ward ne pouvait rien faire. 1-0. Les spectateurs anglais ont commencé à narguer leurs rivaux. « Demain matin, vous repartirez à la maison », chantaient-ils. Le refrain n’était pas encore terminé que Phil Foden avait déjà doublé l’avance. Alors les fans sont passés à la chanson de célébration des joueurs.

« Na-na-na-na-na, na-na, na-na-na, na-na-na » (Répétez quatre fois)

Quelques minutes plus tard, Rashford, encore lui, mettait définitivement fin aux espoirs des Gallois, avec son deuxième but du match. Avoir inversé Foden et lui de côté, à la mi-temps, fut une décision heureuse de l’entraîneur Gareth Southgate. « On a pensé qu’en les inversant, ils pourraient déborder, ou piquer vers le centre, ce qu’ils ont bien fait en deuxième demie. »

Pointage final : 3-0. Une partie à sens unique.

Les Anglais terminent donc le premier tour avec deux victoires et une nulle, en tête de leur groupe. Leur différentiel de + 7 est le plus élevé pour le moment dans cette Coupe du monde, à égalité avec celui de l’Espagne. Les neuf buts constituent aussi un record d’équipe pour la phase de groupe. Prochains adversaires : les Sénégalais.

Serait-ce finalement l’année des Anglais ? C’est l’ambition affichée.

« Gagner des trophées, c’est ce qui me rend le plus heureux, s’est exclamé Marcus Rashford après son doublé. Je sens que nous avons de l’ambition au sein de cette équipe. Nous avons un bon mélange de qualités. Notre groupe vise vraiment la victoire finale dans ce tournoi. »

Je ne suis pas encore convaincu du potentiel des Anglais. Oui, ils ont dominé les Iraniens (6-2) et les Gallois. Mais leur verdict nul contre les Américains (0-0) était inquiétant.

PHOTO MARKO DJURICA, REUTERS

Le Gallois Joe Rodon et l’Anglais Harry Kane

Ça ne me semblait pas être un accident de parcours, mais la suite d’un été difficile en Ligue des nations, marqué par des défaites face à la Hongrie et à l’Italie, toutes deux absentes de cette Coupe du monde. Pas de doute, ils ont du punch à l’attaque. Harry Kane est en forme. Foden et Rashford brillent. Le jeune Jude Bellingham s’éclate. Bukayo Sako et Raheem Sterling s’étaient aussi distingués dans le match contre les Iraniens.

Par contre, la constance pose problème. Il sera intéressant de voir, dans les prochains jours, comment ils se défendront face à de meilleures équipes offensives. C’est ce qui déterminera s’ils ont ce qu’il faut pour gagner leur premier titre depuis longtemps.

La dernière fois ? C’était en 1966.

Les Beatles étaient en tournée. L’entraîneur-chef Gareth Southgate n’était pas encore né. Et les Maple Leafs de Toronto allaient bientôt gagner leur dernière Coupe Stanley…