La sélection de Juraj Slafkovsy au premier rang du repêchage ? Un geste audacieux, pas de doute là-dessus.

L’échange à trois équipes qui a conduit à l’acquisition de Kirby Dach ? Wow, une créativité impressionnante.

La nomination de Nick Suzuki comme capitaine de l’équipe ? Un pari bienvenu sur la jeunesse.

Voilà trois gros coups des dirigeants du Canadien au cours de l’été. Mais à mes yeux, la décision qui révèle le mieux à quel point l’organisation a changé ne fait pas partie de cette liste. Il s’agit plutôt de l’acquisition de Sean Monahan et d’un choix conditionnel de premier tour des Flames de Calgary en retour de compensations ultérieures.

Non, je ne blague pas !

Cet échange en dit long sur l’exercice de la gestion : souci du détail, caractère imaginatif de la démarche et, surtout, certitude que Jeff Gorton et Kent Hughes ont retourné chaque pierre dans leurs discussions avec les Flames.

Ma pièce à conviction est simple : les conditions rattachées à l’obtention de ce choix de premier tour. Elles sont si exhaustives qu’il faut plus de deux pages pour les énumérer. Cela démontre la capacité de Gorton et de Hughes à manier des enjeux complexes et d’en faire profiter l’organisation.

Les deux hommes commettront inévitablement des erreurs au fil des prochains mois. Diriger une équipe est un parcours rempli de pièges. Mais on sait maintenant que chacun de leurs gestes sera réfléchi à fond.

Un vent nouveau souffle sur le Canadien. C’est aussi vrai sur le plan de la communication. Hughes s’exprime clairement et n’utilise pas la langue de bois (du moins, pour l’instant !). Il semble avoir compris une grande vérité : les partisans de l’équipe sont des passionnés et veulent que la direction le reconnaisse en les tenant raisonnablement au courant de leurs réflexions.

Bien sûr, personne ne s’attend à ce que Hughes dévoile des informations confidentielles.

En revanche, cela ne signifie pas que tout, absolument tout, doit se transformer en secret d’État comme c’était le cas sous l’ancien régime. On peut entrouvrir la fenêtre, une forme de respect envers les fans.

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Alors oui, le Canadien a changé. Mais en partie seulement. Gorton et Hughes sont demeurés fidèles au grand principe établi par Geoff Molson, Marc Bergevin et Trevor Timmins au fil des années : bouder les joueurs du Québec au repêchage. Ce mépris fait maintenant partie de l’ADN de l’organisation.

Le principe « À talent égal, on repêche un Québécois » a été relégué aux oubliettes. D’ailleurs, Molson, Gorton et Hughes devraient avoir le cran de l’admettre publiquement.

Pour le CH, et les dernières années l’ont clairement démontré, un joueur québécois ne possède presque jamais un talent égal à celui ayant grandi ailleurs, même en troisième, quatrième ou cinquième ronde, lorsque l’évaluation du talent est une affaire dotée d’un très faible niveau de certitude.

Ce qui s’est produit au repêchage de juillet dernier, où le Canadien détenait un nombre impressionnant de choix, démontre à quel point le trio Molson-Gorton-Hughes se moque de cet aspect des choses.

Un seul joueur de la Ligue de hockey junior majeur du Québec a été sélectionné par le CH et ce fut au septième et dernier tour. La direction nous a offert sa justification bidon habituelle. Martin Lapointe, directeur du personnel des joueurs rescapé de l’ère Bergevin, a déclaré que le CH avait « essayé de s’avancer ».

Bien sûr, Martin. Un chausson, avec ça ?

À tout le moins, on peut féliciter Lapointe : il a bien intégré la politique de l’organisation et recevra sûrement les plus chaudes félicitations de ses patrons.

Le nouveau capitaine du CH Nick Suzuki ne parle pas français. Est-ce grave ? Non. Ce dossier est réglé depuis 1995, lorsque Mike Keane, après avoir hérité du « C », a candidement expliqué ne pas avoir à apprendre la langue officielle du Québec.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Nick Suzuki

Depuis, des joueurs comme Brian Gionta, Max Pacioretty et Shea Weber sont devenus capitaines sans consacrer d’efforts à l’apprentissage du français. Tant mieux si Suzuki montre plus de sensibilité à ce sujet, comme il semble en avoir l’intention.

L’important, à mon avis, c’était que les gens occupant un poste au sein de la haute direction hockey (VP, DG, entraîneur-chef) puissent s’exprimer en français.

Cela a longtemps été vrai chez le CH, mais Molson a mis fin à cette pratique en confiant l’équipe à Gorton, qui a fait comprendre dès sa nomination qu’apprendre la langue nationale du Québec n’était pas une priorité pour lui.

Dans la LNH, trouver un emploi au sein du personnel hockey est une affaire de contacts. Moins il y aura de francophones occupant des postes importants, moins il y en aura d’embauchés au cours des prochaines années. On peut ne pas trouver ça grave. Mon avis est différent.

Cela dit, Hughes semble exercer un véritable pouvoir décisionnel. Il communique avec les fans dans un excellent français et peut aussi connaître leurs préoccupations en lisant les journaux ou en écoutant la radio et la télé. Qu’un dirigeant du CH connaisse le français n’est pas seulement important pour parler, mais aussi pour écouter et prendre le pouls de son milieu.

Pour la première fois depuis longtemps, le camp d’entraînement du CH s’amorce sur une note résolument optimiste. La navigation à vue semble terminée.

Les fans ont compris que le CH ne deviendra pas une équipe gagnante du jour au lendemain. Ils seront patients si les joueurs travaillent avec acharnement malgré les difficultés. Il y aura à l’évidence des moments pénibles, mais l’espoir sera au rendez-vous. C’est déjà ça de pris.