Après avoir dit que les membres du conseil d’administration et de la haute direction de Hockey Canada devraient démissionner en bloc pour cause de manque de jugement et de déconnexion sévère avec la réalité, une question surgit : à partir de là, que fait-on ?

Mon avis : il faut « refonder » l’organisme, le reconstruire à zéro sur des bases solides, saines et modernes.

Première étape : la ministre des Sports, Pascale St-Onge, dont le leadership dans cette affaire est remarquable depuis le début, devrait convoquer des états généraux sur l’avenir de cette fédération.

Pour une novice en politique — elle a été élue pour la première fois en septembre dernier dans Brome-Missisquoi —, la ministre agit avec une fermeté remarquable depuis le début de la crise. Dire ses quatre vérités au « boys’ club » de Hockey Canada, longtemps la plus prestigieuse fédération sportive au pays, est signe d’un leadership fort. Voilà une politicienne qui livre le fond de sa pensée et agit en conséquence.

Les états généraux dont je rêve réuniraient des gens de partout au Canada. Leur mission : dresser l’état des lieux et établir un nouveau plan d’action. Un peu à l’exemple du comité sur l’avenir du hockey québécois, mis sur pied par le gouvernement Legault, et qui a produit un rapport intéressant.

Ce document — dévoilé au printemps dernier — aura-t-il des suites véritables ? Là-dessus, les paris sont ouverts. En revanche, les travaux sur l’avenir de Hockey Canada devraient obligatoirement déboucher sur l’application de mesures concrètes puisqu’il est urgent de relancer l’organisme.

Qui participerait à ces états généraux ? Je propose quelques noms, une liste qui n’est pas exhaustive.

Au premier rang, Hayley Wickenheiser. Quadruple médaillée d’or aux Jeux olympiques, elle a accompli mille exploits sur la patinoire.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Hayley Wickenheiser aux Jeux olympiques de Vancouver, en 2010

Aux Jeux olympiques de Sotchi en 2014, Wickenheiser a été élue membre de la Commission des athlètes du Comité international olympique (CIO) pour un mandat de huit ans. Sa « plateforme électorale », dévoilée dans une déclaration soumise à tous les athlètes présents à ces Jeux, allait à l’essentiel.

« Je veillerai à ce que vos efforts, votre sueur, vos larmes et vos sacrifices ne soient pas dominés par les gros enjeux du sport, avait-elle écrit. Les Jeux olympiques, c’est VOUS, les athlètes. Sans votre détermination et votre engagement, le mouvement olympique n’existerait tout simplement pas. »

Wickenheiser a rempli son engagement. En mars 2020, à l’approche des Jeux de Tokyo, elle a tiré la sonnette d’alarme à propos de leur tenue en pleine pandémie de COVID-19. À l’époque, le CIO militait fort pour minimiser les risques.

« Je crois que la position du CIO, énoncée avec insistance, est insensible et irresponsable compte tenu de la situation mondiale », a-t-elle alors affirmé, ajoutant : « On ignore ce qui se produira dans 24 heures, et encore plus dans les trois prochains mois. »

Cinq jours plus tard, le Canada a annoncé qu’il ne participerait pas à ces Jeux, une décision qui a provoqué un effet domino. Les Jeux ont finalement été reportés d’une année.

En plus de s’engager dans le mouvement olympique, et d’oser mettre en cause les orientations de ses principaux dirigeants, Wickenheiser a poursuivi ses études en médecine.

Elle a aussi été embauchée par les Maple Leafs de Toronto, où elle est aujourd’hui adjointe au directeur général Kyle Dubas.

Dans une entrevue au Toronto Star plus tôt cet été, Kyle Dubas a dit, à propos de Wickenheiser : « Je ne crois pas qu’on peut la ralentir. Elle est capable d’en prendre plus sur ses épaules que quiconque. »

Une autre ministre des Sports, celle du Québec, aurait sûrement une contribution importante à apporter. Cheffe de mission de l’équipe canadienne aux Jeux olympiques de 2018 à PyeongChang, Isabelle Charest connaît à fond la politique sportive et le fonctionnement de nos institutions. Elle a aussi jugé très sévèrement les actions de Hockey Canada au cours des derniers mois.

La présidente du Comité olympique canadien (COC), Tricia Smith, serait une autre candidate de choix. Elle a en quelque sorte « refondé » le COC après le départ de son précédent président, Marcel Aubut. Sa vaste expérience à tous les niveaux du sport contribuerait à faire de Hockey Canada une organisation renouvelée.

Dominick Gauthier, cofondateur de B2Dix, un organisme voué à l’encadrement des sportifs d’élite, est de tous les combats pour la défense des droits des athlètes. Il dénonce les abus des fédérations avec des arguments précis. Il connaît les atouts sur lesquels une fédération efficace et respectueuse de toutes les parties prenantes doit compter.

Danielle Sauvageau, qui est au cœur du développement du hockey féminin au Canada depuis plusieurs années, enrichirait aussi la réflexion. Tout comme Jocelyn Thibault, DG de Hockey Québec. Père de trois jeunes femmes qui jouent au hockey, il confiait récemment à mon collègue Simon-Olivier Lorange la nécessité de changer la « culture » du hockey.

Je mentionne ces six noms, mais il est évident que partout au Canada, des femmes et des hommes avec un bagage crédible apporteraient des idées fortes.

De tels états généraux verront-ils le jour ? J’en doute, même s’il est clair qu’une large réflexion s’impose sur l’avenir de Hockey Canada.

J’estime déplorable qu’à l’heure actuelle, la seule initiative mise sur pied pour revoir son fonctionnement ait été lancée par son conseil d’administration, un groupe entièrement discrédité.

L’ancien juge de la Cour suprême Thomas Cromwell, épaulé par deux avocates, a le mandat de conduire la réflexion. Il a été choisi par des gens dont le premier objectif est de sauver leur peau. Dommage pour lui, mais cela lui fait perdre en grande partie son autorité morale.

Il est trop tard pour rénover Hockey Canada.

Il faut plutôt « refonder » Hockey Canada.