C’t’une vraie honte.

C’est ce que j’ai pensé spontanément en découvrant le logo de la Banque Royale sur le chandail du Canadien de Montréal. Je censure le mot d’église qui figurait dans la pensée originale.

Rien contre la Banque Royale. Juste le principe, celui d’apposer une publicité sur le chandail du Canadien de Montréal. Je suis contre ça.

C’est un des chandails les plus connus du sport professionnel nord-américain, un des plus connus de la LNH. Le chandail du CH est le symbole de quelque chose qui est plus grand que le sport, au Québec et au Canada.

Le Canadien, comme le FC Barcelone, est dans le club sélect des équipes-nations. Més que un club, comme on dit en catalan à propos du Barça : plus qu’un club.

Évidemment qu’en Europe, les grands clubs de foot ont tous le logo d’un commanditaire qui défigure leurs maillots. Mais je dis : ce n’est pas une raison pour singer dans la LNH cette culture européenne du tout-au-logo sur tout, y compris le maillot du club. Ça a l’air fou quand même, le logo d’une ligne aérienne sur le maillot du FC Barcelone, de Manchester United ou du Paris Saint-Germain. Sacrilège.

On va s’habituer, remarquez. C’est frappant quand on voit des images d’archives du CH des années 1970 : pas de pubs sur les bandes, pas de pubs sur la glace. Elles se sont immiscées petit à petit, et l’œil s’est habitué, l’esprit, aussi.

L’esprit, surtout… 

Je sais bien que les gouverneurs des équipes de la LNH ont adopté cette règle qui permet d’apposer le logo d’un commanditaire sur les chandails des équipes. Je sais que le CH fait partie de la LNH. Mais les Oilers d’Edmonton ont déjà annoncé que même s’ils en ont le droit, ils ne vont pas s’en prévaloir⁠1. Pas de pub – pour l’instant – sur le maillot légendaire des Gretzky, Kurri, Messier, Anderson…

Le CH, lui, a décidé que le logo d’un établissement bancaire va orner le maillot encore plus légendaire des Richard, Lafleur, Béliveau, Roy, Harvey et Dryden.

J’aurais aimé que le Canadien de Montréal, l’un des clubs les plus primés du sport, un club dont le chandail a vaillamment résisté aux effets de mode et qui est, ne l’oublions pas, l’un des clubs les plus riches de la LNH⁠2, se permette une coquetterie d’un autre temps : renoncer à une poignée de dollars pour préserver le caractère sacré de son légendaire chandail bleu-blanc-rouge… 

Sauf que non : ce qui est bon pour Edmonton, un marché plus modeste que celui de Montréal, ne l’est pas pour le Canadien, qui a décidé d’aller chercher une poignée de dollars de plus en défigurant le célèbre chandail du club… 

On dira désormais, dixit je ne sais plus qui sur Twitter : le bleu-blanc-rouge et jaune.

Des pubs sur les bandes. Des pubs sur le casque. Des pubs sur la glace. Des pubs pendant les pauses, dans l’aréna.

Il n’est pas loin le moment où Nick Suzuki va se présenter au micro du Centre Bell pour dire lui-même que le but qu’il vient de compter est une présentation de Votre Quincaillerie Préférée.

Ce chandail du CH, magnifique de simplicité, reconnu entre tous, méritait d’être sacralisé, de devenir une zone de non-pub. Ç’aurait été une prise de position symbolique, une déclaration d’autorité : notre club occupe une place tellement spéciale dans le firmament du hockey, aux confins du sport et de la culture, que nous renonçons à vendre de l’espace publicitaire sur notre glorieux chandail… 

Mais le CH a choisi d’empocher, encore. Ka-ching, ka-ching !

Les autres clubs vont vendre de l’espace publicitaire sur leurs maillots. Le CH fait comme les autres clubs. Justement, à tous les égards, le Canadien est de plus en plus « comme les autres » clubs, d’ailleurs ; de moins en moins « plus » qu’un club.

1. Lisez « Edmonton Oilers have no imminent plans to add jersey sponsor » 2. Découvrez la valeur du Canadien selon Forbes (en anglais)