Dans leur plus récente « déclaration » publiée mercredi après-midi, les dirigeants de Hockey Canada écrivent : « Nous vous avons entendus, et nous sommes déterminés à opérer les changements nécessaires pour nous permettre d’être une organisation à la hauteur de vos attentes et de restaurer votre confiance en nous. »

Cet engagement, je l’applaudis. Mais je dis aussi ceci : pour atteindre cet objectif, vous n’avez qu’un seul choix : démissionnez.

Oui, démissionnez tous !

Démissionnez, membres de la haute direction, qui avez multiplié les erreurs de jugement et pour qui les enjeux de bonne gouvernance semblent encore plus complexes que la physique nucléaire.

Démissionnez, parce que vous avez démontré votre incompétence, perdus dans un univers parallèle déconnecté de la réalité.

Depuis que le scandale a éclaté, vous avez été incapables de reconnaître vos torts ou de prendre des engagements significatifs sans qu’un facteur externe vous y oblige.

Il a d’abord fallu que des commanditaires vous abandonnent pour que vous réalisiez le sérieux de la situation. Sans cette pression financière, vous auriez sans doute continué de marcher en sifflant le nez au vent, les mains au fond de vos poches et une veste de Hockey Canada sur le dos, fiers de votre job et de votre standing dans notre écosystème sportif.

Sans la décision de la ministre des Sports, Pascale St-Onge, de suspendre votre financement, vous n’auriez pas entièrement mesuré la gravité de la situation.

Car si vous l’aviez fait, vous auriez dès lors fait preuve de transparence. Et vous auriez vous-mêmes dévoilé que des sommes récoltées à même les cotisations de vos membres servaient à garnir un fonds obscur, bien utile pour régler à l’abri des regards indiscrets des cas d’agressions sexuelles présumées, pour lesquelles vous n’étiez pas assurés.

Il a plutôt fallu que des journalistes de La Presse Canadienne fouillent dans des documents de cour pour que la nouvelle sorte au grand jour en début de semaine. Et une enquête choc du Globe and Mail de Toronto, détaillant avec beaucoup de précisions le fonctionnement de cette caisse, pour que vous commenciez à saisir l’urgence de la situation.

Mais ce n’était pas encore assez pour passer à l’action sur-le-champ.

Non, il a fallu que Justin Trudeau s’en mêle. Je ne me souviens pas qu’un premier ministre du Canada ait tenu des propos aussi durs, et aussi vrais, à propos d’une fédération sportive.

« Je pense qu’énormément de personnes ont perdu confiance dans cette organisation, a-t-il dit mardi. […] Je suis vraiment, vraiment perturbé par la culture qui apparemment s’est immiscée dans les plus hauts niveaux de cette organisation. »

PHOTO DARRYL DYCK, LA PRESSE CANADIENNE

Justin Trudeau, premier ministre du Canada

Relisez ces mots, dirigeants de Hockey Canada. C’est de vous que le premier ministre parle. De vous et de la culture toxique que vous avez instaurée.

Je sais, dirigeants de Hockey Canada, vous n’êtes pas habitués à être traités ainsi. Votre fédération est puissante et a joui, jusqu’à tout récemment, d’un immense prestige. Le hockey canadien a ses défauts, mais il demeure un exemple inspirant pour plusieurs pays voulant briller dans ce sport.

Sauf que cette fois, c’est terminé. Au Canada, plus personne ou presque ne vous admire. Et ce n’est pas la publication de « déclarations » hebdomadaires, sordide mélange de mea-culpa mollassons et de demi-promesses de vous améliorer, qui y changeront quelque chose.

Il est trop tard pour ça.

Le truc du communiqué plein de contrition, vous l’avez déjà utilisé une fois, le 14 juillet dernier, dans votre « Lettre ouverte à la population canadienne », dans laquelle vous avez annoncé la réouverture de l’enquête concernant les allégations d’agression sexuelle impliquant des joueurs d’Équipe Canada junior 2018.

« Nous vous avons entendus, et nous sommes déterminés à opérer les changements nécessaires pour nous permettre d’être une organisation à la hauteur de vos attentes et de restaurer votre confiance en nous », avez-vous alors écrit.

Moins d’une semaine plus tard, cette autre révélation – l’existence de ce fonds obscur – vous oblige à adopter, sous la pression populaire et politique, une nouvelle mesure : garantir que les sommes réunies dans ce fonds ne seront plus utilisées pour le règlement de « réclamations liées à une agression sexuelle ».

Comment concluez-vous ce communiqué ? Avec exactement les mêmes mots que ceux du 14 juillet. Les mêmes, pas une virgule n’a changé.

Or, si vous aviez été sérieux il y a une semaine, si vous aviez fait preuve de transparence dès ce moment, si vous aviez vraiment voulu dès ce jour-là amorcer un changement en profondeur de la culture de votre organisation, vous auriez avoué la vérité à propos de ce fonds. Vous n’auriez pas attendu une semaine plus tard après avoir été mis au pied du mur par un excellent travail journalistique et la pression du premier ministre.

Voilà pourquoi on ne peut plus croire vos engagements. On se demande plutôt si vous nous cachez autre chose. La confiance est à zéro.

Si, comme vous le dites, vous avez vraiment à cœur la réputation et la bonne marche de votre fédération, je vous le redis, dirigeants de Hockey Canada : démissionnez, tous. Et laissez à d’autres le soin de rebâtir l’édifice.