C’est une opération de sabotage spectaculaire. La plus mémorable depuis que Denis Coderre a détruit au marteau-piqueur une dalle de béton de Postes Canada, dans un parc de Pierrefonds.

Ces derniers jours, les Blackhawks de Chicago ont échangé Alex DeBrincat (41 buts) et Kirby Dach (9 buts), laissé partir Dylan Strome (22 buts) et Dominik Kubalik (15 buts), et racheté le contrat d’Henrik Borgström (4 buts). Combien de buts viennent de quitter l’organisation ?

Attendez, je compte sur mes doigts…

91. Sur 213. C’est énorme. Et la fuite n’est pas colmatée. Les défenseurs Calvin De Haan et Erik Gustafsson obtiendront leur autonomie complète mercredi.

Qu’ont obtenu les Blackhawks en retour de tous ces joueurs ?

Cinq choix au repêchage. Donc des gars qui commenceront peut-être à marquer des buts dans trois, quatre, cinq ans. D’ici là, on se demande franchement qui jouera en attaque pour les Blackhawks. Patrick Kane et Jonathan Toews deviendront joueurs autonomes sans compensation l’été prochain. Aucun attaquant n’a encore de contrat au-delà de l’été 2024. La situation est aussi navrante chez les défenseurs et les gardiens. Voici un aperçu de l’alignement, avant l’ouverture du marché des joueurs autonomes. Entre parenthèses, ce sont les buts comptés la saison dernière.

Lukas Reichel (0) – Jonathan Toews (12) – Patrick Kane (26)
Mike Hardman (0) – Philipp Kurashev (6) – Tyler Johnson (3)
Boris Katchouk (1) – Sam Lafferty (5) – Taylor Raddish (6)
Quelqu’un (0) – Reese Johnson (1) – MacKenzie Entwistle (5)

Alex Vlasic (1) – Seth Jones (5)
Jake McCabe (4) – Connor Murphy (4)
Riley Stillman (2) – Caleb Jones (5)

Petr Mrazek (0)
Un masochiste

Non, ce n’est pas un club bâti pour gagner 40 matchs. Ni 30. Ni 20. Ni une formation attrayante pour les meilleurs joueurs autonomes. Ce club, s’il reste semblable d’ici la fin de la semaine, est bâti pour terminer au dernier rang de la Ligue nationale de hockey pendant plusieurs années, ce qui lui permettra d’augmenter ses chances de repêcher les meilleurs espoirs.

Je ressens d’ici l’inquiétude de certains partisans du Canadien. Une équipe pire que la nôtre ? Oh non, oh non. Ce n’est pas bon pour nos chances de repêcher Connor Bedard, l’été prochain. Faut être pires que les Blackhawks.

Désolé, ça n’arrivera pas. Et puisque nous sommes dans le sujet, j’en ai plein mon casque de ces prétendus « partisans » du Tricolore qui militent haut et fort pour la déchéance de leur club préféré. C’est une plaie. Le comble du comportement antisportif. Aucun fan ne devrait souhaiter la défaite de son club. Dans aucune circonstance. Si c’est le cas, c’est que le système est brisé et qu’il mérite d’être révisé.

Bien sûr, j’ai lu The Cubs Way. J’ai lu Built to Lose. J’ai lu Tanking to the Top. Je comprends très bien la stratégie du tanking, qui consiste à se laisser tomber au classement, pour repêcher à de meilleurs rangs. J’ai vu les Penguins de Pittsburgh, les Capitals de Washington et les Blackhawks gagner la loterie du repêchage, puis la Coupe Stanley. J’ai aussi vu les Astros de Houston repêcher quatre ans de suite parmi les deux premiers, puis remporter la Série mondiale.

Sauf que cette stratégie vieillit mal. Les reconstructions sont de plus en plus longues. Dans la Ligue nationale de hockey, elles durent en moyenne six ans. Dans le baseball majeur, c’est encore plus long.

Pourquoi ?

Parce que trop d’équipes ont plongé trop profond – en même temps. Tellement que même avec un alignement minable, c’est de plus en plus difficile de se démarquer parmi les pourris, pour s’assurer un des trois premiers choix au repêchage.

Faisons un exercice ensemble. Vérifions la parité dans la LNH – dans le bas du classement général. Depuis trois ans, quels clubs ont terminé parmi les 10 pires ? Et combien de fois ?

Parmi les 10 pires, depuis 3 ans

  • Ducks d’Anaheim, trois fois
  • Coyotes de l’Arizona, trois fois
  • Sabres de Buffalo, trois fois
  • Red Wings de Detroit, trois fois
  • Devils du New Jersey, trois fois
  • Sénateurs d’Ottawa, trois fois
  • Blackhawks de Chicago, deux fois
  • Kings de Los Angeles, deux fois
  • Canadien de Montréal, deux fois
  • Sharks de San Jose, deux fois
  • Blue Jackets de Columbus, une fois
  • Flyers de Philadelphie, une fois
  • Kraken de Seattle, une fois
  • Canucks de Vancouver, une fois

Pas beaucoup de diversité, n’est-ce pas ? À l’exception des Kings, tous les clubs présents deux ou trois fois, dans cette liste, sont au cœur d’une longue reconstruction. Celle des Sharks durera toute la décennie. Celle des Sabres n’en finit plus de finir. Les Devils, qui ont repêché DEUX centres au premier rang, en ont marre de reconstruire. Les Sénateurs, aussi. Ces deux clubs veulent se renforcer maintenant. Sauf qu’ils partent de tellement loin que leurs chances de rattraper le peloton de tête sont incertaines.

Cette division de la ligue en deux groupes – les gagnants et les perdants – n’est pas unique au hockey. C’est aussi le cas au baseball, où la faille est encore plus profonde. Nous sommes rendus à la mi-saison. Dix-huit des trente clubs présentent déjà un retard de dix victoires sur les meneurs de leur division. Imaginez le nombre de parties sans enjeu d’ici la fin de la saison…

L’indifférence, c’est aussi ce qui guette les Blackhawks. Pas seulement dans les prochains mois, mais dans les prochaines années. Souhaitons aux partisans du club une reconstruction rapide, de cinq ans. Malheureusement, l’histoire récente nous indique que ça risque plutôt de se prolonger, comme pour les Sabres, les Sénateurs ou les Devils.