Partisans du Canadien, j’ai une excellente nouvelle – et une mise en garde.

L’excellente nouvelle ? Pour la première fois en 42 ans, le Tricolore possède le tout premier choix du repêchage de la LNH. C’est énorme. Ça lui permettra de sélectionner son jeune surdoué préféré, sans craindre les sélections des autres équipes. Ça lui assure aussi d’acquérir un joueur d’élite au salaire minimum. Dans le contexte actuel, où le Canadien est premier pour les dépenses et dernier au classement général, c’est l’équivalent au Monopoly de passer par-dessus les hôtels de ses adversaires, de s’arrêter sur la case de stationnement et de récolter le magot accumulé au milieu du jeu depuis cinq tours.

Repêcher au premier rang, plutôt qu’au deuxième ou au troisième, c’est un immense avantage. Des chercheurs l’ont quantifié. L’écart de valeur entre les deux premiers rangs se situe autour de 10 %. Entre le premier et le troisième ? Autour de 15-20 %. C’est considérable.

Lisez la chronique « Combien vaut le premier choix ? »

Tout laisse croire qu’avec le premier choix, le Canadien sélectionnera un joueur de centre. C’est la position en attaque que la nouvelle équipe de direction juge la plus importante, a expliqué le directeur général Kent Hughes dans son bilan de fin de saison. Ça tombe bien, les deux meilleurs espoirs du repêchage sont justement deux centres : le Canadien Shane Wright, qui joue près d’ici, à Kingston, et l’Américain Logan Cooley, qui a joué avec le fils de Kent Hughes au sein du programme de développement des États-Unis.

Peu importe le candidat choisi, s’il joue au centre, sa progression vers la LNH sera rapide. Car contrairement à Alexis Lafrenière et à Kaapo Kakko, coincés derrière des joueurs de premier plan chez les Rangers de New York, Wright ou Cooley ne rencontrerait pas beaucoup d’opposition à Montréal. Ça ne leur prendrait pas trois saisons pour devancer Jake Evans, Christian Dvorak et Ryan Poehling dans la hiérarchie.

L’heureux élu sera-t-il avec le Canadien dès la saison prochaine ?

Probablement. Je sais, la nouvelle direction a promis de prendre son temps avec les espoirs de l’organisation. Mais quand une équipe acquiert un diamant brut avec le premier choix, elle aime rarement sous-traiter son polissage à une formation junior ou universitaire. Elle préfère le modeler elle-même. Kent Hughes a d’ailleurs souligné, mardi soir, que son « groupe d’entraîneurs s’investit dans l’enseignement ».

Et quel sera l’apport de ce nouveau junior ?

C’est ici qu’une mise en garde s’impose. Si vous regardez les séries, vous remarquerez que peu de jeunes joueurs se démarquent. C’était la même chose pendant la saison. Parmi les 50 meilleurs marqueurs, il n’y avait aucun joueur de moins de 22 ans.

Bon, d’accord, Jack Hughes se serait bien classé s’il n’avait pas été blessé. L’attaquant vedette des Devils du New Jersey a maintenu une moyenne de plus d’un point par match. Impressionnant pour un jeune de 20 ans. Mais on a vite oublié que son entrée dans la LNH a été cahoteuse. À 18 ans, Hughes avait été limité à seulement 21 points en 61 matchs. À sa saison de repêchage, Alexis Lafrenière avait réussi exactement le même nombre de points, en cinq matchs de moins.

Lors d’une entrevue en janvier dernier, le vice-président du Canadien, Jeff Gorton, m’avait fait remarquer que peu de joueurs repêchés parmi les 10 premiers connaissent des succès immédiats dans la LNH. « Au contraire, expliquait-il. Les jeunes qui réussissent le mieux, ce sont ceux qui arrivent dans la LNH quelques années après leur repêchage. Pensez à Cale Makar. À Adam Fox. À Kirill Kaprizov. Avant leur arrivée dans la LNH, ils ont eu du succès à l’Université du Massachusetts, à Harvard et en Russie.

« La ligue est de plus en plus forte. De plus en plus rapide. La période d’ajustement pour les espoirs est plus longue que jamais auparavant. Les jeunes ont du succès, mais plus autant entre 18 et 22 ans. Leur courbe d’apprentissage est devenue très abrupte. »

Le premier choix du Canadien, je vous rassure, sera un très bon joueur dans la LNH. Plus tôt que tard. Mais il serait étonnant qu’il soit dominant dès la saison prochaine. Et aussi talentueux soit-il, cet espoir ne pourra pas, à lui seul, porter la franchise sur ses épaules.

Considérez ceci : depuis 2010, aucune équipe ayant repêché au premier rang n’a gagné une série le printemps suivant. Encore plus remarquable, de toutes ces équipes, seulement deux ont gagné une série éliminatoire par la suite.

  • 2010 Edmonton (Taylor Hall) – A quitté l’équipe avant de gagner une série
  • 2011 Edmonton (Ryan Nugent-Hopkins) – Première série remportée en 2017
  • 2012 Edmonton (Nail Yakupov) – A quitté l’équipe avant de gagner une série
  • 2013 Colorado (Nathan MacKinnon) – Première série remportée en 2019
  • 2014 Floride (Aaron Ekblad) – Aucune série remportée depuis
  • 2015 Edmonton (Connor McDavid) – Première série remportée en 2017
  • 2016 Toronto (Auston Matthews) – Aucune série remportée depuis
  • 2017 New Jersey (Nico Hischier) – Aucune série remportée depuis
  • 2018 Buffalo (Rasmus Dahlin) – Aucune série remportée depuis
  • 2019 New Jersey (Jack Hughes) – Aucune série remportée depuis
  • 2020 Rangers (Alexis Lafrenière) – Aucune série remportée depuis
  • 2021 Buffalo (Owen Power) – Aucune série remportée depuis

Donc, oui, le Canadien mettra la main sur un jeune prodige. Et cet espoir deviendra probablement le meilleur espoir offensif de l’organisation depuis 40 ans. C’est franchement emballant. Mais ayons des attentes réalistes. L’histoire récente nous montre que le chemin de la reconstruction est long – même avec un premier choix.