Comme ça faisait du bien de retrouver toute la famille du Canadien sur le perron de l’église.

Il y avait d’anciens joueurs. Des nouveaux. Des capitaines. Des recrues. Des dirigeants du passé et du présent. Des centaines de partisans, dont plusieurs avaient préféré le chandail bleu-blanc-rouge au complet trois-pièces noir. Des cousins et cousines des autres équipes montréalaises. Il y avait aussi des politiciens. Beaucoup, beaucoup de politiciens. Aux premières loges, le premier ministre du Québec, celui du Canada et la mairesse de Montréal. Derrière eux, probablement autant d’élus que Guy Lafleur a compté de buts dans sa carrière.

Tous étaient venus pour faire leurs adieux à un proche.

Oui, un proche. Tous ne connaissaient pas intimement le Démon blond, mais il suffisait de le rencontrer une seule fois, dans sa vie, pour se sentir à un seul degré de séparation de lui.

La proximité de Guy Lafleur avec les gens, mille fois documentée depuis sa mort, fut au cœur des témoignages, mardi, lors de ses funérailles. Que ce soit à l’intérieur ou sur le parvis de la cathédrale Marie-Reine-du-Monde, plusieurs amis ont parlé de lui comme d’un grand frère accueillant, bienveillant et généreux.

Ce fut le cas de Patrick Roy. L’ancien gardien a livré un témoignage poignant, en racontant sa première rencontre avec Guy Lafleur, lors du camp d’entraînement du Canadien en 1984.

PHOTO PAUL CHIASSON, LA PRESSE CANADIENNE

Larry Robinson, Patrick Roy et Geoff Molson

« Quand j’ai franchi les portes du Forum et que j’ai pris le corridor pour me rendre au vestiaire pour ma toute première pratique avec le Canadien de Montréal, j’ai pris toute la mesure du héros qui se dressait devant moi. Une stature, de la prestance, du charisme. […] Intimidé, impressionné, je vivais un moment surréel. Avant de sortir, il m’a donné un coup sur les pads et m’a dit : hey, le kid, bienvenue chez le Canadien.

« C’est ça, Guy Lafleur. C’est du cœur, un profond respect et de la générosité sans borne. C’est le gars qui prend le temps, car il sait que pour toi, ces quelques mots vont faire toute la différence. C’est sa façon de dire que maintenant, on est dans la même équipe. Qu’il va être là pour toi, même s’il va te shooter dessus non-stop, pendant les prochaines minutes. »

L’ancien capitaine du Canadien Guy Carbonneau a lui aussi souligné la bienveillance de Guy Lafleur lors de son arrivée avec le grand club.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Guy Carbonneau

« Ce qui le rendait vraiment spécial, c’est comment il faisait sentir les gens autour de lui. Il les inspirait. Il les faisait sentir importants. Je fais partie de ceux et celles que Guy a inspirés. […]

« Quand je suis arrivé à mon premier camp d’entraînement avec le Canadien, j’ai dû me pincer. Dès les premières journées, on m’avait jumelé avec Steve Shutt et Guy Lafleur. De mémoire, je ne me souviens pas d’avoir touché à la rondelle une seule fois, de peur de les décevoir. Mais j’étais sur la glace, avec mon idole de jeunesse. Ce gars-là venait de gagner quatre Coupes Stanley de suite. Guy venait de gagner le Art-Ross, le Conn-Smythe, le Hart, en plus d’avoir été nommé sur l’équipe d’étoiles à plusieurs reprises. Malgré cela, il était là, et faisait tout en son pouvoir pour que je me sente à ma place. C’était ça, Guy Lafleur. Une superstar, mais aussi one of the boys. C’était l’une des personnes les plus généreuses et accessibles que j’ai rencontrées. »

Deux traits de personnalité sur lesquels la belle-sœur de Guy Lafleur, Francine Barré, a renchéri dans un discours particulièrement émouvant.

« Il n’y avait pas de barrière entre le public et lui. Je peux vous dire que pendant les 50 ans que nous avons fait partie de la même famille, il n’est jamais arrivé qu’on puisse manger au resto, ou aller dans quelconque endroit, sans que quelqu’un ne lui demande un autographe. C’est toujours avec la même gratitude envers les gens qui lui manifestaient leur affection qu’il signait, non sans adresser quelques mots à chaque personne rencontrée. On pouvait reconnaître l’être généreux qu’il a été. »

Patrick Roy a d’ailleurs fait un joli clin d’œil aux dizaines de milliers de photos et d’autographes de Guy Lafleur qui traînent dans les boîtes de souvenirs des Québécois en affirmant que « même nous, les anciens, on l’a, notre photo avec Guy Lafleur. On a encapsulé ce moment où il a pris le temps. [Ce moment] où il nous a écoutés, conseillés ou soutenus. Comme pour se rappeler, au final, que c’est l’équipe avant tout ».

Les obsèques ont pris fin avec la sortie du cercueil, drapé du logo du Canadien, et porté par ses fils et d’anciens coéquipiers. Un moment très poignant. Plus la procession avançait vers les grandes portes de la cathédrale, plus on sentait que toute une époque nous échappait. Déjà. Trop rapidement.

À l’extérieur, quelques personnes ont alors entonné affectueusement « Guy, Guy, Guy. » Un bel écho au chant des partisans, ainsi qu’aux paroles de la chanson L’essentiel, que Ginette Reno venait d’interpréter admirablement, quelques instants plus tôt.

« Un des plus beaux cadeaux que nous ait fait la vie

C’est quand notre prénom a l’air d’un mot gentil

Guy. »