Il y a un an presque jour pour jour, Joe Biden avait répondu « Oui, je le pense », lorsqu’un journaliste lui avait demandé si Vladimir Poutine était un « tueur ». À l’époque, l’affaire avait fait grand bruit, le Kremlin criant son indignation envers le président des États-Unis.

Aujourd’hui, on sait tous que le jugement de Biden était juste. Depuis une semaine, l’Ukraine en paie un prix horrible. Au mépris de toute considération humaine, le dictateur russe a ordonné une attaque militaire d’une puissance inouïe contre un pays libre, souverain et démocratique.

Les images en provenance de Kyiv donnent la nausée. Nous assistons à la destruction de villes entières et à la mort de centaines de civils innocents. Tout cela en raison de la folie d’un homme exécrable.

Cet assaut révoltant prendra-t-il bientôt fin ? Hélas, il risque plutôt d’augmenter en puissance. « Le pire est à venir », a tristement conclu, jeudi, un porte-parole du gouvernement français, rendant compte d’un entretien entre le président Emmanuel Macron et Poutine.

Cela signifie encore plus de larmes, encore plus de douleur, encore plus de morts. Cette agression sanguinaire se poursuivra.

Pour punir le gouvernement russe, des dizaines de pays, dont le nôtre, ont décrété des sanctions économiques d’une ampleur inégalée contre la Russie. Le mois dernier, alors que planait la menace d’une invasion russe, beaucoup d’experts doutaient qu’elles produisent un effet déterminant. Poutine pensait-il la même chose ? Si oui, ce fut une erreur.

L’économie russe est déjà touchée jusqu’aux racines par ces initiatives redoutables, qui laisseront des traces profondes et durables. L’attaque contre l’Ukraine se poursuit, mais la Russie commence à peine à en payer un prix immense. Sa situation économique se dégradera de manière sensible au cours des prochaines semaines.

Outre cet effondrement, la Russie est, avec raison, mise au ban des nations. Le monde du sport, où les annonces d’exclusion des équipes et des athlètes russes se sont succédé depuis le début de l’invasion, participe avec éclat à cet élan de solidarité avec les Ukrainiens.

Des gens diront que les athlètes n’ont pas à payer pour la folie de leurs dirigeants. En temps normal, j’adhérerais à ce principe. Mais la situation actuelle est hors de l’ordinaire. Elle nous plonge dans une réalité nouvelle, celle où les analyses traditionnelles des crises géopolitiques ne tiennent plus.

Deux fois depuis le début du conflit, le dictateur russe a évoqué l’arme nucléaire. Il a aussi annoncé que les pays qui s’opposeraient à son « opération » en Ukraine subiraient des « conséquences » qu’ils n’ont « encore jamais connues ».

Compte tenu de son assaut démentiel contre l’Ukraine, il est impossible de traiter cette menace comme une simple enflure verbale. Poutine a d’ailleurs augmenté le niveau d’alerte de sa « force de dissuasion ».

Voilà pourquoi il est si important de sanctionner la Russie. Le sport, puisqu’il contribue à augmenter le rayonnement de ce pays, devient un outil d’intervention incontournable. Jusqu’à nouvel ordre, les Russes n’ont plus leur place dans le sport mondial. Le Comité international paralympique a mis trop de temps à le comprendre. Après avoir permis aux athlètes russes et biélorusses de participer à ces Jeux, qui commencent aujourd’hui en Chine, l’organisation a enfin fait volte-face. La pression des autres pays ne lui a pas laissé le choix.

Les Russes contestent évidemment cette décision. Le ministre des Sports, cité par le site Inside the Games, a affirmé qu’il s’agissait d’une « violation flagrante » des droits des athlètes et d’une « manipulation de la Charte olympique et de la valeur des vies humaines pour l’atteinte d’objectifs politiques ». Le porte-parole du Kremlin a qualifié cette décision de « honte ». On lit ça et on croit rêver.

Tenez, j’aimerais savoir ce que les malheureux habitants de Kyiv, qui passent des journées cachées dans les installations du métro pour éviter les bombes, pensent de cette « violation flagrante » des intérêts des athlètes russes.

J’aimerais connaître leur réaction quand, entre deux explosions qui les font trembler d’angoisse, ils apprennent qu’un ministre russe se porte à la défense des athlètes de son pays et affirme, avec un cynisme éhonté, que le Comité paralympique manipule la « valeur des vies humaines pour l’atteinte d’objectifs politiques ».

J’aimerais les entendre quand ils apprennent que le Kremlin qualifie de « honte » la décision du Comité international paralympique.

La seule « honte » dans cette affaire, c’est l’intervention de Poutine en Ukraine.

Les propos des autorités russes sont indécents.

Des exceptions subsistent au boycottage du sport russe. Ainsi, le tennis ménage la chèvre et le chou : leurs athlètes sont exclus des compétitions internationales (Coupe Davis et Coupe Billie Jean King), mais peuvent participer à titre « neutre » aux autres tournois. Combien de temps encore cette position tiendra-t-elle ? Et combien de temps encore les joueurs russes de la LNH seront-ils les bienvenus en Amérique du Nord ?

La LNH ne s’opposera certainement pas à leur présence. Dans un communiqué diffusé plus tôt cette semaine, les dirigeants du circuit ont affirmé que ces joueurs ne représentaient pas leur pays, mais leur club respectif.

Dans une perspective canadienne, on peut aussi penser que, compte tenu de la popularité du hockey au pays, le gouvernement fédéral serait réticent à les expulser alors qu’il souhaite l’adhésion de tous les Canadiens aux sanctions imposées aux Russes.

Bien sûr, il serait extrêmement dommage que des joueurs russes paient pour les actions de leur président. Mais la réalité, c’est que tous leurs compatriotes sont déjà victimes des sanctions économiques.

Parmi ces gens, des milliers s’opposent à l’agression de leur gouvernement contre l’Ukraine. Malgré les arrestations brutales, la fermeture de médias plus « indépendants » et la possibilité de sévères peines de prison s’ils osent s’opposer à Poutine, ils ne se taisent pas.

Il est évidemment terrible que ces hommes, ces femmes et ces enfants courageux paient un prix si élevé. Hélas, les sanctions ne peuvent être ciblées au point d’en soustraire les opposants à Poutine. Aussi longtemps que le dictateur sera au pouvoir, c’est la Russie tout entière qui doit être sanctionnée pour ses crimes contre l’Ukraine et ses menaces envers la paix mondiale.

Dans ce contexte terrible, avec la situation internationale la plus inquiétante depuis la crise des missiles en 1962, l’heure n’est plus aux accommodements, même dans le sport. À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Il faut stopper Poutine en exerçant un maximum de pression sur son gouvernement et lui.