(Pékin) Les Jeux d’hiver (2871 athlètes ici) ne sont pas seulement plus petits que les Jeux d’été (11 091 athlètes à Tokyo), ils sont aussi beaucoup moins universels.

Ça va de soi, me direz-vous : c’est le climat qui veut ça. Jeux d’hiver, ça rime avec Norvège, Suisse Autriche, Garmisch. On n’est pas infiniment étonné d’apprendre que seuls six athlètes africains sont présents ici (un fondeur, cinq skieurs alpins). C’est tout de même peu pour un continent de 1,3 milliard d’habitants, dont de nombreux citoyens vivent dans des pays du Nord. Peut-être plus étonnant, par contre, l’Inde, qui compte autant d’habitants et quelques arpents de neige, n’aligne à Pékin qu’un seul représentant, le skieur Arif Khan.

Le climat n’explique pas tout, comme le montre depuis plusieurs Jeux l’équipe jamaïcaine de bobsleigh. Aux Jeux de PyeongChang, la Fédération internationale de bobsleigh et de skeleton avait établi un quota minimal de participants par continent. Le sprinter Akwasi Frimpong, qui avait émigré du Ghana aux Pays-Bas à 8 ans, n’a jamais pu se qualifier en athlétisme, après une carrière universitaire aux États-Unis. Il a échoué à se qualifier avec une équipe néerlandaise de bobsleigh. Mais en vertu de ce quota continental, il a eu son ticket pour le Championnat du monde de skeleton pour le Ghana, puis les JO de 2018. Il était le seul athlète masculin d’Afrique. Il a terminé dernier dans les deux cas. La fédération a jugé que son quota continental n’avait rien fait pour développer le sport sur un continent où il n’est pas pratiqué et l’a aboli.

L’athlète a dénoncé cette décision et dit à un site spécialisé cette semaine que tout se passe comme si « l’Afrique n’a pas sa place aux Jeux d’hiver ».

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Akwasi Frimpong a représenté le Ghana en skeleton, aux Jeux olympiques de 2018.

En conférence de presse mardi, un représentant du Comité international olympique (CIO) a dit qu’il n’avait pas à se prononcer sur la question de savoir s’il est « normal » que seuls six athlètes africains soient présents à Pékin.

Le CIO a mis sur pied une Commission de la solidarité olympique, qui verse des bourses à des athlètes pour leur donner accès à des entraîneurs et des installations sportives, financer des camps d’entraînement et participer à des compétitions. Le dernier bilan publié fait état de 2700 bourses, dont 404 pour des athlètes tentant de se qualifier pour Pékin 2022. Ça ne compense évidemment pas les inégalités économiques, et ça ne crée pas de culture sportive pour tous les sports là où ils seraient même praticables. Mais ça fait vivre quelques rêves olympiques.

Mais avant de reprocher au CIO de ne pas en faire assez pour emmener les athlètes africains vers les glaces et les pentes enneigées, les pays du Nord devraient se poser quelques questions.

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La délégation canadienne

À part la représentation nationale inégale, il est toujours frappant, plus frappant en fait, de voir le peu de diversité dans les délégations riches qui, elles, présentent un grand contingent d’athlètes, comme celles des États-Unis, du Canada, des pays européens, etc.

Selon une compilation faite par la collègue Erica Ayala, une journaliste de sport de New York qui travaille pour le média African Legacy Network, il y a en tout et partout aux Jeux d’hiver 30 athlètes noirs cette année. Je l’ai croisée au patinage de vitesse sur courte piste, où elle était venue interviewer la Montréalaise Alyson Charles. Charles, qui a grandi dans le quartier Saint-Michel, a expliqué à quel point le fait de voir la patineuse de vitesse Kalyna Roberge aux Jeux olympiques (deux fois médaillée) avait été important pour elle, lui avait permis de croire qu’elle avait sa place dans ce sport.

Peut-être que la médaille d’or de l’Américaine Erin Jackson, au 500 m longue piste, inspirera d’autres athlètes afro-américains pour les sports d’hiver, eux qui brillent aux Jeux d’été.

En attendant, dans la délégation canadienne, on cherche les joueurs de hockey, skieurs, patineurs afrodescendants. Cette absence spectaculaire est l’expression des inégalités économiques dans notre propre pays. L’accès au sport, c’est de plus en plus une question d’argent, et aux sports d’hiver en particulier. On ne manque pourtant ni d’installations, ni d’entraîneurs, ni de neige aux dernières nouvelles.