(Pékin) C’est à croire que le Canadien a ouvert une antenne de son Salon des Anciens à Pékin. Impossible de marcher cinq minutes, dans les coulisses du Stade omnisport national, sans croiser un ex du Tricolore. Ils sont d’ailleurs tellement nombreux qu’ils auraient pu former une équipe à ces Jeux.

Les anciens du Canadien à Pékin

  • Sven Andrighetto, Suisse
  • Mark Barberio, Canada
  • Jacob De La Rose, Suède
  • David Desharnais, Canada
  • Raphaël Diaz, Suisse
  • Morgan Ellis, Canada
  • Christian Folin, Suède
  • Michael Frolik, Tchéquie
  • Jakub Jerabek, Tchéquie
  • Joonas Nättinen, Finlande
  • Nikita Nesterov, pays « Voldemort »
  • Eric Staal, Canada
  • Jordan Weal, Canada
  • Yannick Weber, Suisse

Plus Alexei Kovalev, Jaroslav Spacek et Sergeï Gonchar, qui entraînent les Chinois, les Tchèques et les Russes. Plus Adam Cracknell, Max Friberg et Eddie Pasquale, qui ont joué pour le club-école. Plus les espoirs Sean Farrell et Frederik Dichow. Plus Daniel Carr, qui est… Qui est où, au fait ? Équipe Canada entretient le mystère. Jusqu’à maintenant, on a eu droit à un seul indice : il n’est pas encore arrivé en Chine. Je me demande bien pourquoi…

Ceux qui sont ici, eux, « tripent » fort. Très fort. Pensez-y : il y a un mois, Eric Staal était chez lui. Mark Barberio et Jordan Weal, à Kazan.

C’est où, Kazan ?

Au Tatarstan.

C’est où, le Tatarstan ?

Et bien, c’est ça. Aujourd’hui, ils ont une chance inespérée de défendre les couleurs du Canada aux Jeux olympiques. Lorsque j’ai croisé Barberio à l’aréna, dimanche, il se pinçait encore. À 31 ans, c’est la toute première fois de sa carrière qu’il est sélectionné au sein de l’équipe nationale.

PHOTO DAVID W CERNY, REUTERS

Mark Barberio

« Jamais, dans ma vie, je n’aurais pensé un jour représenter mon pays à ce niveau-là », m’a-t-il confié, émotif. « Gagner la Coupe Stanley, c’est l’objectif de tous les joueurs de hockey. Mais avoir la chance de gagner une médaille aux Jeux olympiques, c’est un rêve. J’ai trop hâte de commencer ! »

En attendant son premier match officiel, le 10 février, le défenseur québécois fait le plein d’images fortes. La cérémonie d’ouverture l’a particulièrement marqué. « Tu fais le demi-tour du stade en une minute et demie. Tu regardes partout. C’est là que tu réalises que tu es un olympien. C’était vraiment incroyable. Si j’avais une chance dans ma vie de peser sur pause, et de rester pris dans un moment, ce serait celui-là. »

David Desharnais, 35 ans, portera le A de l’assistant-capitaine sur son maillot. « Un honneur inattendu », laisse-t-il tomber, humblement. « En fait, je ne pensais même pas être sur l’équipe. C’est beaucoup d’émotions. Il faut être à la hauteur, mais il faut aussi s’amuser dans tout ça. »

PHOTO PAUL CHIASSON, LA PRESSE CANADIENNE

David Desharnais

Et du plaisir, il en a depuis son arrivée à Pékin. Lui aussi a été particulièrement impressionné par la cérémonie d’ouverture.

« Quand Marie-Philip [Poulin] et Charles [Hamelin] ont levé le drapeau, tout le monde criait. C’était un bel esprit d’équipe. Nous étions tous ensemble. C’était vraiment spécial. J’ai ensuite parlé avec un patineur artistique. Il me disait qu’il patinait les 12 et 14 février. J’ai réalisé qu’après ça, pour lui, c’était fini. Nous, on joue plusieurs matchs, mais pour les autres athlètes, souvent, c’est une seule prestation, puis merci, bonsoir. Chapeau à eux, parce que c’est toute une pression ! »

L’attaquant Jordan Weal est tout aussi reconnaissant d’avoir obtenu cette chance inespérée. L’automne dernier, sans contrat dans la LNH, il s’est résolu à poursuivre sa carrière à Kazan, dans la KHL. Six mois plus tard, il m’a confié vivre à ces Jeux les plus beaux moments de sa vie.

« C’est incroyable ce qui m’arrive. Juste la cérémonie d’ouverture, c’était surréel. Tu as des frissons dès que tu entres dans le stade. Être sur la piste, faire partie du spectacle avec les autres athlètes, c’est une expérience extraordinaire. Une des plus belles de ma vie. J’ai également hâte d’aller encourager les athlètes canadiens dans les autres disciplines.

– Qu’aimerais-tu voir ?

– Tout ! Je voudrais regarder n’importe quelle autre épreuve, et profiter des meilleurs moments de ma vie. »

Le capitaine Eric Staal, lui, en est à sa deuxième aventure olympique. Il était dans la formation canadienne qui a remporté la médaille d’or en prolongation aux Jeux de Vancouver, en 2010. À 37 ans, il ne s’attendait plus à retourner aux Jeux. D’autant que jusqu’à la mi-janvier, il ne jouait même plus au sein d’un club professionnel.

PHOTO PAUL CHIASSON, LA PRESSE CANADIENNE

Eric Staal

« Quelle aurait été ta réaction, il y a quatre mois, si on t’avait dit que tu serais la plus grande star du tournoi olympique à Pékin ? », lui a demandé un collègue slovaque.

« Ben là, on va voir si ce sera le cas lors du premier match [rires]. Je suis vraiment excité d’être ici. On vient de vivre deux années pour le moins uniques, alors quand on m’a offert cette occasion, j’ai sauté dessus. Il n’y a rien de mieux que de participer aux Jeux olympiques. Ce sont des souvenirs qui durent pour toute une vie. »

J’ai enchaîné en lui demandant ce qui différencie les Jeux des séries éliminatoires et du Championnat du monde, trois compétitions auxquelles il a participé.

« C’est la présence de tous les athlètes. Il n’est plus question que de hockey. Nous, les hockeyeurs, sommes passionnés par notre sport. Mais ici, nous sommes entourés d’autres athlètes qui sont tout aussi passionnés par leur discipline, et qui la pratiquent au plus haut niveau qui soit. Quand nous retournons au village des athlètes, nous sommes avec eux. Nous regardons le snowboard ou le curling ensemble, dans les espaces communs. C’est vraiment cool. C’est différent. C’est unique. Cette énergie, cet esprit de travail d’équipe, cette excitation, c’est inégalé. »

Entendons-nous : nous aurions tous préféré que les joueurs de la LNH soient ici. Même Eric Staal le pense. Je sais aussi que depuis le retrait de la LNH, il est de bon ton de se moquer du tournoi olympique. Et je le reconnais, l’affiche n’est pas particulièrement sexy. Sauf que les joueurs n’ont pas à être les cibles de persiflage et de goguenardise.

C’est, pour la plupart d’entre eux, une dernière chance de pouvoir briller. Comme un rayon vert, au coucher du soleil. Ces gars-là se sont pointés ici avec le sourire. Les yeux rêveurs. Le cœur léger. Ils sont fiers, heureux, et soyez assurés qu’ils vont tout donner pour quitter la Chine avec une médaille autour du cou.

Ce ne sont pas des railleries qu’ils méritent.

Ce sont nos encouragements.