Votre ado joue-t-il à la vache ? Au ballon-volant ? Au gouret au patinoir local ? Fait-il partie d’une batterie ? Sait-il même de quoi il est question dans ce paragraphe ?

Au cours du dernier siècle, notre vocabulaire sportif a évolué. Souvent pour le mieux – adieu, sportsmen et innings. Mais parfois aussi pour le pire, comme l’a déploré mon collègue Patrick Lagacé, l’été dernier, dans un papier sur la disparition du mot « rouli-roulant ». Sa chronique m’a inspiré une petite recherche.

Quelles autres expressions sportives ont disparu ?

Jouer à la vache

Non, ça ne décrit pas un geste salaud de Brad Marchand. Ça signifie plutôt patrouiller dans le champ extérieur au baseball. Comme dans cet article de La Presse, en 1990, sur le joueur de soccer Patrick Diotte, du Supra de Montréal : « Patrick avait 6 ans lorsque son père l’a inscrit au baseball. Après avoir vu son fils jouer à la vache et se tourner les pouces pendant quelques matchs, M. Diotte a décidé que son fils ne jouerait jamais pour les Expos. »

Pendant longtemps, expliquait le journaliste Pierre Beaulieu dans La Presse en 1971, les enfants québécois qui jouaient au baseball « se disputaient pour ne pas aller jouer à la vache ». Vous aurez compris que lorsque l’instructeur lançait un appel à tous pour aller jouer à la vache, ça n’avait jamais un succès bœuf.

Gouret

Après la Première Guerre mondiale, à l’initiative de l’abbé Étienne Blanchard, des membres du clergé et des journalistes ont entamé un grand mouvement de francisation du vocabulaire sportif. « Le sport était truffé d’anglicismes », raconte Benoit Melançon, professeur au département des littératures de langue française à l’Université de Montréal, et auteur d’un livre sur le vocabulaire du hockey. « L’abbé Blanchard voulait trouver des équivalents en français pour tous les mots. Pour un roulant au baseball, par exemple, il suggérait le mot “lapin”. »

Le lapin est mort-né. Mais un synonyme de hockey s’est imposé : le gouret. De 1930 à 1940, on le retrouve environ 400 fois par année dans les journaux québécois. Extrait d’un compte rendu d’un match entre les Americans de New York et les Red Wings de Detroit, dans La Presse : « Le jeu brutal des deux équipes a soulevé une vive excitation chez les fervents du gouret. »

Hmmm. Mouais. Pas très convaincant. En 1966, le mot apparaissait toujours dans les règlements officiels de l’Association de hockey amateur canadien. Cette fois, pour désigner le bâton du joueur. « Depuis 50 ans, il n’est plus employé par dérision », indique Benoit Melançon.

Consultez le blogue L’Oreille tendue de Benoit Melançon

Ballon-volant

Avez-vous joué au ballon-volant dans vos cours d’éduc ? Si la réponse est positive, vous avez fort probablement plus de 35 ans. Le mot, employé couramment dans les écoles et les médias entre 1960 et 1995, s’est effacé au profit de volleyball. Selon la base de données Eureka, il n’a été publié qu’une seule fois dans un journal québécois cette année. Le mot est devenu rarissime, et employé presque exclusivement par les services des loisirs dans leurs communiqués.

Inter

Quand je couvrais les Expos, au début des années 2000, Orlando Cabrera était un inter, et non un arrêt-court, traduction littérale de short-stop. Presque tous les médias avaient adopté « inter ». Après le départ de l’équipe montréalaise, en 2004, les occasions de parler de baseball furent réduites – et l’arrêt-court a repris le dessus sur l’inter. Selon Benoit Melançon, Rodger Brulotte (TVA Sports) est l’un des derniers à dire « inter ». « Quand j’entends “inter”, j’entends la voix de Rodger », dit-il spontanément.

Sportsman

Un mot archicommun avant 1950. Il ne désignait non pas un athlète, mais un amateur de sport plus fanatique que la moyenne. Quelque chose, aujourd’hui, comme un parieur sportif ou un Ultra. En 1908, La Presse racontait ainsi que « nombre de nos sportsmen se rendent chaque jour au Ouimetoscope pour assister à [un film] d’une partie [de crosse] jouée à Toronto, dernièrement, entre les Nationals et les Tecumsehs ». En 1915, une dépêche indiquait que « des centaines de sportsmen ont passé la nuit dehors pour avoir des billets » pour un combat de championnat du monde de boxe.

Le mot fut englouti par la vague de francisation. Mais lentement. Très lentement. Dans les années 1970, il a même refait surface, cette fois pour désigner un chasseur ou un pêcheur. Un Salon des sportsmen a même été présenté à Montréal, en 1991. Le mot est aujourd’hui disparu.

Mile métrique

Aux Jeux olympiques de Montréal, si vous aviez été inscrit au mile métrique, qu’auriez-vous fait exactement ? Réponse à la fin de la chronique.

Batterie

Le vocabulaire de la guerre a fortement inspiré celui du sport. « Surtout au football, note Benoit Melançon. Par exemple, le quart-arrière lance une bombe. La défense fait un blitz. On assiste à une guerre de tranchées. »

Une des expressions les plus populaires de la première moitié du XXsiècle fut la batterie, pour désigner un lanceur et un receveur qui travaillaient bien ensemble. Encore en 2006, La Presse soulignait qu’Éric Gagné et Russell Martin constituaient la première batterie québécoise des ligues majeures. Lors de la même occasion, le lanceur franco-ontarien Érik Bédard s’était réjoui de « cette première batterie » dans sa chronique dans Le Droit. Depuis 10 ans, la batterie est passée dans l’oubli. Sans tambour ni trompette.

Artilleur

Un autre terme de guerre. Encore fréquemment entendu comme synonyme d’un lanceur au baseball. Par contre, au hockey, il n’est plus employé. Dans les années 1950, on s’en servait pour désigner un franc-tireur. Comme dans cette citation de 1955 de Ray Getliffe, du Canadien, à propos des tire-pois des Maple Leafs de Toronto : « Ce club n’a pas un seul bon tireur. Quand on n’a pas de bons artilleurs, on reste sur la défensive. »

Demi

Lorsque le descripteur Olivier Brett (RDS, 91,9 Sports) jouait au soccer, enfant, il y avait des gardiens, des attaquants, des défenseurs et des... demis. « Je ne pense pas que dans les autres pays de la Francophonie, on disait “demis”. Aussi, la position a beaucoup évolué. Les joueurs se sont mis à se positionner en losange. “Demi”, ça ne faisait plus le travail. C’est devenu milieu de terrain, un autre mot fourre-tout. Aujourd’hui, on va dire milieu offensif, milieu défensif, un 7 ou un 8. »

Gérant général

L’ancienne appellation du directeur général d’une équipe sportive. « Dans les années 1950, rappelle Benoit Melançon, le gérant, c’était l’entraîneur-chef de l’équipe. Il fallait un terme pour désigner celui qui s’occupait des affaires courantes du club. “Gérant général” s’est imposé. » L’expression a presque totalement disparu. Seuls quelques anciens joueurs et entraîneurs de la Ligue nationale l’emploient occasionnellement lors d’entrevues à la radio ou à la télévision.

Un patinoir

Les Québécois ont longtemps dit un patinoir, et non une patinoire. Comme dans cet article de La Presse, en 1908 : « Les frères Patrick ont décidé de fournir le bois nécessaire à la construction d’un patinoir. » L’emploi du mot a décliné d’un coup sec, en 1925, sans explication. « L’abbé Blanchard utilisait le masculin et le féminin, explique Benoit Melançon. Il a finalement statué pour le mot féminin. Je préfère aussi patinoire, avec un e. L’ancienne version était bizarre. »

Hockeyiste

Une belle trouvaille de l’historien Jean-Patrice Martel, qui m’a suggéré quelques expressions pour cette chronique. « Ce terme était populaire il y a plus de 50 ans », indique-t-il. Le journal Le Droit le publiait fréquemment dans les années 1940 et 1950. La Presse l’employait à l’occasion, comme synonyme de « hockeyeur », comme dans ce texte de 1952 : « Les trois jeunes hockeyistes [Jean Béliveau, Bernard Geoffrion et Dickie Moore] ont chacun réussi un but contre “le Chicago”. »

Le Chicago

Le Chicago, le Toronto, le Detroit. Cette forme – désuète – permettait de raccourcir le nom complet d’une équipe. Pratique pour un titreur dans un journal. Ce qui est moins connu, c’est son emploi au pluriel, comme dans ce titre de La Presse en 1910 : « La première rencontre aura lieu entre les Canadiens et les Ottawas. »

Faire le détail

Une expression du début du XXsiècle, que mes confrères Ronald King et Jean Dion glissaient encore à l’occasion dans leurs chroniques jusqu’en 2015. « Faire le détail » signifiait se qualifier pour les séries éliminatoires. En 2014, Ronald King a lancé un appel à tous, dans La Presse, pour découvrir l’origine du terme. Un lecteur a trouvé la réponse, dans le Glossaire de la langue française au Canada français de 1930.

« Détailler : jeter de nouveau les dés quand on est but à but, quand on a amené le même nombre de points. Jouer de nouveau quand on est but à but, manche à manche. Étymologie : en anglais, faire un tie, c’est être manche à manche. Il faut alors briser le tie. Dé-tie-er. »

Le diable est dans les détails !

Réponse : Vous auriez couru ou nagé 1500 m. Une curiosité, considérant qu’un vrai mile terrestre équivaut plutôt à 1609 m. Merci à Jean-Patrice Martel pour la passe sur la palette.

Appel à tous

Vous connaissez d’autres expressions disparues de notre vocabulaire sportif ?

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