Le Canadien vient de rétrograder Cole Caufield au Rocket de Laval.

Une surprise ?

Pas pour moi. Le jeune attaquant en arrache. Il n’est d’ailleurs pas le seul. Presque tous les joueurs repêchés à partir du 10e rang, la même année que lui, peinent à s’établir dans la Ligue nationale, et poursuivent leur développement dans la Ligue américaine, en Europe ou à l’université. C’est juste normal.

Sauf à Montréal.

À la suite de l’annonce, un important contingent de partisans a manifesté son mécontentement sur toutes les tribunes. À les écouter, le Canadien vient de commettre une erreur impardonnable. Une gaffe immense. J’ai même lu que le Tricolore était en train de scrapper la carrière de son espoir. Rien de moins.

Si le chapeau vous fait, enlevez-le.

Asseyez-vous.

Croisez vos jambes.

Fermez les yeux.

Prenez une grande respiration.

Et récitez 10 fois : « Nos bras meurtris vous tendent le flambeau. À vous de le tenir bien haut. »

Ça va mieux ? Allez, on repart sur de nouvelles bases.

D’abord, je vous rassure, le Canadien n’est pas en train de scrapper Cole Caufield. Tout comme l’Avalanche du Colorado, les Penguins de Pittsburgh et les Flames de Calgary ne sont pas en train de détruire les carrières d’Alex Newhook, de Samuel Poulin et de Jakob Pelletier, trois autres attaquants sélectionnés au premier tour en 2019, qui évoluent tous dans la Ligue américaine.

Cole Caufield, 20 ans, vient de faire le saut du circuit universitaire. La différence de calibre entre la NCAA et la LNH est énorme. Une période d’adaptation peut être nécessaire.

Aussi, la direction du Tricolore n’est pas constamment sur le dos de son espoir, comme le croient bien des partisans. Au contraire. Le jeune ailier a bénéficié de conditions favorables en début de saison. Surtout en supériorité numérique.

Au total, Caufield a profité de 27 minutes de jeu en surnombre. C’est beaucoup. Plus que Jonathan Drouin. Plus que Brendan Gallagher. Plus que tous les autres attaquants de sa cohorte de repêchage. Résultat ?

Aucun but. Aucune mention d’aide. Aucun point.

Pendant toutes ces minutes, il a été sur la patinoire pour un seul but des siens. Et ça aussi, c’est très peu. Trop peu. En fait, c’est la pire performance parmi tous les attaquants de la LNH cette saison.

PERFORMANCE EN SUPÉRIORITÉ NUMÉRIQUE

(Nombre de buts marqués par l’équipe, par tranche de 60 minutes, lorsque le joueur est sur la patinoire)*
Cole Caufield, Canadien : 2,19
Josh Anderson, Canadien : 2,38
Brendan Gallagher, Canadien : 2,41
Robby Fabbri, Red Wings : 2,49
Nick Bonino, Sharks : 2,64
*Au moins 20 minutes jouées

À forces égales, l’entraîneur-chef Dominique Ducharme a tenté de protéger Caufield. Comment ? En l’envoyant surtout sur la patinoire pour des mises en jeu en zone offensive. C’est un gros avantage pour un attaquant : il commence sa présence à quelques mètres du but adverse, plutôt que du sien. Encore là, ce fut en vain. Caufield était invisible à cinq contre cinq.

Est-ce faute d’avoir mal été entouré ? Plusieurs le pensent. Pourtant, Caufield a passé beaucoup de temps aux côtés des deux meilleurs attaquants du club la saison dernière, Tyler Toffoli et Nick Suzuki.

PARTENAIRES DE TRIO DE COLE CAUFIELD*

Tyler Toffoli : 65 min 40 s
Mathieu Perreault : 43 min 4 s
Nick Suzuki : 38 min 16 s
Joel Armia : 17 min 22 s
Brendan Gallagher : 16 min 7 s
* À forces égales

Malgré ce jumelage avantageux, rien n’a fonctionné. Et quand j’écris « rien », c’est littéralement « rien ». Comme dans zilch. Nada. Zéro. Soit le nombre d’occasions de marquer à haut potentiel générées par la paire Caufield-Suzuki à forces égales cette saison, selon le site Natural Stat Trick.

Avec le Rocket, Caufield aura plus d’espace sur la patinoire. Il touchera plus souvent à la rondelle. Il s’habituera à un style de jeu plus physique que celui de la NCAA. Il retrouvera ses repères en supériorité numérique et, espérons-le, sa confiance.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Tyler Toffoli

***

Soyons honnêtes : Caufield était une cible facile. Une recrue en difficulté, qui n’a pas besoin d’être soumise au ballottage. D’autres joueurs du Canadien mériteraient aussi une rétrogradation. Sauf que leur statut au sein du club et leur situation contractuelle rendent tout renvoi improbable. Voire impossible.

Des noms ?

Vous en trouverez quelques-uns ci-dessous, dans la liste des explications des déboires du Tricolore cette saison. Pas besoin de chercher midi à 14 h : tout ce qui fonctionnait pendant les séries, l’été dernier, est maintenant déréglé.

L’INFÉRIORITÉ NUMÉRIQUE

L’été dernier : 92 %
Cet automne : 65 %

Il y a quatre mois, le Canadien battait des records d’efficacité en infériorité numérique. Aujourd’hui ? Phillip Danault est parti. Shea Weber, Joel Edmundson, Paul Byron et Carey Price sont tous absents. Et le Tricolore se dirige vers des records… d’inefficacité.

La relève n’est pas prête. Tout simplement. Alexander Romanov, 21 ans, deviendra peut-être un très bon défenseur dans la LNH. Sauf que ce jour n’est pas arrivé. Cette saison, il est le pire joueur en infériorité numérique. Pas juste du Canadien. De toute la ligue.

PERFORMANCE EN INFÉRIORITÉ NUMÉRIQUE

(Nombre de buts accordés par l’équipe, par tranche de 60 minutes, lorsque le joueur est sur la patinoire)*
Alexander Romanov, Canadien : 21,86
Adam Lowry, Jets : 20,92
Marcus Foligno, Wild : 20,55
Ilya Lyubushkin, Coyotes : 20,22
Jay Beagle, Coyotes : 19,80
*Au moins 15 minutes jouées

Alexander Romanov et David Savard sont les deux joueurs de la LNH ayant donné le plus de buts cette saison en infériorité numérique (9). Une solution de rechange ? Eh bien… il n’y en a pas vraiment. Les meilleurs espoirs de l’équipe, en défense, sont encore à l’université ou dans les rangs juniors. Le Canadien est condamné à attendre le retour au jeu d’Edmundson.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Alexander Romanov

LES MISES EN JEU

L’été dernier : 49,4 %
Cet automne : 43,8 %

Ni une force ni une faiblesse pendant les séries. Le Canadien était plutôt dans la moyenne, grâce au brio de Phillip Danault (54 %). Cet automne ? Le club est carrément le pire de la LNH dans les cercles de mises en jeu.

Nick Suzuki plafonne à 41 %. Cédric Paquette, à moins de 30 %. Adam Brooks ? À moins de 20 %. Difficile de produire quand on commence si rarement ses présences avec la rondelle. D’ailleurs, Suzuki, Paquette et Brooks n’ont aucun but cette saison. Au total, les centres du Canadien ont réussi seulement cinq buts cet automne. À lui seul, Pierre-Luc Dubois en a six…

JEFF PETRY

L’été dernier, en séries : 20 parties, 0-6-6
Cet automne : 10 parties, 0-1-1

Jeff Petry n’a compté aucun but à ses 35 derniers matchs. Un seul à ses 58 dernières parties. Il est aussi le joueur qui, dans toute la LNH, a perdu le plus souvent la rondelle cette saison. À sa décharge, on lui demande de jouer 24 minutes chaque soir, même s’il est visiblement ennuyé par une blessure. Pour le décharger, il faudrait que Sami Niku, Brett Kulak et Chris Wideman jouent 18, 19, 20 minutes par soir. Possible ? Oui. Probable ? J’en doute.

LES GARDIENS

Été : 92,4 % d’efficacité
Automne : 89,9 % d’efficacité

Je vous ai souvent parlé, pendant les séries, des « buts sauvés ». C’est quoi ? Une donnée obtenue à partir des probabilités de marquer, et qui tient compte du positionnement du tireur. Selon le site Money Puck, Carey Price a sauvé 12 buts pendant les séries éliminatoires. C’est une excellente performance, qui génère concrètement des victoires de plus. Cette saison ? C’est le contraire. Les gardiens du Canadien ont laissé passer trois buts de plus que le nombre anticipé.

***

Ça fait beaucoup, beaucoup, beaucoup de problèmes à régler. Tout cela, sans aucune marge de manœuvre sous le plafond salarial. Une situation explosive. Vous aurez d’ailleurs noté que les dirigeants du Canadien ont la mèche courte avec leurs joueurs ces derniers jours.

Avec raison.

Car si le club n’enchaîne pas les victoires très rapidement, les prochaines victimes du couperet ne seront pas les recrues.

Ce seront leurs patrons.