Perdre en finale d’une compétition, dans le sport de haut niveau, c’est rarement plaisant.

« Ce n’est pas quelque chose qu’on oublie facilement », avait confié la kayakiste Caroline Brunet, après sa deuxième place aux Jeux olympiques de Sydney. Elle avait qualifié sa médaille d’argent de « maudite médaille ».

Aux Jeux de Tokyo, le boxeur Ben Whittaker a refusé de mettre sa médaille d’argent autour de son cou. Même chose pour la hockeyeuse Jocelyne Larocque aux Jeux de PyeongChang. Sergeï Makarov, lui, n’a plus sa médaille d’argent des Jeux de 1980. « Je pense qu’elle est dans une poubelle à Lake Placid », a-t-il déjà expliqué.

Évidemment, tous les athlètes ne réagissent pas ainsi. Du moins, pas publiquement. Sauf que je vous assure qu’une défaite en finale, quand on croit réellement en ses chances de gagner, ça pince.

Non.

Plus fort que ça.

Ça mord. Très, très, très fort.

Et plus l’enjeu est grand, plus le deuil est important.

Après sa défaite en finale des Internationaux de tennis des États-Unis, samedi, Leylah Fernandez pleurait. Elle était franchement déçue. Un peu fâchée, même, que son adversaire Emma Raducanu ait profité d’un temps d’arrêt de trois minutes pour soigner une coupure à un genou, en toute fin de rencontre. Fernandez amorçait alors une remontée. Elle possédait une balle de bris à 3-5. Au retour de la pause, Raducanu a réglé ça rapidement. Victoire de 6-4 et 6-3. Fernandez allait devoir se contenter de la deuxième place.

Comme le veut la tradition, la joueuse québécoise a dû se rendre au centre du terrain pour l’entrevue d’après-match et la remise des prix. La plaie de la défaite était encore grande ouverte. La foule new-yorkaise l’a bien senti. Elle a enveloppé Leylah Fernandez de tout son amour. Elle lui a réservé une belle et longue ovation de 30 secondes, qui a transformé ses larmes de peine en larmes de joie. Ou du moins, en quelque chose de plus plaisant.

Cette bienveillance a atteint Fernandez en plein cœur. La coqueluche du tennis féminin était sincèrement touchée.

En retour, elle a offert les plus beaux remerciements que pouvaient recevoir les New-Yorkais, qui soulignaient samedi le 20e anniversaire des attentats contre les tours du World Trade Center.

« Je sais que c’est une journée particulièrement difficile pour New York, et tout le monde à travers les États-Unis. Je veux juste dire que j’espère pouvoir être aussi forte et résiliente que New York l’a été au cours des 20 dernières années. Merci d’avoir été derrière moi, de m’avoir encouragée. »

Et il y a eu encore plus de larmes dans le stade Arthur-Ashe. Cette fois, sur les joues des spectateurs. Leylah Fernandez a peut-être perdu la finale. Mais elle a gagné le cœur des New-Yorkais – et les nôtres.

***

La force et la résilience. Ces deux mots décrivent bien la personnalité de Leylah Fernandez, ainsi que son parcours impressionnant à New York.

D’abord, la force. Il en faut pour encaisser les services d’Aryna Sabalenka. Pour répliquer aux attaques de Naomi Osaka. Pour jouer 14 heures de tennis au niveau élite en 13 jours. À ces Internationaux des États-Unis, Leylah Fernandez a prouvé qu’elle était capable de tenir tête aux meilleures au monde. De retourner leurs services. De les faire courir. D’imposer son rythme face à des joueuses expérimentées qui ont déjà occupé le premier rang mondial et gagné des tournois du Grand Chelem.

Samedi, Fernandez a continué de livrer de belles batailles face à Emma Raducanu. Elle a remporté plusieurs longs échanges. Malheureusement, son service n’était pas aussi efficace que d’habitude. Cinq doubles fautes et seulement 58 % de premières balles mises en jeu, c’était insuffisant pour espérer gagner le championnat.

Au cours de la dernière quinzaine, Leylah Fernandez a aussi démontré une force de caractère exceptionnelle. Passer de l’ombre à la lumière, à New York, devant des centaines de journalistes et plus de 20 000 spectateurs, avec humilité, humour et générosité, c’est franchement remarquable. Surtout à 19 ans. Le même compliment s’applique d’ailleurs aussi à Emma Raducanu, 18 ans, première championne issue des qualifications de l’histoire du tournoi. Le professionnalisme des deux jeunes femmes les honore.

Enfin, la résilience. On l’a souvent écrit, Leylah Fernandez n’a pas eu un parcours facile. Sa famille et elle ont fait d’immenses sacrifices pour lui permettre de jouer au tennis au plus haut niveau. C’est une battante.

À New York, sa portion du tableau était relevée. Elle a affronté trois joueuses du top 5. Quatre du top 20. Sans surprise, face à une opposition aussi forte, elle s’est retrouvée dans une position précaire.

Naomi Osaka l’avait dans les câbles. La Japonaise était à une partie de l’éliminer. La Québécoise a résisté. Amorcé une remontée. Remporté un jeu décisif, puis la manche ultime.

Dans le match suivant, Angelique Kerber la dominait. L’Allemande menait 6-4, 4-2. Là encore, Fernandez a forcé le jeu décisif, l’a gagné et a éliminé sa rivale en trois manches. En quarts de finale, Fernandez a résisté à une remontée foudroyante d’Elina Svitolina dans la dernière manche. Et même dans la finale, Fernandez est parvenue à se sortir d’impasses difficiles, notamment d’une partie où elle tirait de l’arrière 0-40 alors qu’elle se trouvait au service.

Tous ces atouts que Leylah Fernandez a montrés ces derniers jours m’encouragent pour la suite. Évidemment, à seulement 19 ans, elle n’est pas à l’abri des maux qui ont affligé tant – et trop – de jeunes joueuses surdouées. Par contre, si elle continue de mettre l’accent sur la force et la résilience, elle a vraiment tout pour réussir.