A-t-on déjà vu meilleure capacité à briller sous pression ? À s’imposer quand l’enjeu est crucial ? À transformer l’occasion en victoire électrisante ? Extraordinaire Marie-Philip Poulin !

En marquant le but gagnant lundi en prolongation contre les Américaines, Marie-Philip n’a pas seulement permis au Canada de remporter le Championnat du monde de hockey. Elle a aussi conforté sa place parmi le groupe sélect des meilleurs athlètes, hommes et femmes confondus, de l’histoire sportive québécoise et canadienne.

Sympathique, humble, travaillante et douée, elle mérite pleinement tous les éloges. Ce but inscrit d’un tir sec, d’une précision inouïe, constitue un autre moment magique de sa carrière.

Marie-Philip n’était âgée que de 18 ans quand elle a coulé le socle de sa renommée aux Jeux de Vancouver, en 2010, marquant les deux buts du Canada dans la victoire finale contre les États-Unis. Sa carrière internationale était lancée.

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Comme jeune amateur de hockey ayant grandi à Québec, et plus tard comme journaliste, j’ai été témoin de performances épiques, quand des athlètes ont poussé leurs ressources jusqu’au bout.

Impossible d’oublier les six buts dans un match de Guy Lafleur, alors grande vedette des Remparts de Québec chez les juniors, pour atteindre le cap des 100 en une saison, en février 1970. Ou, au printemps 1986, les arrêts miraculeux de Patrick Roy en prolongation du troisième match de la série entre le Canadien et les Rangers de New York, au Madison Square Garden.

La performance éclatante de Marie-Philip aux Jeux olympiques de Sotchi, en 2014, fait aussi partie de mon palmarès de moments forts, ceux qui donnent le vertige. Avec moins de quatre minutes à jouer en troisième période, les Américaines menaient 2-0 et l’affaire semblait entendue.

Un but de Brianne Jenner a cependant rétréci l’écart, donnant une lueur d’espoir au Canada. Avec moins d’une minute à jouer, Marie-Philip a créé l’égalité. Puis, en prolongation, elle a inscrit le but de la victoire. Ce doublé fut un moment d’anthologie. Dans la zone d’entrevues, les gagnantes et les perdantes se côtoyaient les larmes aux yeux… mais pas pour les mêmes raisons.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Marie-Philip Poulin à Sotchi, en 2014

Comment Marie-Philip avait-elle fait pour prendre ainsi les choses en main et changer une défaite probable en victoire ? Où trouvait-elle les ressources pour briller ainsi sous pression ? Comment faisait-elle pour s’imposer au moment où son équipe avait le plus besoin d’elle ?

Le travail, le talent, le sens du jeu et la passion fournissent des éléments de réponse. Mais aussi cette foi inébranlable en ses moyens. Et ce génie propre aux plus grands champions et aux plus grandes championnes.

Encore aujourd’hui, l’exploit de Marie-Philip à Sotchi suscite en moi une émotion forte. Ce jour-là, elle a transcendé le match. C’était proprement fabuleux, une combinaison unique de performance et de dépassement de soi, comme dans un rêve.

Et voilà que mardi soir, à Calgary, en finale du Championnat du monde, elle a refait le coup à Team USA. Comme à Sotchi il y a sept ans, son but en prolongation a couronné une superbe remontée des Canadiennes face aux Américaines, leurs rivales de toujours.

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Une constante s’est dégagée des propos des joueuses canadiennes après la victoire : le plaisir qu’elles ont à jouer ensemble, cet appui mutuel qui les caractérise. Le leadership de Marie-Philip, capitaine de l’équipe, explique en partie cette solidarité.

Aux Jeux olympiques de PyeongChang, en 2018, j’ai été témoin d’une scène à première vue banale, mais qui illustrait l’ascendant de Marie-Philip sur le groupe. Un ascendant tranquille, exercé avec un gant de velours.

Je marchais avec le photographe Bernard Brault à l’extérieur du Centre de presse quand on a aperçu les joueuses canadiennes qui en faisaient autant. « Je vais faire une photo de groupe », m’a dit Bernard, qui s’est alors approché de Marie-Philip pour lui proposer son idée. Celle-ci a réuni ses coéquipières en un tournemain – c’était impressionnant à voir – et cette belle image s’est retrouvée dans La Presse+ du lendemain.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

L’équipe canadienne de hockey féminin à PyeongChang, en 2018

À l’époque, Marie-Philip venait d’être nommée capitaine de l’équipe, un honneur qu’elle accueillait avec sa réserve habituelle. « J’ai pensé à toutes celles qui ont eu cette lettre [sur leur chandail] avant moi. C’est vraiment un honneur de suivre ces pionnières, des joueuses comme Caroline Ouellette. Elle m’a montré le chemin et j’essaie de suivre ses pas. »

Malheureusement pour les Canadiennes, ce tournoi olympique s’est soldé par une déception. Les États-Unis ont remporté la finale en tirs de barrage. Quatre ans après Sotchi, la joie et la peine d’après-match ont changé de camp. Mais je persiste à croire que si Marie-Philip avait été utilisée plus souvent en prolongation, les chances de gagner du Canada auraient été meilleures.

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Comme à PyeongChang, Mélodie Daoust a été choisie attaquante par excellence du tournoi après le match de lundi. Elle est désormais l’une des meilleures joueuses au monde et son succès illustre sa résilience.

À Sotchi, Mélodie m’avait expliqué ses débuts pleins d’embûches. Adolescente, elle était jugée trop petite et pas assez rapide. Résultat, impossible d’être retenue par Équipe Québec, ce qui lui enlevait toute chance d’être remarquée par les responsables du programme canadien.

Malgré ces refus répétés, Mélodie a redoublé d’efforts. Certains étés, elle jouait avec quatre équipes différentes, en plus de participer à des camps de patinage dans l’ouest du pays. Un jour, une blessure subie par une autre joueuse lui a ouvert la porte d’Équipe Québec. Elle a saisi sa chance et, plus tard, a obtenu une place au sein de l’équipe olympique.

« Tu sais, chaque personne a son cheminement, m’avait-elle dit. Le mien n’a pas été une belle ligne droite. Il y a eu des hauts et des bas. Mais rien n’est impossible quand on y croit vraiment. »

Mélodie est une athlète inspirante.

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Avec Marie-Philip Poulin, Mélodie Daoust et la gardienne de but Ann-Renée Desbiens, le Québec est représenté avec éclat au sein de l’équipe nationale.

PHOTO JEFF MCINTOSH, LA PRESSE CANADIENNE

Ann-Renée Desbiens et Mélodie Daoust

Avec leurs coéquipières, elles feront de nouveau face au rude défi posé par les Américaines au tournoi olympique de Pékin, qui s’ébranlera dans cinq mois.

Leur préparation commencera bientôt. Pour l’instant, souhaitons-leur de célébrer cette belle victoire de lundi. Une victoire qui bonifie le parcours hors du commun de Marie-Philip Poulin et renforce sa légende.