Nommée mardi présidente « Sports et divertissement » du Groupe CH, France Margaret Bélanger brise un plafond de verre. Dans la longue histoire du Canadien, jamais une femme n’a occupé un niveau hiérarchique si élevé et un rôle si crucial. Cette promotion confirme son influence déjà énorme sur les affaires de l’organisation.

En plaçant sa confiance en elle, Geoff Molson s’inscrit dans la tendance moderne du sport professionnel. Dans tous les grands circuits, des femmes accèdent à des postes de commande historiquement réservés aux hommes.

Il est fabuleux de voir le Canadien, avec son ADN souvent conservateur, participer à cette avancée sociale. Car il ne faut pas s’y tromper : France Margaret Bélanger inspirera de nombreuses jeunes femmes partout au Québec. Oui, avec le travail et le talent, elles peuvent se tailler une place et réussir dans un univers à prédominance masculine. On devine que pour atteindre ce niveau, France Margaret Bélanger a dû en voir de toutes les couleurs durant sa carrière. Mais cette femme est une battante et ne se laisse pas impressionner.

Cette annonce, aussi significative soit-elle, ne bouscule pas la routine quotidienne de France Margaret Bélanger. Dans les faits, elle accomplit cette tâche depuis le début de la pandémie, en mars 2020, assurant la gestion quotidienne des activités. Paul Wilson, responsable des relations publiques du Groupe CH, explique que Geoff Molson envisageait d’officialiser sa nomination dès cette époque. Mais la suite des choses, complexe et imprévue, a retardé l’annonce.

Mardi, l’organisation a profité d’un moment d’accalmie estival pour confirmer la promotion de France Margaret Bélanger, une nouvelle n’ayant surpris personne dans les bureaux du Centre Bell.

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Devenir présidente du secteur « Sports et divertissement » du CH ne fait pas de France Margaret Bélanger la patronne du directeur général Marc Bergevin. « Geoff reste chef de la direction de l’équipe et c’est à lui que Marc se rapporte, dit Paul Wilson. De mon côté, puisque j’occupe un rôle hybride, je me rapporte à Marc pour les relations publiques du club de hockey et à France pour celles des autres secteurs de l’organisation. »

La chef des opérations financières, Anna Martini, et le patron du Centre Bell, Daniel Trottier, demeurent aussi sous l’autorité directe de Geoff Molson. Cela dit, les responsabilités de France Margaret Bélanger sont importantes.

Le Groupe CH, avec evenko et le Groupe Spectra, est un acteur incontournable dans le monde du spectacle au Québec. Elle en assume maintenant la pleine direction en plus de chapeauter les ventes et le marketing du secteur hockey. Dans toute entreprise, la personne chargée de générer les revenus joue un rôle fondamental. Dans notre monde concurrentiel, la créativité est nécessaire pour trouver des idées susceptibles de bonifier la caisse.

Compte tenu de la place du Canadien dans le sport-spectacle au Québec, la voix de France Margaret Bélanger résonnera sur plusieurs tribunes.

On en a eu deux exemples ces derniers mois.

D’abord, en avril, elle a expliqué la « crainte » du Groupe CH par rapport au nouveau plan directeur pour le développement du parc Jean-Drapeau, site du festival Osheaga. En entrevue avec La Presse, elle a affirmé que « l’une des options » était de présenter Osheaga ailleurs, une menace à peine voilée envers l’administration de Valérie Plante.

Puis, en juin, elle a demandé à la Santé publique du Québec l’autorisation d’accueillir 10 500 personnes au Centre Bell pour les prochains matchs éliminatoires du Canadien. Mettre ainsi sur la sellette le gouvernement du Québec était un pari risqué qui n’a pas fonctionné, l’organisation ayant essuyé un refus officiel peu après.

Ces deux histoires démontrent que la nouvelle présidente n’hésitera pas à monter publiquement au front pour défendre ce qu’elle estime être les intérêts du Groupe CH. En ce sens, elle complète bien Geoff Molson, plus réservé devant les micros.

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Les défis qui attendent le Groupe CH seront nombreux au cours des prochaines semaines, et France Margaret Bélanger se retrouvera au cœur de l’action.

Sur le plan commercial, après 20 mois de pandémie, l’organisation voudra relancer sa machine à revenus, dans les secteurs sportif et artistique. Cela demandera d’immenses efforts de coordination avec ses partenaires. Et il faudra s’assurer que la clientèle soit au rendez-vous.

L’expérience de France Margaret Bélanger servira bien le Canadien. Elle connaît la boîte comme le fond de sa poche, y travaillant depuis 2013. Mais ses liens avec l’organisation sont plus anciens.

Avocate chez Stikeman Elliott, elle était de l’équipe juridique ayant conseillé George Gillett lors de son achat du Canadien, en 2001. Huit ans plus tard, elle était au cœur des discussions lorsque l’Américain a vendu l’équipe au groupe de Geoff Molson.

La transaction conclue, invoquant l’expertise accumulée durant toutes ces années aux côtés de George Gillett, France Margaret Bélanger a convaincu Geoff Molson de confier à Stikeman Elliott des dossiers juridiques, comme elle l’a raconté dans une passionnante entrevue menée par Mario Langlois au 98,5 FM il y a deux ans.

« De fil en aiguille, j’ai fait un tas de dossiers pour eux, a-t-elle expliqué. Et à un moment donné, Geoff a décidé qu’il voulait avoir toute la fonction juridique à l’interne, ce qui n’existait pas au Groupe CH, qui prenait alors pas mal d’ampleur. C’est là que je me suis jointe à l’organisation. »

France Margaret Bélanger connaît bien les coulisses du Canadien depuis plus de 20 ans. Son parcours est exceptionnel et cette nomination marquante le couronne en partie. Souhaitons maintenant qu’elle use de son influence pour que le secteur hockey de l’organisation brise à son tour un plafond de verre en embauchant des femmes comme entraîneuses adjointes ou conseillères au développement des joueurs, comme l’ont déjà fait les Buccaneers de Tampa Bay (NFL) et les Maple Leafs de Toronto (LNH).