(Tokyo) Sur le bord de la piscine, Meaghan Benfeito était inconsolable. Dévastée. Abattue par son élimination hâtive en demi-finale du 10 mètres, elle qui affichait des ambitions beaucoup plus grandes. Elle pleurait tellement, je pense qu’elle aurait pu fournir en eau le tiers-monde, comme la sœur affligée dans la chanson de Daniel Bélanger.

Le résultat était d’autant plus cruel qu’après l’épreuve de plongeon synchronisé, la semaine dernière, Meaghan Benfeito nous avait annoncé que les Jeux de Tokyo seraient ses derniers. Après trois médailles olympiques, et trois autres aux Championnats du monde, elle souhaitait quitter au sommet. Du moins, un peu plus haut que sa 13e place obtenue, jeudi, après avoir raté deux de ses cinq sauts.

« Je suis triste. Je ne veux pas finir comme ça. Ça me fait de la peine », a-t-elle confié, dans la zone mixte, après avoir séché ses pleurs. Une confidence qui laissait entrevoir une suite possible.

Est-ce vraiment la fin, Meaghan ?

« Je ne sais pas. Je ne veux pas finir comme ça. Mais en même temps, mon corps a besoin de repos. »

À 32 ans, Meaghan Benfeito est l’une des plongeuses les plus expérimentées de ces Jeux. Elle a plus du double de l’âge de la championne du 10 mètres, la minuscule Hongchan Quan, 14 ans, dont la tête dépassait à peine les cloisons dans la zone mixte.

« Ce seront mes derniers Jeux. Je ne pense pas me rendre jusqu’à Paris, en 2024. Mais [faire] des Séries mondiales ? Peut-être. On va voir. Je vais m’asseoir avec Arturo [Miranda, son coach]. Je vais décider avec lui. Mais j’ai l’impression que je ne veux pas finir comme ça. Dès que je suis arrivée dans l’eau, c’est venu me chercher… »

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Que s’est-il passé pour que Meaghan Benfeito rate la coupure par cinq points ?

« Je ne suis pas une athlète qui cherche des excuses. J’ai manqué mes plongeons. » Surtout son premier. C’était un plongeon arrière, avec deux périlleux et demi et une vrille et demie. Un saut qui lui a donné des maux de tête, à l’entraînement.

« Plus tôt, cette semaine, je me suis un peu perdue dans la vrille arrière. Aujourd’hui, ça paraissait que j’avais peur. » Dix mètres plus bas, elle est entrée dans l’eau presque à l’horizontale. Les juges ont été sans pitié. Ils lui ont distribué des notes de 4, pour un total de 39 points. Elle occupait alors le 18e et dernier rang.

A-t-elle été victime d’un « twistie », cette perte de contrôle dans les airs dont fut victime la gymnaste Simone Biles, à Tokyo ?

« Non. Simone était vraiment perdue. Moi, c’est un problème technique. Lorsque je lève trop ma tête au départ, la connexion pour la vrille est moins là. Je sais comment faire le plongeon. Mon corps va le faire pareil. C’est juste que je n’ai pas l’élan nécessaire pour [rentrer à l’eau] à la verticale. »

« C’est décevant, car ça fait 20 ans que je fais ce plongeon-là. De savoir que je n’ai pas été capable de le faire au moment où ça comptait le plus, c’est poche. C’est décevant. Mais en même temps, je suis fière de m’être battue jusqu’à la fin. »

Meaghan Benfeito a tenté une remontée. Elle a même atteint le 12e rang après le quatrième tour. Sauf que « sur le dernier plongeon, j’aurais pu faire mieux. Je tournais plus vite que d’habitude. Je ne savais juste pas où ouvrir. »

Après son dernier saut, elle se doutait bien que son parcours à Tokyo était terminé.

« J’ai pleuré. J’ai parlé un peu avec Arturo. Les coachs sont venus me voir. Puis j’ai appelé ma famille. J’ai décompressé, pour réaliser ce qui venait d’arriver. Pour comprendre pourquoi c’est arrivé. Et pour trouver comment je peux être fière de moi quand même. »

Elle était surtout fière de ne pas avoir abandonné en cours de route, malgré tous les obstacles qu’elle a rencontrés depuis 18 mois.

« L’année de la pandémie a été difficile. Je ne veux pas dire que c’était une année de trop, car j’avais déjà prévu continuer [jusqu’en 2021] pour participer aux Championnats du monde aquatiques. Mais avec la pause de trois mois, l’entraînement à la maison, l’incertitude de savoir si on allait pouvoir compétitionner, ou voyager, ou y avoir des Jeux, ça a été difficile pour les athlètes. Pas juste sur moi. On est tellement habitués de s’asseoir en début de saison, de déterminer notre plan… Là, on n’avait pas de plan. C’est difficile de s’entraîner sans objectif. »

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Dans cette demi-finale, il y avait une autre Québécoise. La Lavalloise Sarah Jodoin di Maria, qui vit depuis trois ans à Rome, et qui concourt pour l’Italie. Elle a terminé 14e, quelques poussières derrière Meaghan Benfeito. Elle aussi a beaucoup pleuré après la compétition.

PHOTO DMITRI LOVETSKY, AP

La Québécoise Sarah Jodoin di Maria qui participait aux Jeux olympiques sous les couleurs de l’Italie.

« Je suis déçue du résultat », a-t-elle indiqué en sanglotant. « La 12e a fait quoi ? 301 points ? C’était assez faisable. J’ai quand même manqué mon équilibre et mon saut arrière. J’ai l’impression que je me suis retenue. J’avais un peu peur de rater mes plongeons. J’ai juste fait… tout moyen.

-As-tu été trop conservatrice ?

-Exactement. »

Mais à 21 ans, elle aura d’autres chances. D’ailleurs, elle pense aux Jeux de 2024, à Paris. « Ça ne fait pas si longtemps que ça que je fais du plongeon. Je pense qu’en trois ans, je pourrai obtenir plus d’expérience, et arriver plus prête que cette année. »