(Tokyo) Parmi toutes les nouvelles épreuves qui se sont ajoutées aux Jeux d’été depuis 20 ans, le trampoline est probablement ma préférée.

Pas que je sois un connaisseur. Je ne peux pas vous expliquer précisément pourquoi la Canadienne Rosie MacLennan, double championne olympique, a terminé quatrième plutôt que troisième vendredi.

Mais il y a quelque chose de satisfaisant à voir ces fées s’envoler, rester en suspens huit mètres au-dessus du sol, puis redescendre avec la grâce d’un ange. On dirait ces samares que les enfants lancent vers le ciel et qui retombent comme des hélicoptères. C’est fascinant.

Dans le point de presse qui a suivi la finale, alors que des collègues tentaient d’analyser la performance de Rosie MacLennan, un journaliste lui a posé une question toute simple.

Rosie, comment se sent-on quand on vole ?

Sur le coup, elle a figé. Ça tranchait avec les questions précédentes sur sa performance et son histoire personnelle.

« Quand on vole ?

— Oui, quand on vole.

— C’est assez incroyable [rires]. Je veux dire, dans mon sport, on peut vraiment se projeter très haut dans les airs et faire des pirouettes. C’est une sensation incroyable. Surtout quand tu essaies une nouvelle figure pour la première fois. Quand tu la réussis, l’adrénaline te traverse le corps. Pendant un moment, tu essaies de te convaincre que tu peux le faire. Tu bâtis ta confiance. Mais à un moment donné, tu te dis : OK, just go. Quand tu trouves le courage [de le faire], c’est toute une expérience.

— T’arrive-t-il d’avoir peur ?

— Bien sûr [rires] ! »

À la télévision, si vous ne voyez que le résumé d’une minute, tout semble aisé. Mais croyez-moi, sur place, c’est différent. D’abord parce que dans la séance de qualifications, on voit toutes les concurrentes. Et non pas juste les meilleures au monde, comme Rosie MacLennan et les Chinoises.

L’autre Canadienne en lice, Samantha Smith, a sauté à l’extérieur du trampoline. Une Britannique, une Française, une Japonaise et une Russe ont perdu pied. Une Australienne a raté ses deux exercices. Même en finale, on a eu une frousse, quand la Mexicaine a glissé sur son tout dernier saut. Elle s’est retrouvée les quatre fers en l’air. Comme une marionnette emmêlée dans ses fils. Heureusement, elle s’en est sortie sans blessure grave.

Sauf que ce n’est pas toujours le cas. En 2015, Rosie MacLennan a subi deux blessures à la tête en quelques jours. Pendant des mois, elle a souffert de migraines, de problèmes de vision et de problèmes de langage. En 2017, elle s’est blessée au cou. En 2019, elle s’est fracturé une cheville. À 32 ans, elle était la trampoliniste la plus âgée des Jeux. C’était probablement sa dernière occasion de remporter une médaille olympique. On sentait qu’elle-même le sentait, lorsque la Britannique Bryony Page a reçu son pointage, légèrement plus élevé que le sien. Il ne restait que les deux Chinoises. Des modèles de précision. Les Jeux étaient faits. Bonne perdante, MacLennan est allée féliciter Page. Elle a aussi fait l’accolade aux deux Chinoises après leurs performances.

Après avoir atteint les plus hauts sommets et y être restée pendant deux cycles olympiques, Rosie MacLennan amorce l’inévitable descente. Lentement. Très lentement. Avec la grâce d’un ange.

Comme il se doit.