(Tokyo) Ce n’est pas la plus nombreuse, mais c’est une des plus fortes délégations canadiennes jamais constituées en athlétisme.

Les 57 athlètes dépasseront-ils le total de six médailles des Jeux de Rio ? Ils peuvent en tout cas viser au moins autant de top 8 qu’aux derniers Jeux – 13 en l’occurrence.

Le sauteur Derek Drouin, seul médaillé d’or, n’est pas à Tokyo, ni l’heptathlonienne Brianne Theisen-Eaton (bronze).

Mais tout en haut de la liste, Damian Warner, classé numéro 1 mondial au décathlon. Médaillé de bronze à Rio et aux Championnats du monde en 2019, il est un des favoris pour être sacré « athlète le plus complet du monde ».

La grande vedette canadienne en 2016 avait bien sûr été Andre De Grasse, qui avait joué les petits frères d’Usain Bolt. Il était reparti de Rio avec trois médailles : l’argent au 200 m, le bronze au 100 m et le bronze au 4x100 m.

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Le sprinteur canadien Andre De Grasse

Revenu de blessures, il paraît en forme, mais sur le 100 m, ça joue du coude sérieusement. De Grasse n’a couru qu’une seule fois sous les 10 secondes cette saison (9,99). Pendant ce temps, huit des neuf meilleures performances mondiales cette année ont été réalisées par des Américains, menés par Trayvon Bromell (9,77 s le 5 juin).

Ses chances sont meilleures au 200 m, où il a toujours mieux réussi, mais encore là, la nouvelle génération de sprinteurs américains ne lui rendra pas la tâche facile. De Grasse, avec un 19,89 s le 28 mai, a enregistré le 6e temps au monde en 2021.

Cela dit, la pandémie a compliqué le calendrier de compétitions et il ne faut peut-être pas tirer de conclusions hâtives des résultats des 18 derniers mois.

Dès vendredi soir au stade olympique de Tokyo (vendredi matin, heure de Montréal), Mohammed Ahmed, de Saint Catharines, fera ce qui n’arrive jamais pour un Canadien : lutter avec les meilleurs pour la première médaille en jeu, soit celle du 10 000 m.

Mo est le meilleur coureur de fond de l’histoire canadienne. Né en Somalie, il est arrivé au Canada à 11 ans et s’est mis à l’athlétisme deux ans plus tard à l’école secondaire.

Il sera ensuite un des favoris au 5000 m. Il a fracassé le record canadien l’an dernier en courant 12 min 47 s, 11performance mondiale de tous les temps. À Rio, dans une course chaotique, il avait terminé quatrième, à un cheveu du podium. Il s’est repris au championnat du monde en 2019, avec le bronze.

Justyn Knight, un athlète en pleine progression, sera aussi du 5000 m. Il a surpris au printemps avec une cinquième place en ligue de Diamant dans un groupe très relevé, en courant 12 min 51 s.

L’équipe norvégienne vient par ailleurs d’annoncer que le retrait de l’épreuve du phénoménal champion européen Jakob Ingebrigsten, qui courra uniquement le 1500 m (il est membre d’un non moins phénoménal trio de frères, dont Filip, qui courra aussi le 1500 m). Il restera le nouveau recordman du monde Joshua Cheptegei, les Kényans, les Éthiopiens et quelques autres… Mais pour la première fois, deux coureurs canadiens seront dans le coup.

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« Mo et moi, on a l’intention de faire quelque chose de spécial pour le Canada », me dit sans fausse modestie Justyn Knight, joint au camp d’entraînement de l’équipe à Gifu, à 400 km au sud-est de Tokyo.

Aussi qualifié au 1500 m, il a pensé courir les deux épreuves, mais les horaires serrés de qualification rendent l’exercice trop périlleux. « J’ai couru beaucoup de 1500 m cette saison pour travailler mon kick sur les 600 derniers mètres. »

Travaillera-t-il en équipe avec Ahmed et Lucas Bruchet, le troisième Canadien dans l’épreuve ? « Pas vraiment, c’est un sport pas mal individuel, il y a des limites à ces stratégies. » Oui, il entend les Kényans se parler de temps en temps sur la piste. « Mais je ne comprends pas ce qu’ils disent, alors… »

« On dirait que toute l’équipe est motivée, tout le monde est confiant », dit cet ancien joueur de basketball converti à l’athlétisme.

Melissa Bishop-Nriagu, qui a été un temps vice-championne du monde au 800 m, auteure à Rio d’une décevante (pour elle) 4e place, est revenue au sommet de sa forme après avoir eu un enfant. On l’attend en finale.

Au 1500 m, Gabriela Debues-Stafford (12temps mondial cette saison) est en grande forme et vise un podium. Fait rare dans les annales olympiques : sa petite sœur Lucia Stafford s’aligne aussi pour le 1500 m.

Le Canada alignera encore trois femmes au 3000 m steeple, dont « l’étoile de l’Acadie », Geneviève Lalonde, qui en sera à ses deuxièmes Jeux.

« On est juste joyeux, juste chanceux de pouvoir faire ce qu’on aime » après ces mois de pandémie, dit-elle avec son enthousiasme habituel. Comme à peu près tous les autres athlètes, elle s’est demandé pendant de longs mois : « Pourquoi je fais ça ? »

« On réalise que juste de partir faire une compétition, on est chanceux. Juste de travailler, on est chanceux. Juste d’être vacciné, on est chanceux. Tous les athlètes canadiens le réalisent. »

L’athlète de 29 ans se relève d’une déchirure musculaire à la hanche, mais se dit d’attaque après un camp d’entraînement en Arizona.

Un seul Québécois a réussi les sélections olympiques : Mathieu Bilodeau, qui s’alignera avec Evan Dunfee au 50 km marche, à Sapporo, où ont lieu les épreuves de longue distance.