Ce but vainqueur, cet incroyable but vainqueur, incarne magnifiquement les succès du Canadien en séries éliminatoires.

D’abord, des arrêts énormes de Carey Price en début de prolongation, alors que le Lightning profitait de l’avantage numérique.

Ensuite, le cran de Josh Anderson, spécialiste des poussées fulgurantes le long de la rampe, où il allie puissance et habileté.

Enfin, la présence sur cette séquence d’anthologie de Cole Caufield, le jeune premier au sourire si expressif, qui a créé une étincelle chez le Canadien dès son arrivée dans la Ligue nationale.

Voilà un trio de rêve pour le CH : le gardien de but d’élite, l’ailier au fort gabarit déjà dans la fleur de l’âge et la recrue qui doit se pincer pour croire à ces moments magiques. Ce mélange d’expérience et de jeunesse produit des résultats étonnants.

Ce pont entre les générations est, à n’en pas douter, l’élément le plus distinctif de l’équipe : Corey Perry et Nick Suzuki, Shea Weber et Alexander Romanov, Phillip Danault et Jesperi Kotkaniemi (absent lundi, mais qui a marqué des buts importants dans ces séries)… Ce pont a quelque chose d’inspirant.

* * *

Comme tous les ponts, celui du Canadien a besoin d’un solide point d’ancrage. On a encore vu lundi combien Carey Price tient ce rôle. Au fond, l’équation est simple : si Price multiplie les miracles, le CH peut battre n’importe quelle équipe. On l’a vu au cours des trois premiers tours : les Maple Leafs de Toronto, malgré leur attaque dévastatrice, ont été incapables d’élucider son mystère. Les Jets de Winnipeg ? Même pas besoin d’en parler. Et ces infortunés Golden Knights de Vegas, qui ont trop vite pensé que la confrontation avec le CH était tout à leur avantage, l’ont compris trop tard.

Price a joué son premier « gros » match de la finale lundi. Si le CH réussit l’impossible et remporte la Coupe Stanley, personne n’oubliera ses arrêts – sous une énorme pression – après la double mineure imposée à Shea Weber en fin de troisième période. On a senti le Lightning un peu moins assuré durant cet avantage numérique de quatre minutes.

Price, lui, était en pleine possession de ses moyens. Et lorsque l’inévitable force de frappe de Tampa Bay l’a mis à l’épreuve, il a répondu avec panache.

Patrick Roy, qui a assisté au match au Centre Bell, a peut-être revu une partie de son passé en voyant le numéro 31 s’imposer de la sorte en prolongation. En 1986 et 1993, frustrer ses adversaires au début de la prolongation avant que l’un de ses coéquipiers inscrive le but gagnant a été sa marque de commerce. Price pourra-t-il imiter Roy et remporter à son tour une Coupe Stanley ? Chose sûre, il prend les moyens pour conserver cet espoir.

(J’en profite pour souligner cette excellente initiative du CH : inviter des légendes de l’équipe à assister aux rencontres donne un cachet particulier aux matchs. C’est d’autant plus apprécié que l’organisation actuelle les a traitées avec un désolant détachement au cours des dernières années.)

* * *

Il n’y aura rien de déshonorant si le Canadien perd cette finale de la Coupe Stanley. Mais un balayage en quatre matchs aurait été dur à encaisser, même contre une formidable machine comme le Lightning. Aucun club ne veut être lessivé de la sorte, surtout quand on attend depuis 28 ans une participation à ce rendez-vous.

Grâce à cette belle victoire, cette perspective est maintenant écartée. Le Canadien est toujours en vie. Et soudainement, l’espoir renaît chez les partisans. Si le CH l’emporte mercredi à Tampa Bay, qui pourra alors prédire avec assurance l’issue de cette finale ?

Depuis son premier duel en séries, le CH confond les sceptiques. Et même s’il demeure dans une situation très délicate, son appétit demeure entier. Le CH a choisi de se battre jusqu’au bout, ce qui révèle le caractère du club.

Pour la première fois de cette finale, le Lightning l’a constaté lundi. Le CH a joué dur et, Weber en tête, appliqué des mises en échec qui ont fait mal à ses rivaux.

La tension a été vive du début à la fin. On a même eu droit à une mini mêlée à l’issue de la première période. Il y a 25 ans, l’affaire aurait sans doute pris fin sur une bagarre royale. À l’époque, on laissait tomber les gants plus allègrement. Rien de tel aujourd’hui, ce qui représente un développement sain.

* * *

Le Canadien peut-il gagner cette série ? S’il relève ce défi, il s’agira d’une victoire historique. Les Maple Leafs, en 1942, sont la seule équipe à avoir remporté la finale de la Coupe Stanley après avoir comblé un retard de trois matchs à zéro. Avouons qu’un exploit pareil s’ajouterait bien à la collection du Canadien.

Dans les faits, cette question est néanmoins prématurée. Penser trop loin est une mauvaise idée pour les fans, mais encore plus pour les entraîneurs et les joueurs. Le CH doit y aller un match à la fois, demeurer dans le moment présent et se battre pour arracher une victoire en Floride mercredi, ce qui sera difficile.

En revanche, si le CH gagne ce cinquième match, il sèmera un sérieux doute chez les joueurs du Lightning. Pour eux, revenir à Montréal disputer une sixième rencontre serait un genre de cauchemar.

Ce printemps-été magique du Canadien se poursuit. Nous sommes le 6 juillet, et le CH occupe plus que jamais toute la place dans les conversations. Si vous m’aviez dit ça le 20 mai, jour du premier match des séries contre les Maple Leafs, je ne l’aurais pas cru. Parce que j’aurais mésestimé la force de ce pont entre les générations.