Les spectateurs chantaient Gens du pays à tue-tête. Les joueurs s’enlaçaient comme des amoureux dans un aéroport. Marc Bergevin étreignait Carey Price. Il lui a même embrassé le front. Un moment magique.

Suivirent les Olé Olé. Les confettis. Les stroboscopes tricolores. La remise surréaliste du trophée Clarence-S.-Campbell, qui couronne le champion de l’Association de l’Ouest. Je vous rassure, superstition oblige, personne n’y a touché. Puis les joueurs ont salué les 3500 spectateurs et sont rentrés au vestiaire, pour poursuivre les célébrations entre eux.

C’était beau. Émouvant. Touchant. Pas comme un point final. Plutôt comme un point-virgule. Un temps d’arrêt avant une nouvelle aventure encore plus grande. Plus prometteuse. Plus prestigieuse.

La finale de la Coupe Stanley.

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Je suis assez vieux pour avoir vécu trois finales à Montréal. Celles de 1986, 1989 et 1993.

Elles m’ont toutes marqué.

En 1986, j’ai obtenu une permission spéciale pour regarder le match ultime jusqu’à la remise de la Coupe Stanley à Bob Gainey. Le surlendemain, c’était le défilé. Mes parents ont appelé mon enseignante pour motiver mon absence. Yiiiiish. Ma prof n’était pas contente. « Pas grave, m’avaient rassuré mes parents. Pas question de rater le défilé. Ça ne se reproduira peut-être pas avant trois ou quatre ans ! »

C’était une autre époque…

Pour les moins de 25 ans, par contre, ce sera une première finale. Et elle s’annonce mémorable. Car ceux qui ont grandi dans les années 2000 et 2010 ont vécu peu de grandes liesses collectives, comme leurs parents et leurs grands-parents.

Ces jeunes adultes et ces adolescents ont surtout connu des drames. Des attentats. Des catastrophes naturelles. Des déchirements politiques. Une giga-pandémie. Pensez-y le temps d’une gorgée de café : c’était quand, la dernière fois que nous nous sommes regroupés dans nos rues, dans nos maisons ou dans nos parcs pour célébrer un évènement heureux d’envergure nationale ?

Je ne m’en souviens plus.

C’est pourquoi les jeunes ont tant à cœur les succès du Canadien cet été. C’est pourquoi ils s’entassent autour du Centre Bell, soir après soir, malgré les restrictions sanitaires, avec leurs chandails tricolores et leurs drapeaux fleurdelisés.

Parce qu’ils sont fiers.

Fiers de voir Montréal et le Québec gagner.

Fiers de Carey Price. Le gardien du Tricolore joue présentement le meilleur hockey de sa carrière dans la Ligue nationale.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Carey Price

Fiers de Shea Weber. Le capitaine du Canadien participera à sa première finale. Il est parfait en infériorité numérique depuis le début des séries et a marqué un but sur un tir foudroyant jeudi.

Fiers des trois jeunes. Nick Suzuki est le centre numéro un que l’organisation cherche depuis trop longtemps. Jesperi Kotkaniemi tire profit de ses chances en attaque. Et que dire de Cole Caufield ? Il est spectaculaire. Son impact me rappelle celui de Mats Näslund sur l’attaque du Canadien dans les années 1980.

Fiers des vétérans. Jeff Petry, Tyler Toffoli, Corey Perry, Eric Staal, Ben Chiarot, Brendan Gallagher, Artturi Lehkonen, Joel Armia, Joel Edmundson, Josh Anderson, Jon Merrill, Erik Gustafsson et Paul Byron jouent avec l’énergie et l’enthousiasme des recrues.

Fiers de Phillip Danault, le seul Québécois en uniforme pour le Canadien dans ces séries. En prolongation, jeudi, Danault a réussi à se faufiler entre deux défenseurs des Golden Knights pour refiler la rondelle à Artturi Lehkonen, auteur du but gagnant. Petite pensée pour l’autre Québécois de l’équipe, Jonathan Drouin, malheureusement absent, mais pas oublié.

Fiers des entraîneurs Dominique Ducharme et Luke Richardson, qui mènent l’équipe vers des sommets inégalés depuis deux générations.

Fiers de Marc Bergevin. L’année dernière, le DG du Canadien était à la croisée des chemins : vider sa formation ou la regarnir ? Il a choisi la deuxième option. Décision judicieuse. Avec cette participation à la finale, Bergevin n’aura plus à payer une bière avant longtemps dans un bar de la province.

Mais surtout, surtout, les jeunes sont fiers d’enfin vivre « leur » moment de grâce avec ce club qui a tant fait vibrer les générations précédentes.