Ç’a été le plus long désavantage numérique de l’histoire du Canadien. Plus de 70 minutes à se défendre contre huit hommes : les six joueurs des Golden Knights, plus les arbitres Chris Lee et Dan O’Rourke, honteux, gênants et révoltants. Au point de fermer les yeux lorsque Jonathan Marchessault a exercé son élan de golf sur la tête de Corey Perry. Le sang pissait partout. Mais le jeu s’est poursuivi.

Il faut dire que Perry avait encore la moitié de son nez…

Heureusement pour le Tricolore, les fantômes du Centre Bell ont équilibré les chances. Avec seulement une minute au temps régulier, ils sont allés chercher la rondelle entre les jambières de Marc-André Fleury, sorti derrière son filet, pour la déposer directement sur la palette de Josh Anderson, qui se promenait dans l’enclave. La providence même. L’ailier du Canadien a inscrit son premier but en 13 matchs, pour forcer la prolongation.

Puis en supplémentaire, Jesperi Kotkaniemi a intercepté une rondelle à sa ligne bleue. Il a effectué une longue passe, haute, à Anderson, qui entrait en zone adverse. Franchement pas la passe la plus facile à capter. D’autant qu’Anderson faisait dos au jeu. Par chance, la rondelle a heurté son bâton et a été rabattue au sol. Encore les fantômes ? Ou le souffle des partisans ? Je vous laisse trancher. Paul Byron a récupéré la rondelle. Fleury a anticipé un lancer. Byron, patient, a plutôt passé à Anderson, qui a inscrit le but le plus important du Canadien depuis 28 ans.

Pourquoi le plus important ?

Parce qu’il permet au Tricolore de prendre l’avance 2-1 dans la série. Pouvez-vous croire, c’est la première fois depuis la conquête de la Coupe Stanley en 1993 que le Canadien mène lors d’une demi-finale. Mes jeunes collègues n’étaient même pas nés !

Plus que jamais, je crois aux chances de cette Ă©quipe.

Parce que même dominée, comme ç’a été le cas vendredi, elle trouve des façons de gagner.

Parce qu’elle gagne enfin ses matchs en prolongation.

Parce qu’elle compte sur le gardien de l’heure dans la Ligue nationale. Hormis sa boulette sur le but d’Alex Pietrangelo, Carey Price a été époustouflant, vendredi. Il a volé la victoire, avec 43 arrêts. Un bombardement. Sa prestation est d’autant plus remarquable que les Golden Knights ont tiré à répétition du bas de l’enclave. Une quinzaine de fois, selon les chiffres d’Evolving-Hockey. Price a aussi été impérieux face à Alex Tuch en échappée.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

En troisième période, Alex Tuch (89) croyait bien avoir porté la marque à 3-1 en faveur de Vegas… mais Carey Price en a décidé autrement. Le gardien du CH a fait le grand écart pour empêcher la rondelle de pénétrer dans le filet avec son patin.

J’avais prédit une demi-finale de six matchs.

Qui prendrait fin à Montréal, le soir de la Saint-Jean.

Vous permettez que je change un petit détail ?

Un tout, tout petit détail ?

Ce ne sont pas les Golden Knights qui gagneront.

Ce sera le Canadien.

La COVID-19 et le Tricolore

Avant la partie, vendredi soir, nous avons appris que l’entraîneur-chef du Canadien, Dominique Ducharme, était infecté par la COVID-19.

Alors pourquoi le match a-t-il eu lieu ?

La question se pose.

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En l’absence de Dominique Ducharme, infecté par la COVID-10, c’est Luke Richardson (au centre) qui a pris la relève derrière le banc du Canadien, vendredi soir. Il était secondé par Alex Burrows (à droite) et Sean Burke.

En mars, lorsque Joel Armia a contracté la COVID-19, le Canadien a dû cesser ses activités pendant environ une semaine. Pourquoi est-ce différent maintenant ? Le virus est-il plus virulent en saison qu’en séries ?

Mes collègues et moi avons tenté d’obtenir des explications de la Santé publique du Québec. En vain. Nous nous sommes donc rabattus sur les documents officiels.

Sur son site, le gouvernement du Québec précise les « consignes à suivre pour la personne identifiée comme contact d’un cas confirmé de COVID-19 ». Ce qui correspond au profil des joueurs du Canadien. Dans les derniers jours, ils ont côtoyé étroitement Dominique Ducharme. Souvent à moins de deux mètres, pendant plus de 15 minutes, et sans masque médical (pour les joueurs). Théoriquement, les joueurs devraient s’isoler pendant 14 jours, peu importe le résultat de leurs tests quotidiens.

Sauf que…

La Santé publique vient de diffuser discrètement une nouvelle mesure. Dans un document destiné aux employeurs, mis à jour mercredi, la Santé publique de Montréal indique que les « travailleurs immunisés » n’ont plus à s’isoler après un contact avec une personne infectée.

C’est quoi, un « travailleur immunisé » ? C’est une personne qui :

– A eu un épisode de COVID-19 confirmé depuis moins de six mois (vaccinée ou non) ;

– A eu un épisode de COVID-19 confirmé il y a plus de six mois, et qui a reçu au moins une dose de vaccin ;

– A reçu deux doses de vaccin et a été en contact avec le cas sept jours ou plus après la deuxième dose.

Les joueurs du Canadien ont reçu leur deuxième dose de vaccin le 9 juin. Le test positif de Dominique Ducharme a été prélevé le 17 juin. Donc huit jours après la deuxième dose de ses joueurs. Dès lors, ces derniers n’ont plus à s’isoler si leurs tests sont négatifs.

La Santé publique du Québec n’a pas confirmé officiellement qu’il s’agissait de la raison pour laquelle elle a autorisé la présentation de la troisième partie de la série entre le Canadien et les Golden Knights. Ce sont des experts de l’organisme – des lecteurs de La Presse – qui nous ont joints pour nous signaler dans quel document trouver cette nouvelle mesure.

Une règle qui mériterait d’ailleurs une bien meilleure diffusion.