On sait tous qu'Adrian Diaconu va affronter Jean Pascal pour le championnat du monde des mi-lourds du WBC, le 19 juin au Centre Bell. Ce qu'on sait moins, c'est que les deux boxeurs se sont déjà affrontés.

C'était en 2004. Pascal se préparait pour les Jeux olympiques. Diaconu, fort d'une quinzaine de combats professionnels, avait brièvement servi de partenaire d'entraînement au jeune olympien. Puis il avait disparu. «On disait qu'il était parti, car un amateur lui donnait une leçon», a lancé Pascal en conférence de presse, le mois dernier.

Une flèche typique de Pascal, qui aime bien provoquer. Il ne devrait pourtant pas être si frondeur, estime Stéphan Larouche, entraîneur de l'équipe nationale à l'époque.

«J'imagine que Marc Ramsay (l'entraîneur de Pascal) ne l'a jamais dit à Jean. Mais j'avais dit à Marc qu'il était préférable d'arrêter si on voulait qu'il reste quelque chose de Pascal, raconte Larouche, qui a agi comme consultant pour Diaconu (26-0-0) en vue du combat de vendredi. Il se faisait brasser par Adrian et il avait la langue à terre. Marc m'avait donné raison. Jean ne gagnait jamais de ronde et il se faisait bombarder de tous les côtés.»

Faudra voir ce qu'en dira Pascal (22-1-0) lors de la conférence de presse des deux boxeurs, ce matin. Diaconu, lui, préfère se concentrer sur l'avenir. Tellement qu'il sait déjà ce qu'il fera du reste de son été, quoi qu'il arrive contre Pascal, vendredi. «Je prends de longues vacances et je m'en vais à la pêche à la baie James!», lance-t-il.

On peut s'étonner que Diaconu ait besoin de repos. Après tout, le mi-lourd d'origine roumaine n'a livré que trois combats en deux ans et demi. Mais voilà: le Shark n'a pratiquement pas arrêté de s'entraîner depuis qu'il a battu l'Américain Chris Henry à Bucarest, en avril 2008, en combat de championnat intérimaire du WBC.

«J'ai passé une année sans me battre, mais j'ai été dans le gym tous les jours», dit Diaconu, rencontré la semaine dernière au gymnase d'InterBox, dans les catacombes du centre Claude-Robillard.

Le champion Chad Dawson l'a d'abord fait poireauter avant d'abandonner sa ceinture à l'été 2008. Diaconu a hérité du titre et devait ensuite affronter l'aspirant numéro un, l'Italien Silvio Branco, mais l'affrontement a été remis à plusieurs reprises. Si bien que ce n'est que le 4 avril dernier, dans un combat organisé à la hâte, qu'il est finalement remonté dans l'arène, au Centre Bell. Il a battu le modeste David Whittom (10-9-1) par décision unanime, au terme de huit rondes pas très convaincantes qui lui ont valu des huées.

Les amateurs ne devraient pas se fier à cet affrontement pour prédire l'issue du combat contre Pascal, estime l'entraîneur de Diaconu, Pierre Bouchard.

«Adrian n'a pas répondu aux attentes du public, qui pensait que ça se terminerait par knock-out au premier round. Mais il faut être deux pour danser et David a livré un combat très intelligent en ne prenant aucun risque. C'est dur de passer le K.-O. à quelqu'un qui ne veut pas se battre», dit-il.

Diaconu, qui devait à l'origine se battre contre Branco deux semaines plus tard, n'était pas au sommet de sa forme car il était en phase de surcharge dans son entraînement, ajoute l'entraîneur. «Ce combat-là a quand même été une bénédiction. Après un an loin du ring, Adrian a pu enlever les toiles d'araignée.»

Diaconu hausse les épaules quand on lui mentionne son duel avec Whittom. «Les gens aiment voir des K.-O., mais ça ne se passe pas tout le temps comme ça. J'étais très content. J'ai boxé huit rondes sans faire d'erreur et sans prendre de coups de poing pour rien. C'était parfait pour un retour dans le ring après une longue absence.»

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Diaconu file le parfait bonheur depuis qu'il a signé un contrat avec InterBox, il y a un peu plus de deux mois. «Ma vie et ma carrière ont changé. C'est comme une nouvelle vie. Finalement, j'ai un contrat, je suis bien appuyé et je sais quel jour je vais me battre, alors qu'avant, j'ignorais ce qui m'attendait. C'était difficile.»

Même s'il habite Montréal depuis 1997, Diaconu vit dans l'ombre de son compatriote Lucian Bute. Ça s'explique. Contrairement au champion IBF des super-moyens, il s'exprime habituellement en anglais, un obstacle dans un marché surtout francophone. Il n'a pas eu de promoteur pendant cinq ans et ses intérêts ont donc été défendus avec moins de vigueur qu'il aurait pu l'espérer. Et il a été malchanceux: en septembre 2007, il s'est blessé à la main droite juste avant un combat de championnat du monde contre Dawson, qui a ensuite préféré livrer des combats plus lucratifs (Glen Johnson, Antonio Tarver) plutôt que de l'affronter. Résultat: les amateurs de boxe n'ont pas souvent eu la chance de le voir en action.

Dommage, car Diaconu, un boxeur explosif, frappe dur et donne habituellement un bon spectacle. «Il a le fusible très sensible, dit Stéphan Larouche. C'est ce qui fait que le monde l'aime. Il préfère se brûler pour donner un show plutôt que de s'économiser pour gagner par décision!»

Même s'il est conscient de sa tendance à épuiser prématurément ses cartouches, Diaconu jure qu'il n'a pas l'intention de mettre la pédale douce dans les premières rondes contre Pascal. «Je ne commence jamais lentement, dit-il. Je suis un guerrier et je me sens bien quand je me bats.»

Se pourrait-il que le clan Diaconu verse dans l'intox et camoufle son véritable plan de match? Non, assure Bouchard. «Les gens s'attendent à ce qu'Adrian sorte fort et il va sortir fort. Il va sprinter le plus longtemps possible. Jean Pascal peut bien penser qu'Adrian va manquer de jus, mais il va quand même falloir qu'il passe à travers les trois premiers rounds. Il est mieux d'attacher sa tuque.»