C'est probablement Yvon Michel qui a le mieux résumé la performance de Jean Pascal lors de son combat de championnat du monde des super-moyens du WBC, hier soir. «C'est peut-être une défaite, mais Jean Pascal n'a rien perdu.»

Le combat, le boxeur québécois l'a perdu, pas de doute là-dessus. Porté par la bruyante foule réunie au Trent FM Arena de Nottingham, l'Anglais Carl Froch a pris l'ascendant dans la deuxième moitié d'un affrontement qui ressemblait par moments à une bagarre de rue - et qui risque fort de figurer en bonne place au palmarès des meilleurs combats de l'année. Sa victoire par décision unanime (118-110, 117-111 et 116-112, ont dit les juges), était parfaitement méritée, même si un juge a été nettement trop généreux envers lui.

 

Mais si Pascal a perdu, il a aussi gagné beaucoup: le respect de ceux qui doutaient de sa détermination et de son courage (et aussi de son menton). Parce qu'il en fallait, de la détermination et du courage, pour contre-attaquer, round après round, même si Froch, la main gauche basse comme il en a l'habitude, faisait inlassablement valser les enclumes qui lui servent de poings.

«J'ai donné tout ce que je pouvais, mais le meilleur homme l'a emporté», a dit Pascal en sortant du ring, les yeux humides après avoir longuement enlacé son vieil ami, le boxeur Antonin Décarie, et son neveu Brandon, en larmes lui aussi.

L'oeil droit et le front tuméfiés, Pascal a reconnu n'avoir jamais affronté jusque là une machine de boxe comme Froch. Le natif de Nottingham avait remporté ses sept derniers combats avant la limite et présente désormais une fiche de 24-0-0, dont 19 K.-O.

«J'ai beaucoup appris. Je me suis fait frapper, j'ai eu souvent le pouce dans l'oeil droit. Mon oeil est enflé, mon front est enflé, mon corps me fait mal. Carl Froch est un boxeur solide, qui cogne dur. Mais j'ai été dans le combat tout le long. C'est sûr qu'il avait la foule derrière lui. Ça a peut-être fait une différence ce soir.»

Froch lui rend hommage

Chose certaine, Pascal n'a jamais eu l'air dépassé par les événements, contrairement à ce qu'avait prédit Froch en conférence de presse, mercredi. Le nouveau champion a d'ailleurs rendu hommage à son cadet de cinq ans. «J'ai beaucoup de respect pour Jean Pascal. Il est venu ici pour se battre. Il est dans une forme fantastique, c'est un top athlète et il va revenir. Il n'a que 26 ans.»

Froch a sorti l'artillerie lourde dès le premier round, entraînant Pascal dans les câbles et plaçant trois attaques soutenues sur son rival. Le Québécois ne s'est toutefois pas laissé démonter et a remporté, selon la carte de La Presse, trois des cinq premiers rounds. Des rounds endiablés, où les deux boxeurs ont à au moins deux reprises continué à échanger des coups après que le gong eut retenti.

Mais plus le combat avançait, plus c'est Froch qui prenait l'initiative. Toujours premier à quitter son tabouret au son de la cloche, il avait plus d'énergie que Pascal, qui a pourtant continué à rendre coup pour coup.

«Jean Pascal est dur et il est fort. Je l'ai frappé avec des coups puissants et il a continué de foncer. Il était fatigué à compter du sixième round - et j'étais fatigué moi aussi - mais il est resté là pendant 12 rounds. Ç'a été une dure bataille», a dit Froch, qui ne dirait pas non à un combat d'unification contre Lucian Bute, «vulnérable» selon lui après sa quasi-défaite contre Librado Andrade.

Du coeur à revendre

Le promoteur Yvon Michel était fier de la performance de Pascal. «Froch est un dur, a-t-il souligné. Il a l'intensité d'Andrade, la force de frappe d'Edison Miranda et la condition physique de Lucian Bute. C'est un gars impressionnant et je n'ai aucune crainte pour lui contre (l'aspirant obligatoire) Jermain Taylor.

«Jean a montré qu'il avait du coeur à revendre et une mâchoire infaillible. Il manque juste un peu d'expérience. On y a cru jusqu'à la dernière cloche, même si on se doutait que Jean tirait de l'arrière aux points.»

Vers l'avant

Pascal, qui ne s'était pas battu depuis janvier, va maintenant prendre un repos mérité, lui qui vient de se taper deux mois d'entraînement intensif, en Arizona.

«Il va devenir une force avec laquelle il faut compter dans la division des super-moyens. Il va juste devoir faire un pas ou deux vers l'arrière pour mieux rebondir», a dit Michel, avant d'oser une prédiction: «Dans un an et demi ou deux ans, maximum, Jean va avoir un combat revanche. Et le résultat va être différent.»

Pascal regardait lui aussi vers l'avant. «Carl Froch a eu le meilleur sur moi aujourd'hui, mais je suis encore jeune. J'ai 26 ans et j'ai encore l'avenir devant moi. Je vais retourner au gym et m'entraîner encore plus fort. Je sais qu'un jour je suis destiné à devenir champion du monde.»

Après une performance comme celle d'hier, il est certes en droit d'espérer.