(Los Angeles) Toujours plus haut, vers des cieux pourtant présumés inaccessibles, LeBron James devrait devenir cette semaine le meilleur marqueur de l’histoire de la NBA devant Kareem Abdul-Jabbar, avec lequel les relations sont pour le moins glaciales, alors que tout semble rapprocher ces deux légendes.

Il ne manque plus que 36 unités au « King » pour dépasser, également en vingt saisons, les 38 387 points de son glorieux aîné, 75 ans. Cette couronne, qui lui est promise, est certainement la plus prestigieuse qui soit sur le plan individuel.

James a convenu la semaine passée avoir conscience de battre « l’un des plus grands records dans le sport en général, l’un de ceux dont on pense qu’il ne sera jamais battu ». Les faits lui donnent raison, car ce trône n’a changé qu’une fois de propriétaire depuis 1966, lorsque Abdul-Jabbar a dépassé Wilt Chamberlain le 5 avril 1984.

« LBJ » peut y s’asseoir durablement dès mardi contre le Thunder d’Oklahoma City. Sinon, ce devrait être jeudi, toujours à Los Angeles contre les Bucks de Milwaukee. Coquetterie du destin : avant de devenir un monument des Lakers, « KAJ » a été un géant des Bucks.

Dans le débat sans fin pour désigner le « GOAT », le meilleur joueur de tous les temps, cela se joue communément entre Michael Jordan et James, même si Abdul-Jabbar reste dans la discussion. Or, ces deux derniers ont tant en commun, de l’excellence dans la durée, à la lutte contre l’injustice raciale, que le parallèle entre eux s’impose bien plus.

Exemplarité

En vingt saisons, ils ont chacun joué dix finales, « KAJ » remportant six titres, « LBJ » quatre. Ils auront su rester dominants en dépit du temps qui passe. Et si le premier n’a décliné qu’après la quarantaine, le second est toujours au sommet de son art à 38 ans.

« LBJ » dépense des centaines de milliers de dollars chaque année pour rester en pleine forme, entouré de cuisiniers, diététiciens, entraîneurs, masseurs personnels…

Adepte du yoga, « KAJ » s’était imposé un régime alimentaire strict après s’être converti à l’islam, également conseillé par Bruce Lee, devenu son ami lors du tournage de Game of Death.

PHOTO AARON GASH, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Kareem Abdul-Jabbar

Le cinéma les rassemble aussi, depuis que James a joué dans Space Jam : A New Legacy. Abdul-Jabbar avait lui gagné en popularité dans la comédie Airplane!.

Or, Kareem, enfant du mouvement des droits civiques, traîna une image d’austère. Féru de jazz, son stoïcisme passait pour de la rigidité, il évitait les médias, dont il se méfiait.

James supporte une pression médiatique autrement plus forte, qu’il contrôle jusqu’aux réseaux sociaux. Quand il ne relaye pas le dernier Drake, il est le premier à dénoncer les injustices raciales. Et il met la main au portefeuille : pour fonder une école, financer des programmes d’aide, créer une association pour inciter les Noirs à voter.

Mais tout ceci ne l’exonère de rien aux yeux d’Abdul-Jabbar. Car selon lui, la place qu’il occupe, l’admiration qu’il suscite, l’obligent à l’exemplarité. Or, « certaines des choses que LeBron a faites et dites sont vraiment indignes de lui », a-t-il estimé.  

« Pas de relation »

Il y eut ce geste déplacé de James en novembre 2021 contre les Pacers, qu’il chambra en touchant ses parties génitales. « Pourquoi as-tu besoin de faire une danse stupide, de manquer de respect à l’autre équipe ? », l’avait alors tancé son aîné.

Quelques temps après, « LBJ », vaccinosceptique, publiait sur Instagram une image suggérant qu’il y a aucune de différence entre la COVID-19, la grippe ou un rhume.

« LeBron s’est engagé à être un leader de la communauté afro-américaine dans la lutte contre les inégalités. Mais son message a porté un coup à son digne héritage. Il doit défendre la vaccination, qui pourrait sauver des milliers de vies noires », l’avait sermonné Abdul-Jabbar.

« KAJ » s’était ensuite excusé. « J’ai réprimandé LeBron lorsque je pensais qu’il laissait tomber la communauté. Mais je l’ai fait tel un grand frère offrant des conseils […] Ces dernières années, mon respect et mon admiration n’ont fait que croître, car je l’ai vu défendre des causes importantes. Je suis heureux de passer le flambeau à quelqu’un de si digne ».

Des mots qui ont laissé James de marbre, affirmant fin décembre sur un ton glacial n’avoir « aucune pensée » pour Abdul-Jabbar à mesure qu’il se rapprochait de son record, ajoutant que, de toute façon, « il n’y a pas de relation » entre eux.

Que signifie le fait que James soit sur le point de surpasser Abdul-Jabbar ?

C’est sur le point d’arriver. LeBron James est en passe de doubler Kareem Abdul-Jabbar pour le record de points dans la NBA, ce qui signifie que le flambeau passera donc d’un membre des Lakers de Los Angeles à un autre.

Ce record sera-t-il encore battu ?

Peut-être, mais pas de sitôt.

James est sur le point d’éclipser la barre des 40 000 points la saison prochaine et est également sous contrat pour une saison de plus par la suite. Et quand bien même, il n’y a aucune garantie qu’il ne continuera pas à jouer ; il a dit à plusieurs reprises qu’il aimerait rester dans la NBA assez longtemps pour que son fils, LeBron James fils – plus communément appelé « Bronny » – se rende dans la ligue, ce qui n’arrivera pas avant 2024-2025 au plus tôt.

Le joueur en activité le plus proche actuellement de LeBron James dans la NBA est Kevin Durant, avec les Nets de Brooklyn, qui a 26 684 points. Durant devrait probablement jouer au moins six ou sept saisons supplémentaires simplement pour rattraper la marque d’Abdul-Jabbar – et qui sait jusqu’où James élèvera la barre d’ici là.

Donc, à moins que la NBA n’ajoute un tir de 10 points, le record ne sera pas battu avant très, très longtemps.

Comment James en est-il arrivé à ce point ?

James a fait son entrée dans la NBA dès la sortie de l’école secondaire ; Abdul-Jabbar a dû faire une carrière universitaire avant de pouvoir rejoindre la ligue. James avait 18 ans lorsqu’il a marqué ses premiers points dans la NBA ; Abdul-Jabbar avait 22 ans.

Il a fallu 20 saisons à Abdul-Jabbar pour atteindre les 38 387 points. James le rattrapera à sa 20e saison également.

LeBron James a su rester constant, en particulier au cours des trois premiers quarts de sa carrière. Il n’a raté que 71 matchs lors de ses 15 premières saisons. Depuis qu’il a rejoint les Lakers il y a 4 saisons et demie, il a manqué près de 100 matchs. Cependant, il a toujours évité les blessures graves ; c’est dû en partie à de la chance, mais une grande partie est due au fait qu’il investirait plus d’un million de dollars par an en soins pour son corps.

Est-il pour autant le meilleur de tous les temps ?

LeBron James peut très bien être considéré comme le meilleur de tous les temps, de par sa longévité sur le terrain, ses réalisations, et également du fait que personne dans l’histoire de la NBA n’a été aussi difficile à arrêter depuis plus de 20 ans. Or, d’autres légendes sont également dans la conversation, comme Abdul-Jabbar, avec son record de points, et son tir-signature, le « sky hook ». Michael Jordan, qui a remporté six fois le championnat et est l’un des plus grands athlètes de l’histoire du sport. Stephen Curry des Warriors de Golden State, qui est le spécialiste des paniers à trois points le plus prolifique de l’histoire, ou encore Magic Johnson, Larry Bird, et bien d’autres encore.

Au final, la réponse au débat à savoir qui est le meilleur joueur de tous les temps est qu’il n’y en a pas qu’un seul, mais plusieurs. Et à ce niveau, c’est plus une question d’opinion personnelle.

Tim Reynolds, Associated Press