Nommée directrice des opérations pour la future franchise montréalaise de la Ligue canadienne élite de basketball, Annie Larouche s’est surtout fait connaître du public en dirigeant pendant 25 ans l’équipe de cheerleaders des Alouettes de Montréal. Mais dans les coulisses, elle a fait plusieurs autres tâches qui l’amènent aujourd’hui à occuper ce nouveau poste.

Annie Larouche a 24 ans en 1996 quand elle apprend que l’équipe de football des Stallions de Baltimore revient à Montréal pour faire partie de la Ligue canadienne de football. À l’époque, Larouche est greffière le jour en chambre criminelle et pénale. Et le soir, elle est meneuse de claque (cheerleader) pour l’équipe de roller-hockey des Roadrunners de Montréal.

« Quand j’ai appris qu’une équipe de football revenait à Montréal, je me suis dit que mon groupe de 10 cheerleaders des Roadrunners et moi, on pourrait travailler aussi pour la nouvelle équipe de football », raconte Larouche.

Ne sachant trop qui s’occupait de ce qui deviendra les Alouettes, Larouche appelle tout bonnement au Stade olympique. On lui suggère d’appeler l’avocat Cookie Lazarus, qui participe à la transaction.

« J’ai dactylographié mon CV. Et je l’ai envoyé par la poste pour proposer nos services. On était vraiment à une autre époque ! », raconte Larouche.

Tenace, la jeune fille fait plusieurs suivis auprès du cabinet de Me Lazarus. Un jour, c’est finalement l’avocat Mitch Garber qui la rappelle et lui confirme que sa proposition a été reçue. Quelques semaines plus tard, on lui offre le poste de responsable de l’équipe de meneuse de claque pour les Alouettes de Montréal. « On m’a remerciée pour ma persévérance… », se souvient Larouche.

La jeune femme met de côté ses études de soir en criminologie. Pendant ses trois premières années avec les Alouettes, elle a toutefois continué d’occuper son poste de greffière.

Peu de modèles

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Annie Larouche a occupé le poste de responsable de l’équipe de meneuse de claque pour les Alouettes de Montréal à partir de 1996.

Native de Montréal, Larouche a fait beaucoup de ballet classique dès son plus jeune âge. Elle se décrit comme une enfant « qui aimait bouger » et qui serait peut-être considérée aujourd’hui comme hyperactive. Vers l’âge de 10 ans, elle passe à la gymnastique.

À 14 ans, elle se fracture un bras en ratant une manœuvre aux barres asymétriques et doit mettre un terme à sa carrière de gymnaste. Elle se consacre alors à la danse. Et devient entraîneuse de gymnastique. Quand vient le temps de choisir un emploi, Larouche se tourne vers la technique juridique, même si le monde du sport la passionne.

Il n’y avait pas de femmes dans l’administration dans le sport à l’époque. Je n’avais aucun modèle féminin. Le plus proche exemple de femme dans le sport que j’avais, c’était la mère d’une amie qui travaillait à la billetterie à la RIO.

Annie Larouche

Alors qu’elle travaille comme greffière, elle évolue aussi dans ses temps libres comme cheerleader pour la Machine de Montréal (1992), pour l’éphémère équipe de basketball des Dragons de Montréal (1993) et pour les Roadrunners (1994-1995).

À seulement 24 ans, Annie Larouche est la plus jeune entraîneuse de meneuse de claque de la LCF à son arrivée. Mais rapidement, elle impressionne par sa détermination.

Au fil des ans, ses responsabilités augmentent. Annie Larouche finira par occuper les postes de directrice exécutive de la Fondation des Alouettes et des relations communautaires et directrice de l’Association des anciens Alouettes, en plus de continuer de diriger l’équipe de cheerleaders.

Elle reconnaît avoir eu un peu le syndrome de l’imposteur au début. Il faut dire qu’avec les Alouettes, mis à part l’adjointe du président, les gens de l’administration étaient au départ uniquement des hommes. « Moi, j’arrivais du monde juridique… Mon meilleur outil, c’est d’être préparée. Si tu arrives et que tu ne sais pas quoi dire, tu n’as pas de crédibilité. Mais si tu es prête et que tu as des arguments, personne ne peut te faire de reproches », dit-elle.

Pendant toutes ces années, Larouche n’arrête jamais de suivre des formations à distance à l’université. En administration, en marketing, en psychologie, en relations publiques, en ressources humaines… « J’étais dans l’organisation depuis le jour 1. J’ai touché à tout ce qui se faisait, que ce soit la logistique des jours de match, la planification stratégique, les ressources humaines, le marketing… », dit-elle.

Larouche le reconnaît : le fait qu’elle soit depuis le début de sa carrière associée au monde du cheerleading a fait qu’il a été « plus long de faire valoir [sa] crédibilité ». « On m’a déjà répété que si je voulais progresser, je devais lâcher le cheer […] Mais moi, je ne voyais pas d’obstacle. Je disais que si les gens avaient des préjugés, ça leur appartenait. Je suis parfaitement capable de faire la job et de monter. »

Le saut dans le monde du basketball

PHOTO FOURNIE PAR ANNIE LAROUCHE

Annie Larouche Larouche est directrice des opérations pour la nouvelle franchise de basketball qui sera à l’œuvre à Montréal dès mai 2022.

En février dernier, la Ligue canadienne élite de basketball (LCEB) a annoncé que Larouche était nommée directrice des opérations pour la nouvelle franchise qui sera à l’œuvre à Montréal dès mai 2022. « Comme avec les Alouettes, on part de zéro. On doit tout bâtir », dit-elle, en se disant plus que motivée par le défi.

C’est Mike Morreale, ancien des Tiger Cats de Hamilton et commissaire de la LCEB, qui a contacté Larouche il y a quelques mois pour lui offrir le poste. Les deux se connaissaient pour avoir collaboré sur certains projets avec l’Association des joueurs de la LCF, dont Morreale a été président.

Pour l’instant, Larouche est la seule représentante de la future franchise à Montréal. Des négociations sont en cours au sujet de l’amphithéâtre où évoluera l’équipe.

Larouche participe aussi au processus pour choisir le nom, le logo et les couleurs de l’équipe. Quand on lui demande si elle envisage de nommer l’équipe le « Club de basketball de Montréal », Annie Larouche rigole. « Pour le nom et le logo, je veux qu’on consulte les gens. Je veux savoir quelles sont les attentes », dit la mère de deux adolescents.

Du Jazz aux Dragons, six autres équipes de basketball ont essayé de s’implanter à Montréal au cours des dernières années, sans succès. Annie Larouche estime que la situation est cette fois-ci différente. Les succès des Raptors dans la NBA ont créé un engouement pour le sport. Elle souligne aussi que la structure de la ligue est « solide » et que c’est le même propriétaire qui possède les huit équipes de la ligue (Montréal sera la huitième équipe).

Depuis sa nomination, et même avant, Larouche a beaucoup réfléchi à la question de la place des femmes dans le sport. Pour elle, les dirigeants en place ne donnent pas une « chance » aux candidates féminines. Ils ont plutôt la « confiance » de tout simplement leur « laisser la place ».

Larouche estime ne pas avoir été choisie parce qu’elle est une femme, mais tout simplement parce qu’elle est la bonne candidate et parce qu’elle a fait ses preuves. « J’ai toujours foncé. Je me disais toujours qu’au pire, on me dirait non […] Dans la vie, si tu veux quelque chose, va le chercher », dit-elle.