« J’adorais le basketball. Mais quand j’ai commencé à essayer de devenir professionnel, je voulais m’assurer que je serais capable de prendre soin de ma mère. Elle a fait tellement de choses pour moi, elle a fait tellement de sacrifices. »

On sait du nouveau directeur général de l’Alliance de Montréal, Joel Anthony, qu’il a porté les couleurs de quatre équipes de la NBA et remporté deux championnats. Aujourd’hui, on s’intéresse à son parcours.

L’ex-athlète de 39 ans a pris près d’une heure de son temps, lundi après-midi, pour nous raconter d’où il venait et par où il est passé pour se rendre où il se trouve aujourd’hui, c’est-à-dire à la tête de la nouvelle équipe de basketball professionnelle de Montréal.

Quand on lui propose d’utiliser la langue de son choix pour répondre à nos questions, le colosse de 6 pi 9 po répond dans la langue de Molière : « Je veux pratiquer mon français. S’il y a quelque chose que je ne peux pas dire en français, je vais le dire en anglais. Est-ce que c’est correct ? »

Allons-y, donc.

Anthony a grandi à Dollard-des-Ormeaux, dans l’ouest de Montréal, où il habitait seul avec sa mère, Erene Anthony. « Elle travaillait extrêmement fort, dit-il. C’était elle et moi pendant un bon bout », c’est-à-dire jusqu’à ce qu’il ait 12 ans, quand sa sœur de cinq ans son aînée a déménagé d’Antigua à Montréal.

[Ma mère] s’assurait toujours qu’on ait ce dont on avait besoin, de nous enseigner de bonnes valeurs. C’était une belle enfance.

Joel Anthony

Jeune homme actif et athlétique, le petit Joel courait partout, tout le temps. L’automne, il évoluait pour l’équipe de football de son école, Selwyn House School, et l’hiver pour celle de basketball. Il était d’ailleurs à l’époque un grand admirateur d’un certain Michael Jordan…

Vers l’âge de 15 ans, notre protagoniste s’est joint à l’Emmanuel Christian School, où il n’y avait qu’un programme de basketball. Et ça tombait plutôt bien, parce qu’une poussée de croissance l’avait fait passer de 6 pi à 6 pi 6 po l’été précédent…

« Tout s’est placé pour que je mette plus d’accent sur le basketball », lance-t-il.

C’est à ce moment qu’il est réellement tombé amoureux du sport. Désireux de perfectionner son jeu et d’en apprendre le plus possible sur le basket, il a acheté des magazines, étudié les joueurs, regardé des faits saillants« Ça prenait tout mon intérêt, tout mon temps. »

L’évolution d’un jeune joueur

Anthony a ensuite porté le bleu du collège Dawson, d’abord dans le AA, puis dans le AAA. Ceux qui l’ont connu dans la NBA ne seront pas médusés d’apprendre qu’il excellait défensivement.

« J’avais le timing pour bloquer des lancers, dit-il. Mon physique rendait ça facile pour moi. C’était juste naturel. C’est la qualité que je peux dire que j’ai toujours eue. »

À sa dernière année avec le collège Dawson, le jeune homme a décidé de s’entraîner par lui-même. Il voulait s’améliorer. Et ça a fonctionné. L’année suivante, en 2002, il s’est retrouvé dans un junior college à Pensacola, en Floride.

« À ma deuxième saison [à Pensacola], il y avait beaucoup de monde qui tentait de me recruter, se souvient-il. Ça rendait mes entraîneurs fous. Ils disaient : “Le téléphone sonne tout le temps, et c’est toujours pour toi.” »

Puis il a été recruté par l’Université du Nevada, à Las Vegas. Après y avoir joué une saison, il a opté pour une année comme redshirt – une campagne sans matchs afin de gagner un an de plus à l’université.

« C’était ma chance de devenir un professionnel, explique-t-il. C’est ce que je voulais faire.

« J’ai eu mon diplôme [en sociologie et éducation physique]. En fait, c’est pas mal ce qui importait pour ma mère. Elle était directrice d’école. L’éducation, c’était très important. J’ai obtenu mon diplôme, mais mon attention était tournée vers mon objectif d’être un professionnel. »

Et c’est ce qu’il est devenu. L’année suivante, à l’âge de 24 ans, Anthony enfilait le chandail du Heat de Miami.

Douze années pro

Comment t’es-tu senti quand tu as appris que tu perçais l’alignement du Heat ? lui demande-t-on.

« Ç’a été une surprise totale, répond-il. Ils [les dirigeants] ne m’ont pas appelé, ne me l’ont pas dit. […] Je suis entré dans le vestiaire et j’ai vu mon nom sur le casier. C’est comme ça que je l’ai su. Je n’y croyais pas. J’essayais d’appeler ma mère ou mon agent, mais je n’arrivais pas à les joindre. »

Trois ans plus tard, en 2010, le centre a signé un nouveau contrat de cinq ans et 18 millions avec le Heat, qui venait de s’entendre avec LeBron James et Chris Bosh, entre autres.

PHOTO MIKE STONE, ARCHIVES REUTERS

Chris Bosh, LeBron James, Dwyane Wade et Joel Anthony avec le Heat de Miami, en novembre 2010

« J’étais heureux de savoir que je serais dans une situation où je pourrais prendre soin de ma famille, relate Anthony. Je l’ai dit à ma mère : “Tout va bien aller, nous allons être corrects.” Ça voulait dire beaucoup pour ça. Mais sinon, ce pourquoi c’était si gros pour moi, c’est à cause de ce qu’on bâtissait là-bas avec l’équipe. »

En 2012, la formation de Miami a remporté le championnat de la NBA. Même chose en 2013. « Ça fait partie de mes plus beaux souvenirs. […] Le jour où tu réussis enfin, que le temps s’écoule sur le cadran, que les confettis commencent à tomber et que tu vis toutes ces émotions… C’est tellement spécial. »

Au total, Anthony a disputé sept saisons avec le Heat, après quoi il a été échangé aux Celtics de Boston, avec lesquels il a disputé 21 matchs avant d’être envoyé aux Pistons de Detroit. Il y a passé deux saisons, avant de jouer sa dernière année en NBA avec les Spurs de San Antonio.

Anthony a tenté de percer l’alignement des Bucks de Milwaukee l’année suivante, sans succès. Il a finalement terminé sa carrière professionnelle en Argentine, où il a joué deux ans et remporté deux championnats nationaux avec le San Lorenzo d’Almagro, dans la Liga Nacional de Básquetbol.

Il a accroché ses baskets en 2019, à l’âge de 37 ans. Et en janvier 2020, il devenait consultant au développement des joueurs pour les Honey Badgers de la Ligue élite canadienne de basketball (LECB).

Ce qui nous amène au 8 décembre, quand il est devenu le tout premier directeur général de l’Alliance de Montréal. Alors que sa conjointe et sa fille de 5 ans resteront à Toronto pour l’instant, lui passera beaucoup de temps dans la métropole au cours des prochains mois.

« Ça veut dire beaucoup pour moi de revenir à la maison, laisse-t-il entendre. Surtout en ce moment. Je crois au fait d’évoluer, de continuer de s’améliorer. Je prends de bien plus grandes responsabilités que toutes celles que j’ai eues jusqu’à maintenant. Le fait que c’était quelque chose qui aurait un si grand impact sur Montréal, ma ville, j’étais vraiment emballé par ça. »

Pendant ses sept ans à Miami, l’ex-athlète a vu ce qu’il faut faire pour avoir une équipe gagnante.

« Les meilleures équipes, de ce que j’ai vu, sont cohérentes en termes de stabilité et de discipline. Je vais essayer d’amener ces mêmes valeurs à l’Alliance. C’est ce qui est excitant : essayer de mettre toutes les pièces ensemble pour que ça fonctionne. »

Et puis derrière le travail d’Anthony avec l’Alliance, il y aura toujours un peu de sa mère. Elle était d’ailleurs assise en première rangée lors de la conférence de presse annonçant sa nomination comme directeur général.

« C’est mon inspiration », a-t-il réitéré au bout du fil.