Comme nous tous, ou presque, Bill Wennington ne rate pas un seul épisode de la série The Last Dance. Avec grand plaisir, il revoit les images des Bulls des années 90. Ces images poétiques où Michael Jordan tient le rôle du magicien au ballon rond. Ces images qui projettent le souvenir des triomphes, des disputes, des tragédies. Comme nous tous, ou presque, il revoit tout ça avec un mélange d’étonnement et d’admiration.

Il y a une différence, tout de même : Wennington n’est pas qu’un simple spectateur. Parce que The Last Dance, c’est un pan de sa vie. Parce que cette dernière danse, celle des Bulls de 1998, il l’a vécue. Parce qu’il était l’un d’eux.

Le grand au numéro 34 que l’on voit passer dans The Last Dance, celui avec la barbichette, c’est lui. Un gars de Montréal qui, du haut de ses sept pieds, n’était pas destiné au monde du basketball. Car plus jeune, Bill Wennington voulait devenir joueur de hockey.

  • Michael Jordan et Bill Wennington ont été coéquipiers chez les Bulls de Chicago durant quatre saisons.

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    Michael Jordan et Bill Wennington ont été coéquipiers chez les Bulls de Chicago durant quatre saisons.

  • Selon Bill Wennington, Scottie Pippen aurait pu être le numéro un dans toutes les autres équipes de la NBA.

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    Selon Bill Wennington, Scottie Pippen aurait pu être le numéro un dans toutes les autres équipes de la NBA.

  • Bill Wennington, Michael Jordan et Dennis Rodman sous le panier : les Bulls avaient souvent l’avantage pour les rebonds !

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    Bill Wennington, Michael Jordan et Dennis Rodman sous le panier : les Bulls avaient souvent l’avantage pour les rebonds !

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Mais la vie en a décidé autrement. La vie, et puis aussi, il faut bien le préciser, des patins trop petits.

« Je me souviens qu’à 12 ans, je ne pouvais pas trouver des patins de ma taille, des 14, pour essayer de continuer à jouer au hockey, explique-t-il en anglais à La Presse lors d’une entrevue téléphonique. Ensuite, après avoir choisi le basket, j’ai déménagé à Long Island avec ma mère en 1979, et j’ai fait mon chemin au basketball scolaire… avant d’être repêché en 1985 dans la NBA, 16au total, par Dallas. J’ai joué six ans avant de partir jouer deux ans en Italie. »

En revenant, j’ai été invité au camp d’entraînement des Bulls à Chicago en 1993. Les Bulls avaient besoin d’un grand joueur au poste de centre, alors ils m’ont offert un essai d’un mois. Mais l’essai d’un mois s’est transformé en une carrière de six saisons avec eux !

Bill Wennington

Dans The Last Dance, offert ici sur Netflix depuis avril, Bill Wennington campe un rôle secondaire, derrière Jordan bien sûr, mais aussi derrière les autres vedettes du club, comme Scottie Pippen et Dennis Rodman. Il s’agit d’un rôle auquel il a toujours été habitué ; au hockey, comme défenseur, ce n’était pas lui le plus talentueux, et ses trop grands pieds l’ont forcé à se tourner vers le basket, à l’âge de 12 ans, avec un club de Beaconsfield.

« C’est un journaliste du journal local qui m’avait suggéré de me joindre à l’équipe du quartier. J’étais horrible, mais j’ai adoré ça tout de suite. On ne jouait pas souvent, parce qu’il n’y avait pas de parcs avec des anneaux ou des gymnases. Alors quand je suis parti à Long Island avec ma mère, je jouais tous les jours. À 16 ans, je mesurais 6 pi 10. »

La chimie d’une équipe gagnante

« C’est ce qui a fait la force des Bulls des années 90, à mon avis, poursuit-il. Il y avait un bon mélange dans l’équipe. Il y avait des gars comme moi, venus d’ailleurs. Il y avait un Australien, Luc Longley, il y avait des gars qui venaient des quartiers défavorisés. Il y avait Rodman, il y avait Pippen, qui aurait été le joueur numéro un dans n’importe quel autre club… et il y avait Michael. Il a fallu que tout le monde accepte son rôle, et celui qui a tenu ça à bout de bras, c’est l’entraîneur, Phil Jackson. C’est lui qui a su faire en sorte que tout le monde allait jouer son rôle et pousser dans la même direction. »

Dans The Last Dance, tout tourne autour de Jordan, bien sûr, et dans la vraie vie, c’était exactement comme ça aussi, selon Wennington. Le documentaire nous montre que les Bulls de cette époque, c’était les championnats, les triomphes et les tours de magie sous le panier.

VOYEZ un panier de Bill Wennington sur une passe de Michael Jordan

Il y avait tout ça, oui, mais il y avait aussi quelque chose de plus cruel et de plus insidieux qui se cachait derrière le rideau : Jordan, porté par sa soif de victoire, était en train de devenir tout-puissant.

Presque trop.

« Michael aimait défier tout le monde, répond Wennington. Il aimait nous défier nous aussi lors des entraînements. Je me souviens d’une fois où j’ai bloqué un de ses lancers à l’entraînement… Alors, sur le jeu suivant, il a pris le ballon au fond du court, il a traversé le terrain, il a déjoué tout le monde et il est venu mettre le ballon dans le panier juste devant moi en disant : “Essaie de bloquer ça la prochaine fois !”, avec quelques gros mots ensuite. Il a passé le reste de la pratique à hurler des gros mots et à me bousculer.

Il était comme ça. Il nous poussait et il nous bousculait, juste pour voir comment on allait réagir. Est-ce qu’on allait répliquer, ou bien est-ce qu’on allait s’écraser ? C’était sa façon de faire pour voir s’il allait être capable de compter sur nous.

Bill Wennington, au sujet de Michael Jordan

Le grand Montréalais poursuit : « Aux yeux de Michael, si on allait s’écraser lors d’un entraînement, ça voulait dire qu’on allait aussi s’écraser au moment d’affronter les meilleurs joueurs de la ligue, comme Patrick Ewing ou Karl Malone. Il savait qu’il allait avoir besoin de nous pour gagner, alors il nous poussait comme ça, parce qu’il avait besoin de savoir comment on allait réagir. Il lui arrivait même parfois d’imaginer des choses seulement pour se motiver. On le voit très bien dans les épisodes de la série. »

Il ne reste plus que deux épisodes à The Last Dance. Bill Wennington ne va pas les rater, comme il n’a rien raté depuis le début de ce documentaire de 10 épisodes. Aujourd’hui analyste des matchs des Bulls à la radio, il lui arrive encore à l’occasion de croiser Michael Jordan, surtout lorsque les Bulls affrontent les Hornets de Charlotte, équipe dont Jordan est propriétaire depuis 2010.

Et puis, comme nous tous, ou presque, il savoure chaque instant de cette dernière danse.

« Je regarde ça et j’ai d’excellents souvenirs qui me reviennent en tête… On peut comprendre à quel point cette équipe était bonne. Un tel mélange de personnalités aux talents différents, on ne voit pas ça si souvent. »